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En Tongs au pied de l’Himalaya : John Wax, Audrey Lamy, Benjamin Tranié

En Tongs au pied de l’Himalaya : John Wax, Audrey Lamy, Benjamin Tranié

John Wax, Audrey Lamy et Benjamin Tranié. En Tongs au pied de l'Himalaya Style : Comédie Date de l’événement : 13/11/2024

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Cette semaine, l'entretien cinéma de LillelaNuit est consacré à En tongs au pied de l'Himalaya, nouvelle comédie de John Wax. Dans ce film inspiré de la vie de Marie-Odile Weiss, Pauline (Audrey Lamy) est la mère d'Andréa (Eden Lopes), enfant diagnostiqué d'un trouble du spectre autistique. Séparation, épuisement et succession d'échecs conduisent Pauline au plus bas. Remonter la pente, c'est gravir l’Himalaya en tongs. Un film drôle, émouvant, bienveillant, qui fait du bien. Rencontre avec John Wax, Audrey Lamy et Benjamin Tranié.

Il y a déjà eu des films sur des enfants atteints d'un trouble du spectre autistique. Votre film n'est pas seulement une comédie, il est aussi  un film émouvant. Comment avez-vous trouvé  l'équilibre ? Vous vous attaquez tout de même une comédie sur un sensible.

John Wax- Bien sûr, l'équilibre, on l'a trouvé. Ça a été un travail depuis l'écriture.  Pendant le tournage, après au montage pour justement ne pas en faire juste une blague. Et puis ne pas être aussi dans un film plombant. Ça a été un travail du début à la fin. Et puis, c'est à l'image aussi de ce qu'a vécu Marie-Odile (Marie-Odile Weiss, comédienne et à l'origine du seul en scène En tongs au pied de l'Himalaya). C'est une amie à moi. Et elle me raconte les choses qu'elle vit et ce qu'elle traverse. Donc il y a des trucs très durs mais il y a aussi des moments où on en rigole. C'est ce qu'on voulait raconter dans le film. Ce n'est pas que de la souffrance. Il y a aussi des moments de gêne, de rigolade, d'amour, des petites victoires du quotidien. C'est ce qu'on a essayé de faire là-dedans. Tout en respectant quand même le sujet du film.  Et sans en faire une blague. Ça a été tout l'enjeu du film.

Il y a aussi des moments de gêne, de rigolade, d'amour, des petites victoires du quotidien.

John Wax

Quand vous avez vu le scénario. Qu'est-ce que vous avez perçu dans le personnage de Pauline que vous n'aviez pas pu explorer auparavant ?

Audrey Lamy : Non. Je ne me suis pas posé la question en fait. Quand j'ai reçu le scénario, je ne m'attendais pas à ce que John me propose ça. Parce qu'il avait fait, Tout simplement noir, Coexister.  Il faisait quand même de la grosse comédie. Quand il m'envoie le film, je ne sais pas de quoi ça parle. Il m'appelle. J'étais dans mes cartons, en plein déménagement. Et il me dit "Je t'envoie un scénario, je ne te dis pas de quoi ça parle mais ne met pas trop longtemps à me donner une réponse. Parce que j'ai hâte d'avoir ton ressenti". Quand j'ai lu le scénario, je m'attendais vraiment à une comédie et j'ai commencé à lire. Je n'ai pas pu m'arrêter, je suis vraiment entrée dans l'histoire et dans le rôle de cette maman. Moi je suis maman de deux enfants donc évidemment tout ce qui touche les enfants, ça me touche aussi. En fait, en tant qu'actrice, j'ai aimé l'histoire. C'est la première chose. De toute façon même quand tu acceptes des sixièmes, des douzièmes et des vingtièmes rôles, la première question est "Est-ce que tu as envie de  raconter l'histoire ? Est-ce que tu as envie de participer à cette histoire de près ou de loin ?". J'avais évidemment envie de participer à cette histoire. Le premier rôle en tant qu'actrice, c'est génial, tu as tellement de choses à jouer. Il y a une vraie évolution du personnage. Donc tu as un vrai travail en amont à trouver. Et puis tu t'informes, tu te documentes. C'est un gros sujet quand même. Quand tu dois arriver, tu es armée sur le plateau. Donc tu dois savoir de quoi ça parle, de quoi le sujet traite, etc. J'étais hyper excitée d'avoir ce projet-là et à ce moment-là. Parce que je lisais des choses où je n'étais pas hyper convaincue de ce que je lisais. Et là, je me suis dit "Waouh". C'est un vrai coup de cœur.  Et encore une fois, oui, ce rôle pour une actrice c'est génial. Pouvoir passer du rire aux larmes. Avoir une émotion. Elle est perdue. Elle est désarmée. Et en même temps, elle a une force, une résilience incroyables. Et puis à un moment, elle rechute. Je savais que j'allais pouvoir m'éclater en tant qu'actrice en jouant cette femme.

Le personnage de Valentin est formidable.

Audrey Lamy : On l'adore. On l'adore tous.

En sortant du film. on a l'impression d'avoir vu avec Valentin, un personnage comme on peut en voir dans des comédies américaines. Comme dans les buddy movies ou dans certaines comédies de Judd Apatow. C'était une référence pour vous ? En restant dans notre culture, on peut aussi penser aux personnages que pouvait incarner Michel Blanc. Ce type est complètement azimuté mais, en même temps, ultra touchant. C'est quelque chose qui fait partie de votre ADN ?

Benjamin Tranié : Moi j'aime faire des personnages odieux.

John Wax : Dans la loose.

Benjamin Tranié : J'aime bien les losers attachants mais qui sont parfois un peu mal à l'aise. Qui mettent mal à l'aise. Mais c'est souvent des mecs qui ont très peu de vie sociale, qui ne sont pas trop aimés. Ils sont très maladroits sur le dialogue. Parfois assez bruts Et ce sont des personnages que j'aime beaucoup jouer effectivement.

Audrey Lamy : Tu as rajouté des petites choses. Il y a un truc qui est hallucinant chez Benjamin, c'est qu'il a vraiment le rythme de la comédie. A l'écriture, quand tu lis, tu te dis "Ah ouais bon. Je ne voyais pas trop la vanne. Vite fait comme ça". Et en fait quand Benjamin le joue, tu fais "Ah oui ça y est maintenant j'ai compris." Donc lui, il l'a en tête.  Parce qu'il connaît Valentin. Il a sa voix. Il a son rythme en tête.  Son rythme, ses ruptures, l'intensité de son jeu, lui permettent d'incarner un personnage.  Pour moi c'est un vrai personnage de composition.  Parce que dans son attitude, il n'est pas comme ça dans la vie.

John Wax:  Je trouve qu'il a ce truc. Et j'adore cette référence à Michel Blanc parce qu'il a ce truc très attachant. Déjà physiquement et même dans sa manière de parler.

Audrey Lamy : Tu lui pardonnes tout.

John Wax : Exactement. C'est ce gentil imbécile.

Jusqu'à un certain point...

John Wax : Jusqu'à un certain point. Bien sûr. Jusqu'à un certain moment. Mais je trouve qu'il a ce truc là. Il te fait un sourire avec ses petits chicos.

Audrey Lamy : C'est surtout que lui il s'y prend bien. Mais par contre il y a un truc qui est génial. C'est la force des personnages. L'amour les uns pour les autres. Valentin a de l'amour pour sa sœur. Moi j'ai de l'amour pour mon frère. Mon père, dans sa manière d'être avec ce qu'il est, aime quand même ses enfants. Il s'y prend très mal, il s'y prend vraiment comme un manche. Mais il les aime.  Tu peux rendre les personnages odieux, déstabilisés. Ils sont toujours rachetés par une sympathie.

Le personnage du père est un peu un gros con. Mais on comprend que ce n'est pas de sa faute...

John Wax : C'est un peu mon papa. C'est une autre génération, une autre époque. Ce sont des pères qui ne savaient pas comment faire. Moi aujourd'hui, j'ai deux enfants et on est bombardés de "Faut pas faire ci, faut pas dire ça, faut les encourager, faut ceci, faut cela". A l'époque, il n'y avait pas ça. Mon père, c'est le cliché du père des années 80. Il bosse, il rentre, les pieds sous la table. Et puis voilà. Et sa manière de nous montrer qu'il nous aime, c'est de nous payer un truc. Ce sont des parents qui ne savaient pas comment faire. Ce n'est pas qu'ils sont méchants. C'est juste qu'ils ne savent pas comment faire. Aujourd'hui on sait qu'il faut encourager nos enfants. Qu'il faut ceci, qu'il faut cela. Mais à l'époque ils ne savaient pas. Ce n'est pas quelqu'un de malveillant, c'est juste quelqu'un qui ne sait pas faire. Mais il aime profondément ses enfants. Sa manière de leur montrer, c'est de leur donner de l'argent. Il n'y a pas de méchant dans ce film. Même la maîtresse. On peut penser qu'elle est le cliché la méchante maîtresse. Mais non : elle a ses propres problèmes. Elle voit cela de son point de vue. L'éducation nationale manque de moyens et ce n'est pas un métier facile. Surtout que les enfants peuvent être très méchants. Surtout les enfants en bas âge. Donc voilà, elle a ses problèmes. C'est juste une question de point de vue.  Mais ce n'est pas quelqu'un de méchant. Il n'y a pas de méchant dans le film.

Il n'y a pas de méchant dans le film.

John Wax

Une des qualités du film, est dans les personnages secondaires qui gravitent autour des personnages principaux. Ça vous demande beaucoup d'écriture ? Vous avez besoin d'avoir les comédiens ?

John Wax : J'ai besoin d'imaginer. C'est beaucoup plus facile quand on écrit en sachant qui va jouer le rôle. Une fois que j'ai été sûr que c'était Audrey, j'ai su ce que j'avais envie de voir. Elle a mis son nez dans l'écriture. Une fois que je savais que c'était Benjamin, pareil, je sais ce que j'ai envie de voir de Benjamin. Donc oui, on écrit en pensant aux personnages. C'est plus facile quand on sait qui va jouer.

Audrey Lamy : Oui, parce que tu as leurs musiques.

John Wax: Exactement. Mais il y a des rôles, par exemple le rôle du barman que j'ai écrit en pensant à moi. Je me suis imaginé dans ce rôle de barman qui veut juste tromper sa femme, exploiter ses employés. Il y a une musicalité. Je ne savais pas qui allait jouer ce rôle. Après, quand tu as le comédien, d'un coup tu te rends compte que finalement ce n'est pas ça. Et donc, il faut réadapter.  Par exemple, le rôle de Benjamin, moi je ne voulais pas qu'il soit dans la caricature de ce qu'il fait habituellement, qu'il fait le beauf.  Mais on a mis un petit temps à trouver le personnage, la voix, la manière de parler.

Benjamin Tranié : Moi c'est venu presque sur le tournage. Sur l'un de mes premiers jours, j'étais avec Stéphane Wojtowicz qui joue mon père et il parle un peu avec un accent. John s'est rendu compte que si j'adoptais cet accent, ça marcherait. Ça marcherait mieux, j'aurais l'air d'être encore plus son fils, si j'avais la même voix que lui.

Que vouliez-vous réussir à tout prix et surtout à tout prix éviter ? 

John Wax : Je voulais éviter de tomber dans le pathos. Je ne voulais pas du tout tomber là-dedans. Et réussir à tout prix, c'est de raconter aux gens l'histoire de Marie-Odile Weiss.  Je sias ce qu'elle vit. Et vraiment, je la trouve très forte. Cest quelqu'un de très solaire, qui rigole. Quand on sait ce qu'elle vit, je ne sais pas si j'aurai la force de me lever le matin encore. Vraiment. Jai deux enfants et je trouve déjà  ça très dur, des enfants neurotypiques. Je trouve ça déjà très dur d'être parent. Je n'étais pas prêt pour ça.

Benjamin Tranié : Le pathos et passer le réaliste, être dans la vérité

Audrey Lamy : Le plus grand défi, était d'être dans la vérité.

 

Le synopsis : Pauline est la maman d’Andréa, 6 ans et demi, un petit garçon formidable à qui on a diagnostiqué un TSA : un « trouble du spectre autistique ». Il n’est pas vraiment au niveau mais il est toujours scolarisé et s’apprête à faire sa rentrée en grande section de maternelle. Pour Pauline, sans revenus fixes et récemment séparée de Fabrice, le père d’Andréa, tout semble concourir à faire de sa vie une succession d’échecs. Or pour Andréa, c’est une année cruciale qui va déterminer s’il peut ou non rester scolarisé et obtenir ainsi une meilleure chance de voir son état s’améliorer. Mais pour cela, Andréa a besoin de stabilité et pour Pauline, la lui apporter, c’est un peu (beaucoup) gravir l’Himalaya en tongs…

Les Infos sur En tongs au pied de l'Himalaya

En tongs au pied de l'Himalaya de John Wax

Avec Audrey Lamy, Nicolas Chupin, Eden Lopes, Benjamin Tranié
D'après l'œuvre de Marie-Odile Weiss
Scénariste : Marie-Odile Weiss

Sortie : 13 novembre 2024
Durée : 93 min

Photos et film-annonce : Le Pacte

Entretien réalisé à Lille le 28 octobre 2024 par Grégory Marouzé.
Retranscription de l'entretien par Ambre Labbe.
Remerciements : UGC Ciné Cité Lille

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