Fast Forward de Joe Jackson

Fast Forward de Joe Jackson

Joe Jackson Fast Forward Style : Pop cosmopolite bi-continentale Sortie : 02/10/2015

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Voilà l'un de nos compagnons de route, un de ceux avec qui nous avons emprunté de nombreux sentiers, comme Elvis Costello, Paul Weller, Billy Bragg. De Look Sharp à ce Fast Forward, on ne balaye pas moins de trente cinq ans d'histoire de la pop, la petite plaisanterie à qui on avait prédit une espérance de vie très courte et qui ne cesse de s'accrocher.

Que peut représenter un disque de Joe Jackson en 2016 ? Non seulement pour nous mais aussi, voire surtout, pour lui. Comment échapper à ses propres traces, à ce qui se passe naturellement dès qu'on se met derrière un clavier de piano et qu'on a une science très consommée de l'art de la composition ? On peut décliner à l'infini son propre style, et ce n'est déjà pas si mal que d'en avoir un, ou bouger, bouger vite et vers l'avant, sans le moindre clip, sans le moindre artifice promo.

Joe Jackson, inlassablement curieux, n'a cessé de creuser des sillons très variés, de la musique de film à des tentatives néo-classiques, de purs hommages, Duke, des retours sur ses propres traces, sur Night and Day 2... Des tentatives plus ou moins réussies, forcément. Fast Forward est un excellent cru, très largement pré-écoutable sur YouTube

De certains albums trop impeccables se dégageait parfois une impression de musicalité un peu appliquée, une manière de privilégier la perfection au détriment du vivant, cette petite "vibe" qui fait toute la différence entre un morceau irréprochable et puis ce petit truc un peu déhanché, un peu boiteux, qui sera finalement beaucoup plus attachant. C'est parfaitement réussi ici. C'est que la grâce frappe quand elle veut.

Joe Jackson s'est vraiment bougé, au sens propre, quatre villes au total : New York, Berlin, la Nouvelle Orléans et Amsterdam, en multipliant les collaborations, de Bill Frisell pour la nouveauté à son fidèle Graham Maby. Si on le reconnaît dès qu'il prend la mélodie de Fast Forward, un violon taquin et entêtant (Regina Carter) vient perturber la donne, et annonce la couleur, les couleurs. On sera chez Joe Jackson, maison de confiance fondée en 1979, mais on a complètement rénové, et pas seulement la décoration. Nouvelles teintes, nouvelles pistes, nouveaux instruments et inspiration également divisée entre ces quatre pôles géographiques (il devait initialement sortir quatre EPs). On sera par exemple intense, urbain et new-yorkais, sous la basse tendue de Maby. On ira même pêcher une reprise très réussie de Television, See no evilBill Frisell vient savamment organiser tout ça et lâcher des feedbacks rageurs et contenus. Le reste est à l'avenant, Jackson cherche et trouve, la promenade est extrêmement réussie et plaisante. En un mot, le disque est réellement inspiré. Certes, c'est du Joe Jackson mais c'est un des meilleurs depuis longtemps. Qu'il cherche davantage d'électricité que d'habitude ou des contretemps un peu chaloupés sur So you say, le puzzle se compose sous nos yeux et la vision d'ensemble est remarquable : cuivres splendides et très soul de Poor thing, cascades harmoniques magnifiques sur Junkie diva, détour cabaret avec un standard allemand des années 30, un orgue inouï sur If I could see your face, progression en cascades hallucinées de Neon Rain, cuivres en suspension de Keep on dreamin, etc. Superbe.

Joe est de retour. Il est même au Sébastopol le 23 février, à Lille, La Nuit.

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