La 13ème tribu à la Maison Folie Wazemmes

Ce jeudi 5 mai, le public était venu en masse pour découvrir la création musicale des ateliers de la Compagnie du Tire-Laine intitulée « La 13ème Tribu ». Le spectacle jouait sa première représentation à guichet fermé. Pour les chanceux qui avaient décroché le ticket d’entrée tant convoité, c’était l’occasion de pénétrer dans une salle comble qui s’est obscurcie avec une trentaine de minutes de retard.

Gongs, tambours et casseroles s’entrechoquent et marquent le coup d’envoi du spectacle. D’emblée, le spectateur se retrouve aux pieds des pyramides et remonte les aiguilles du temps, 2500 ans en arrière. Moïse profile son exode vers la terre promise refusant de se soumettre à l’esclavagisme instauré par les pharaons. Chaudronniers, femmes et enfants vont ainsi le suivre par-delà les frontières et constituer la 12ème tribu. Un départ qui signe l’abolition des privilèges pour les grands pharaons. « Et mon café ! » s'insurge l’un d’entre eux. Dans une colère sans précédent, les souverains égyptiens lancent des troupes de soldats à leurs trousses. Tous finiront prisonniers des vagues… Si Moïse a pu traverser la Mer Rouge sans encombre, ces missionnaires n’ont pas été épargnés par les grâces de Dieu. Une hécatombe qui laisse perplexe Sarah, une demoiselle qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui affiche sans complexe ses idéaux : « Dans mes errances, il m’arrive de me tromper. Ta superstition tu peux la garder pour toi. Tes obsessions ne me concerneront pas ». Comment, d'un simple claquement de doigt, Dieu peut-il enlever la vie de milliers d'hommes ? Considérée comme hérétique, la jeune fille quitte la troupe, renonçant à suivre Moïse dans l’Exode d’Egypte. De cette décision naîtra la 13ème tribu : peuple de nomades aussi appelé les Kaldérash. Oscillant entre théâtre et chant, les saynètes exaltent avec le jeu des acteurs.

Assis confortablement, le public tape des mains et remue des épaules. Difficile de rester en place avec les rythmes entraînants que nous sert Swing Gadjé. Il faut reconnaitre que la voix sensuelle d’Amélie Affagard ne nous laisse pas de marbre. Et que dire quand les six musiciens la rejoignent en chœur à coup de percus, de saxophone et de contrebasse. Au fil des mélodies, le vagabondage continue. Après avoir foulé déserts, plaines et montagnes, plus qu'une terre d’accueil, ces baroudeurs sont en quête d’identité. Comment bénéficier d’une quelconque reconnaissance lorsqu'on est dénué d'une culture qui nous est propre? De ce constat, né le peuple des Roms et la langue romani.

Pour subvenir à leurs besoins, les chaudronniers n’hésitent pas à fatiguer le métal avec ardeur. Ils façonnent des charrettes, des outils et ferrent les chevaux des villages environnants. Au cours de leur périple, ils cueillent, ramassent, affûtent et forgent. Parfois chassés, ils repartent toujours un œuf ou deux dans les poches. Un voyage qui dure des siècles laissant s’évaporer leur principal leitmotiv : la recherche d’une terre sacrée. "C'est fou ce qu'on oublie vite quand on marche sur le temps" fredonnent-ils. Du Caucase en passant par la Bohème jusqu’en Allemagne, on suit sans résistance cette joyeuse troupe de quinze comédiens et chanteurs. Ces derniers ne manquent pas de rappeler les regards déshumanisants dont ils sont quotidiennement victimes, ni les quelques 600 000 exterminations que dénombre l'Histoire. « Nous n’avons pas de pays mais nous avons la liberté » revendiquent-ils.

Ponctué par des séquences d’ombres chinoises teintées d’humour et de poésie, le spectacle nous interroge un peu plus sur la place qu'accorde l'Europe à ces minorités. Manouches, Romanichels, Tziganes, Bohémiens agencent leurs campements. Les femmes étendent le linge et soignent leurs nourrissons. Pendant que leurs maris tentent de trouver un compromis avec la gendarmerie…Une affaire à suivre...

En écho aux politiques gouvernementales européennes, ce conte humaniste rythmé et pédagogique permet d'appréhender l’histoire des Roms et la diaspora qui en découle

Une deuxième représentation se tiendra le 25 mai à l'Aéronef.
 

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