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Fred Cavayé, Gilles Lellouche et Vincent Lindon – Mea Culpa

Fred Cavayé, Gilles Lellouche et Vincent Lindon – Mea Culpa

Style : cinéma Date de l’événement : 24/01/2014

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Sortie le mercredi 5 février de Mea Culpa, le troisième film de Fred Cavayé. Pour Mea Culpa, Cavayé réunit Vincent Lindon, acteur de son premier long-métrage Pour elle. Ainsi que Gilles Lellouche, qu’il a dirigé dans A Bout Portant. Si on excepte un scénario un peu léger, Mea Culpa est sans doute ce qui est arrivé de mieux dans le cinéma de genre français depuis belle lurette. Voilà un film efficace, carré, tendu dont les scènes d’action n’ont rien à envier au cinéma américain. Le cinéaste et les acteurs étant de passage dans la capitale des Flandres, Lille La Nuit se devait de rencontrer le trio afin de faire le point sur ce film qui risque de créer l’évènement.

 

© Gaumont Distribution

Fred Cavayé, vous êtes un des rares cinéastes en activité à faire du cinéma d’action en France, même si vous débordez sur d’autres genres. Quelles sont vos influences dans le cinéma d’action américain et français, qui a longtemps connu une tradition dans le genre ?

Fred Cavayé : C’est un genre plus tellement usité depuis les années 70, depuis les films de Belmondo, comme Peur sur la ville, qui est une de mes premières références. Je me suis nourri aussi de films comme Jason Bourne, qui ont révolutionné le cinéma d’action. Maintenant, l’action est centrée sur l’humain. Pour résumer: votre personnage peut mourir. La James Bond girl peut mourir, Batman peut mourir. En tant que spectateur, j’ai d’autant plus peur et c’est vers ce nouveau type de film d’action que je vais, des films où le leitmotiv et l’enjeu sont l’« amour ».

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir vers ce cinéma-là ?

FC : Les histoires justifient la forme du film. Le thriller est le cinéma dans lequel vous pouvez tout mettre : de l’émotion, du suspens, du rire. C’est un cinéma qui me plait en tant que spectateur. C’est le genre, à l’heure actuelle, que j’affectionne le plus.

Vincent Lindon et Gilles Lellouche, qu’est-ce qui vous a donné envie de repartir dans cet univers très particulier de Fred Cavayé ?

Gilles Lellouche : Je pense que Fred est le meilleur dans son domaine. Des réalisateurs avec un univers très fort, il n’y en a pas tant que ça. Il est arrivé un niveau de technicité absolue et une maîtrise de ce qu’il a envie de faire qui est assez dingue. On sait que les tournages vont être compliqués parce qu’il est très exigeant. En tant qu’acteur, c’est éprouvant. Mais cette douleur physique et usure morale, donnent des résultats à la fin. On sait que le film sera extraordinaire et qu’on sera récompensé de nos efforts.

Vincent Lindon : On est les premiers à râler parce que c’est très fatigant, mais une fois qu’on nous dit ce qu’il faut faire, on est conditionnés et il n’est plus question de diminuer la dose. Comme dans une équipe de cyclistes, quand l’un est fatigué, les autres prennent la relève. On se remonte le moral. On est devenu une armée, une équipe tous les trois. C’est à ça que sert de s’entendre très bien et d’avoir déjà travaillé ensemble. On ne perd pas de temps : nous sommes deux personnes en qui il a confiance et qui lui font confiance. Et c’est très important.

FC : C’est compliqué de réaliser un tel film en France et c’est pour ça qu’il ne me fallait pas d’autres comédiens. Dès la première minute, ils me font confiance. Avec un autre comédien que je ne connais pas, il faut instaurer cette confiance et là je n’aurais pas eu le temps. Il fallait qu’ils soient conscients qu’à la première minute ils allaient se faire mal, mais que ça allait valoir le coup, qu’ils n’allaient pas être trahis.

VL : Et puis, on se comprend. Quand je ne suis pas convaincu de ce que j’ai fait et que Fred me dit : « j’ai juste besoin de ce moment-là », je n’insiste pas. Avec lui, je sais exactement ce que ça veut dire. On peut repartir, on gagne du temps. C’est réglé, parce que ça ne sera jamais utilisé, et c’est un confort de confiance qui fait qu’on peut nous emmener au bout du monde.

photo © Alexandre Marouzé

 

Dans le film, Fred Cavayé, vous travaillez aussi sur des codes du cinéma d’action ?

FC : Bien sûr ! C’est pour ça qu’il y a plein de cases que je ne comble pas. Qu’est-ce qu’un méchant de cinéma ? On le sait, on a tous vu des films avec des méchants. Ça ne sert à rien de rajouter du gras autour, d’expliquer ce qui s’est passé dans son enfance. Il faut aller à l’essentiel et ça permet au spectateur d’être tout le temps actif : il doit combler les cases. On a tendance à penser qu’il faut tout expliquer au spectateur, c’est une erreur. Dans Pour Elle, il y a une scène chargée en émotion qui a très bien marché, lorsque Vincent sait qu’il voit son père pour la dernière fois. Quand il l’embrasse, ça nous touche vraiment parce qu’on s’implique. On n’a pas besoin de savoir pourquoi ils ne se sont pas parlés pendant des années.

VL : Je voudrais prendre  l’exemple d'un chef d’œuvre du genre : Heat. Il faut savoir qu’Al Pacino a tourné au moins une heure et quart de film en plus. Michael Mann lui disait : « tu vas être un flic cocaïnomane au dernier degré ». Il a construit tout son personnage là-dessus et toutes les scènes dans lesquelles il se drogue ont été supprimées. Ça rappelle le conseil de Frank Capra sur la façon de faire un film. Il disait : « faites le film et enlevez les deux premières bobines ». On lui répondait : « mais les gens ne vont rien comprendre ». Mais non : ils comprenaient. Il faut se dire que les gens voient tout.


FC :
Il faut faire confiance au spectateur. Et personnellement, j’aime être actif au cinéma.

On remarque qu’il y a une grande place pour les personnages féminins bien que ce soit un « film viril ». Vous pourriez nous en parler ?

FC : Les personnages féminins sont au centre de la problématique, sont l’enjeu dans les trois films. Il est intéressant de se demander dans Mea Culpa : « Pourquoi les personnages courent ? ». Pour les bonnes raisons : ce qu’ils aiment le plus au monde. En l’occurrence, ça se traduit par les filles. Je préfère que Vincent ou Gilles courent pour leur femme, que pour les plans d’une navette spatiale. En tant que metteur en scène, je préfère les problématiques plus humaines. Quelqu’un a dit : « Toutes les histoires sont des histoires d’amour ». Donc forcément, celle-ci aussi.

GL : Je n’ai pas de partenaire féminine dans le film, mais je peux dire qu’elles ont la part belle et peuvent l’avoir encore davantage, plus tard. Même les personnages masculins ont une part de féminité, de sensibilité. Cela dit, on n’est pas dans les films de testostérone pure avec du muscle et de la moustache. Et je pense que le ciné de Fred ira de plus en plus vers les femmes.

 

Pourriez-vous nous expliquer comment vous préparez une scène d’action et comment vous la tournez ?

FC : Il y a un gros travail en amont. C’est comme un puzzle, je sais quelle pièce il me faudra et mon boulot, c’est de les avoir. Je peux devenir fou si je n’ai pas ce qu’il me faut.

GL : Fred est réalisateur et monteur. Il a monté son film dans sa tête et parfois, vous ne comprenez pas ce qu’il veut dire. Il est une autre dimension et c’est très troublant. Ça m’a troublé dans Les Infidèles (ndlr : Fred Cavayé en a réalisé un sketch) et de nouveau dans ce film. C’est le seul cinéaste que je connaisse qui a son film à ce point dans la tête.

VL : C’est très troublant en effet. Ce n’est pas comme un metteur en scène avec un story-board qui fait du copié-collé. Ca change tout le temps. Pour nous qui sommes perfectionnistes, c’est difficile, on veut faire les choses bien de A à Z... Il faut qu’il arrive à nous faire croire que tout sera dans le film. Mais à l’arrivée, il ne fera que ce qu’il veut.

FC : Je ne pouvais faire le film qu’avec eux parce qu’ils sont très impliqués. C’est très important, mais le problème, c’est qu’ils sont parfois tellement dans le rôle qu’ils ne se rendent pas compte que ce n’est pas le personnage qui se fait mal, mais l’être humain aussi. Ils sont tellement perfectionnistes qu’ils font vraiment les choses. Dans Mea Culpa, ce sont eux qui courent à 95 % du temps.

On a tous grandi avec le cinéma de genre. Qu’est-ce que vous donneriez comme conseil à un jeune qui voudrait se lancer dans ce type de cinéma ?


FC :
Qu’il faut qu’il y ait une histoire à raconter, même dans le cas d’un film d’action.


VL :
Je commencerais par lui dire qu’il n’y a pas de cinéma de genre. J’entends parler de ça depuis des années. Mais pour moi, ça n’existe pas. Dans ce film, Tout se peut. Il n’y a rien d’incroyable.

 

GL : Il y a juste un peu plus d’action que dans la vraie vie.

VL : Oui, parce qu’ils sont flics. Ils ont des droits et des moyens que d’autres n’ont pas. C’est un fait divers, pas du ciné de genre.

FC : C’est intéressant de parler de film d’action. J’ai un peu de mal à le dire parce que c’est péjoratif en France.

GL : On a tort de tourner autour du pot et de ne pas définir ce film comme un film d’action, parce que c’est un très beau genre. Je ne vois pas pourquoi on a plus de facilité à parler de la comédie ou du film d’horreur comme des films de genre que du film d’action. C’est un peu l’enfant pauvre du film de genre. Je ne suis pas d’accord. En plus, quand c’est bien fait comme ici, il y a de quoi être fier.
 

Affiche et film-annonce © Gaumont Distribution

Synopsis: Flics sur Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d'une mission. Sur le chemin du retour, ils percutent une voiture. Bilan : deux victimes dont un enfant. Simon, qui était au volant et alcoolisé, perd son job de flic. Six ans plus tard, divorcé de sa femme, Simon est devenu convoyeur de fonds et peine à tenir son rôle de père auprès de son fils Théo. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lorsque la vie de Théo, témoin malgré lui d'un règlement de compte mafieux, est menacée, le duo se reforme.

Sortie : 5 février 2014
Réalisateur : Fred Cavayé
Avec : Vincent Lindon, Gilles Lellouche, Nadine Labaki, Max Baissette de Maglaive, Gilles Cohen
Durée : 01h28min

 

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