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Cali + Hong Kong Dong au Zénith

Soyons honnête. Le vilain auteur de ces lignes a longtemps craché sur Cali. L'a rangé dans la famille de ces artistes bobo-populo-démagos chantant des histoires de chauffe-eau, de voisines affriolantes ou de soirées entre amis auxquelles on n'a pas envie de participer et qui ont inondé les ondes FM ces dix dernières années. Lui a reproché de marcher sur les plates-bandes de son idole, Christophe Miossec. D'aborder les mêmes thématiques (le désenchantement dans les relations amoureuses, la violence des sentiments, la mécanique destructrice des corps...), d'avoir une écriture trop proche du breton, avec ses rimes et pieds approximatifs et le même goût pour le vocabulaire le plus cru. Et, surtout, de rencontrer un succès plus important en remplissant les plus grandes salles françaises et en bénéficiant d'une plus large couverture médiatique.

Mais voilà... Miossec a reconnu en Cali un frère spirituel et l'a, en quelque sorte, adoubé en apparaissant dans un de ses clips et en chantant en duo avec lui en concert. C'est idiot, les critiques ne sont d'ailleurs pas réputés pour leur grande intelligence, il n'en fallait pas plus pour que l'on réévalue le cas du chanteur perpignanais. Que l'on (re)découvre une personnalité attachante, aux profondes convictions politiques et sociales mais s'engageant discrètement, refusant d'endosser une posture de donneur de leçons à la Bono. À l'écriture fine et subtile où plane l'influence littéraire de grands maîtres (Charles Bukowski, J.D. Salinger, John Fante, Raymond Radiguet, André Breton, …). Alléché par sa réputation scénique, on se décide de faire preuve d'ouverture d'esprit, d'oublier les railleries de certains camarades et de pousser enfin la porte d'une salle de concerts pour aller à la rencontre du chanteur. Rendez-vous est donc pris au Zénith de Lille le 06 mai 2011. Si le courant ne passe pas, si l'on n'a rien à se dire et bien, tant pis... On se dira au revoir poliment et on ne cherchera pas à se revoir. Sans rancune, si possible...

Première constatation. Le public n'est pas, comme on s'y attendait bêtement, majoritairement féminin. Cali séduit autant les hommes que les femmes. Toutes les générations sont également présentes. De 7 à 77 ans comme le proclamait le célèbre magazine pour enfants. Seconde observation: l'atmosphère est électrique, explosive. L'affection que porte le public nordiste pour l'artiste inonde la salle. Elle est palpable, on peut presque la toucher du doigt. On crie son nom, on frappe le sol, on fredonne l'air de « 1000 Coeurs Debout ». Mais ici, les coeurs sont plus de 3500. Le concert n'a pas encore commencé que les gradins vrombissent, que les murs tremblent déjà. Impressionnant. C'est que l'histoire d'amour qui unit Cali et les « ch'tis » ne date pas d'hier. Féru de football, le chanteur a eu l'occasion de donner le coup d'envoi d'une rencontre Lens/Saint-Etienne. Et, surtout, a enregistré son live Le Bordel Magnifique dans cette même ville.

Pour ouvrir la soirée, Cali fait appel aux belges de Hong Kong Dong qui ont participé à l'enregistrement de son dernier album La Vie Est Une Truite Arc-En-Ciel Qui Nage Dans Mon Coeur. Leur guitariste, Geoffrey Burton, en est aussi le producteur. Le nom du groupe est inspiré par les origines asiatiques de son noeud central, Boris Zeebroek et sa soeur Sarah au chant et à la six-cordes. Les influences sont clairement eighties. Les chansons sont colorées et enjouées, ne se prennent pas au sérieux, tout comme les musiciens qui s'amusent visiblement. Des sonorités synthétiques post-New Wave à la B-52's. Le goût sucré des tubes Funk de l'époque. Des guitares testostéronées hurlant leur amour d'un Hard FM aujourd'hui disparu. Musicalement irréprochable. Mais lassant pour celui qui ne partage malheureusement pas la nostalgie des productions désuètes des années 80.

21 heures. La pression monte. Les lumières dans la salle s'éteignent. Le « New Gold Dream » des Simple Minds résonne dans les enceintes. Torse nu, le batteur entre seul sur scène, fait le go-go dancer, chauffe le public qui ne se fait pas prier pour hurler son plaisir d'être là. Le reste de la troupe, les membres de Hong Kong Dong et des musiciens fidèles comme Nicolas Puisais ou Blaise Margail aux cuivres, le rejoint.

On commence par la fin. Par l'ultime chanson du dernier album, « Je N'Attends Que La Revanche ». Joli pied de nez au critique curieux ayant fait le déplacement pour se faire un avis définitif sur l'artiste, qui pour l'instant chante des coulisses. « Je ne baisse pas les bras mais je pense que ça me ferait le plus grand bien d'écraser mon poing sur leur sale figure »: nous voilà prévenus. Guitares saturées, arrangements Electro-Rock hypnotiques, le morceau installe immédiatement un sentiment d'urgence, crée une intensité au pouvoir cathartique. Donne des pistes pour mieux comprendre la musique de Cali. Avec son texte à l'ancienne, déclamé poétiquement à la manière d'un Léo Férré et ses sonorités résolument modernes, cette chanson fait le lien entre les deux univers principaux du Perpignanais: la chanson française d'après-guerre et le Rock. Extrêmement cohérent quand on y réfléchit bien. Le Rock U.S. se nourrissant de racines typiquement américaines (le blues, la country, le gospel...), il est naturel que le Rock hexagonal, lui, prenne en compte les musiques populaires qui l'ont précédé pour se forger une réelle identité.

Cali apparaît enfin. Il déboule sur scène en courant. Et interprète nerveusement « Qui Se Soucie De Moi? ». Une question qui ne reste pas longtemps sans réponse. Le public n'est qu'amour. Est acquis à la cause du chanteur. Les yeux brillent. Les mots doux fusent. Les paroles sont reprises en choeur. La communion est totale, magnifique. C'est « L'Amour Fou ». Cali se jette dans les bras des spectateurs. Les étreint. Les embrasse. Il donne, se donne, s'abandonne...

Pour le curieux, le non-fan, aucune impression de tenir la chandelle. Tout de noir vêtu, Cali rayonne, illumine. Son charisme aveugle. Drôle, touchant, émouvant, beau, sincère, sensible, honnête, sauvage, survolté, magnétique, il fascine. Procure des frissons quand il se lance dans un slam kamikaze d'anthologie. Se faisant porter à bout de bras jusqu'au fond de la fosse, demandant à être hissé dans les gradins pour continuer sa nage folle jusqu'en haut des tribunes! Tétanisant ainsi les enfants ou jeunes adolescents dont c'était le premier concert, ou un des premiers, peu habitués à ce genre de spectacle. Nul doute que ce souvenir restera à jamais gravé dans leur mémoire. Et mettra la barre (trop?) haute pour leurs futurs concerts.

La scène est vécue comme un défouloir par ce Peter Pan de 42 ans. Il lâche tout, ouvre son coeur, joue de manière orgasmique, n'a pas peur de l'excès... Et du paradoxe. Plus Rock que bon nombre d'artistes qui se prétendent l'être, il aborde ses concerts comme une immense fête populaire. Alternant passages énervés (« Cantona », « 1000 Coeurs Debout », « Ma Douleur », « Je M'En Vais », « Elle M'A Dit »...) où se devinent les influences anglo-saxonnes du chanteur (Arcade Fire, The Pogues, The Waterboys) et douces accalmies (« Pensons A L'Avenir », « C'Est Quand Le Bonheur » dans une version épurée...). « Roberta » et sa mélodie délicieusement rétro plongent l'assistance dans une ambiance de fête de village, réveillant chez certains spectateurs la nostalgie des bals populaires animés dans la région par de grands orchestres. Le public est mis à contribution. Pensant pouvoir chanter en duo avec son idole, une jeune fille en fleur se retrouve piégée et seule sur scène, simplement accompagnée d'un piano, à chanter courageusement dans son intégralité « L'Amour M'A Tué ». Cali prie des adolescents de le rejoindre au moment d'interpréter son émouvant « Quand Je Regarde Mes 17 Ans ». Un instant magique parmi tant d'autres.

Finalement, on se rend à un concert comme à un rendez-vous galant avec une inconnue observée de loin. Une rencontre arrangée par un ami vous assurant que vous vous découvrirez plein d'atomes crochus. Pas d'attentes particulières. Juste l'espoir de passer une bonne soirée. Et surprise, on tombe sous le charme d'une personnalité entière, ne trichant pas et c'est le coup de foudre qui vous tombe dessus. On ne pense plus qu'à elle et on attend impatiemment de la revoir. C'est vraiment en faisant n'importe quoi qu'on vit l'amour fou!

 


 

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