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La Danseuse de Stéphanie Di Giusto avec Soko

La Danseuse de Stéphanie Di Giusto avec Soko

Stéphanie Di Giusto et Soko La Danseuse Date de l’événement : 28/09/2016

On a beaucoup parlé dans les médias de La Danseuse pour la présence à son générique de Lily-Rose Depp - dans le rôle de la danseuse Isadora Duncan -. Mais si Lily-Rose Depp s’en sort avec les honneurs pour sa prestation, l’actrice qui va vous scotcher en allant voir le film, c’est bien Soko ! Lille La Nuit a déjà évoqué Soko en tant que musicienne et chanteuse, nous en parlons aujourd’hui comme comédienne !  Déjà vue en 2012 dans le beau film de Alice Winocour, Augustine, Soko interprète chaque scène de La Danseuse comme si sa vie en dépendait.  Dans le film - très ambitieux - de Stéphanie Di Giusto, Soko incarne Loïe Fuller une artiste créative, visionnaire, impulsive, passionnée, volubile, déjantée, amoureuse, débordante d’énergie, au bord de la folie… Lille la Nuit a rencontré Soko et sa réalisatrice Stéphanie Di Giusto. Toutes deux nous ont parlé de leur expérience sur La Danseuse : un projet au long court, devenu aujourd’hui un film à l’affiche de vos cinémas.

Je voulais à tout prix réussir à rendre justice à ce personnage magnifique ! C’est déjà la plus grande quête quand on fait un film comme ça.

Soko

Stéphanie, on connaît le parcours artistique de Soko, on connaît un peu moins le vôtre car c’est votre premier long métrage. Comment en êtes-vous arrivée à réaliser ce film ?

Par rapport aux autres metteurs en scène qui ont fait la plupart du temps une école de cinéma, j’ai fait une école d’arts déco à Paris. Je venais de banlieue donc ce n’était pas facile d’aller faire cette école. Je me suis occupée ensuite de la direction artistique dans une agence spécialisée dans les affiches de films. Je ne connaissais le cinéma qu’à travers ce qu’on offrait en banlieue. A cette époque, pour faire une affiche de cinéma, on donnait le scénario. On me remet donc les scénarios de Jacques Audiard, Lucian Pintilie, et Michael Haneke. Je découvre alors le vrai cinéma et tout un monde avec Jane Campion, Andreï Tarkovski… Je suis aussi passionnée par la musique. J’ai donc pu faire des vidéos pour des artistes musicaux très engagés et avec des fortes personnalités comme Camille, Brigitte Fontaine, Jarvis Cocker... A un moment où je m'essouffle, je découvre cette photo magnifique en noir et blanc avec ce voile en lévitation et cette femme derrière. J’ai juste lu son autobiographie, et une pulsion m’a poussé à écrire alors que je n’avais jamais écrit. J’ai écrit 120 pages sur cette femme, Loïe Fuller qui m’a passionné. Le cinéma s’est alors imposé pour que je raconte cette histoire. C’était une mission, j’étais désinhibée. Je ne me suis pas posée la question “Est-ce que j’en suis capable ?”. Il m’a ensuite fallu six ans.

Soko, pour vous, être sur scène en tant que chanteuse et être actrice demande-il la même énergie ou est-ce différent ?

Pour moi, faire de la musique ou faire du cinéma, c’est comme manger et dormir. Ce sont deux choses que j’ai besoin de faire pour survivre, qui n’ont rien à voir et que je ne peux pas faire en même temps. Je ne peux pas manger en dormant, et inversement, c’est donc exactement la même chose quand je fais un film. Je ne peux pas regarder mes instruments, je ne sais plus qui je suis car je suis à fond dans le film. Je mange ça, je pense ça, je dors ça. Et quand je fais de la musique, j’ai aussi besoin d’être concentrée que là dessus. Je ne veux pas lire de scénario, faire de casting… Je ne veux rien faire d’autre que d’être dans ma petite bulle de sécurité et de créativité. Je veux avoir l’espace de me perdre là dedans.

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Il y a une chose qui est très étonnante : je ne sais pas si vous êtes vraiment sur les faits historiques, mais Loïe se rapproche de la lumière, et avec son costume, elle ressemble à un papillon de nuit qui va se brûler les ailes. Est-ce que c’était vraiment comme ça ? Est-ce que c’était une métaphore ?

Stéphanie : Attention, sa volonté n’était pas de se brûler. Ce n’était pas une volonté, mais après, son sacrifice est devenu ça inconsciemment. Sa volonté était juste de s’arrêter au papillon et d’être dans le rêve, d’être dans un truc qui est de l’ordre de la projection, du fantasme… Tous les hommes allaient la voir parce qu’elle créait le fantasme, ils s’imaginaient une femme idéale en fait.

En tant que spectateur, quand je vois votre film, quand je vois Soko, ce personnage, j’ai l’impression que quelque part, même s’il y a cette part de lumière, il y a quelque chose de tragique et déjà écrit.

Stéphanie : Peut-être. Je le ressens plus dans le personnage de Louis qui est vraiment le fantôme du film. Il est figé dans son siècle alors qu’elle est trop en avance. C’est pour cela qu’elle ira se brûler les ailes. On voit rarement des personnages comme ça au cinéma. Elle n’est pas dans la réflexion, elle est dans la pulsion, et c’est ça qui est beau. Quand elle soulève sa jupe, elle fait de ce geste quelque chose de beau. La réflexion est après. Une chose est sûre : ce qui est très beau dans le vrai personnage, c’est qu’à la fin, elle devient quasiment aveugle. Je ne voulais pas aller jusque là… Dans sa biographie, elle écrit une phrase hallucinante : J’ai réussi finalement, je suis ravie d’être aveugle. Elle n’a ainsi plus à subir sa propre image et elle est vraiment dans l’idée de l’abstraction totale. Alors que n’importe qui prendrait ça pour un handicap, pour elle, c’est une libération de l’enveloppe, du corps, d’un coup, elle n’existe plus. Elle va très loin dans sa démarche. Elle n’est donc pas dans l’intention de se brûler, mais plutôt dans l’abstraction, elle veut disparaître, oublier son corps, son poids. Elle va transcender sur la scène la beauté naturelle qu’elle n’a pas, et là, elle va réussir à s’oublier et donc à disparaître. Il y a donc cette quête de l’abstraction plus qu’une volonté de se faire du mal.

Soko, qu’est-ce que vous vouliez à tout prix réussir avec ce film et ce personnage ?

Je voulais à tout prix réussir à rendre justice à ce personnage magnifique ! C’est déjà la plus grande quête quand on fait un film comme ça. Interpréter un personnage aussi magique est un poids énorme, je voulais donc être très proche d’elle, la comprendre, et être le plus possible elle. Notre chorégraphe Jody Sperling a passé 15 ans de sa vie à faire les performances de Loïe, donc quand je n’arrivais plus à danser, on parlait et elle me racontait plein d’histoires, et notamment comment elle s’est appropriée cette danse.

Stéphanie : Jody lui a transmis l’état d’esprit de cette danse. C’était hyper important pour Soko. Elle a été très généreuse. Tous les films ont un personnage clé, et pour nous, c’était elle ! Jody a fait plus que l’entraîner. Elle lui parlait du personnage. Mais parfois, je me permettais d’essayer de les déscotcher pour avoir l’interprétation de Soko, son énergie et un peu moins la perfection de Jody. J’aime l’énergie de boxeuse de Soko, je voulais donc qu'à certains moments elle revienne sur ce qu’elle était au fond et elle l’a fait divinement bien.

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Et  qu’est-ce que vous vouliez à tout prix éviter ?

Soko : Soit les pièges sont dans le scénario, soit ils n’y sont pas. J’avais envie de raconter la même histoire que Stéphanie, telle qu’elle me la présentait. On ne voulait pas faire un biopic pathos pour faire pleurer dans les chaumières. On avait envie de faire un beau film, un vrai portrait d’artiste. Ce côté vulnérable et vrai m’a touché.

Stéphanie : Ce n’est pas qu’une artiste, c’est aussi une vie de femme extraordinaire. Tu avais aussi très envie d’être heureuse. Tu as souffert, mais tu voulais ressentir cette énergie.

Soko : En fait, je suis devenue addict à l’adrénaline pendant le film. Je faisais en tout sept heures de sport par jour. Au départ, quand j’ai commencé à m’entraîner, je courais 15 minutes, j’avais l’impression que j’allais mourir. A la fin du film, je courais 2 heures, et je suis devenue hyper addict, ce qui m’a permis de mieux comprendre le personnage. Je n’aurais pas pu faire semblant d’avoir des courbatures, d’avoir des bleus partout… L’élément le plus paralysant sur le film était le froid dans la montagne. J’avais vraiment du mal ! Et le pire truc était de tomber dans la boue. Stéph me disait qu’il n’y aurait qu’une prise. Il était 8h du mat’, il faisait moins 10 degrés. Il n’y a pas de loge, on est perdu à 1 500 mètres d’altitude. Je n’ai pas de chance de prendre de douche avant huit heures, je suis donc couverte de boue. Et je dois courir avec une robe qui pèse 20 kilos, et tomber la tête la première dans la boue. Elle trouvait ça trop violent au montage, elle ne l’a donc pas monté !

Stéphanie : Non, ce n’est pas dans le film ! Il y a plein de trucs que je trouvais trop (Rires). Mais il fallait les faire ! Je te jure dans le DVD, on va mettre ces bonus. On va tout mettre ! Toutes tes souffrances ! En fait, j’ai une conception physique du cinéma. J’aime filmer les corps. Il y un truc physique dans le cinéma qui n’est pas du tout exploité je trouve. On a travaillé la façon de se tenir de manière différente selon les personnages. C’est très très important tout ce travail du corps.

Synopsis : Loïe Fuller est née dans le grand ouest américain. Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.

La Danseuse
Avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, François Damiens…
Produit par Alain Attal
Durée : 1h48
Sortie le 28 septembre 2016

© Wild Bunch Distribution
Crédit photos © Shanna Besson

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