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« Yurt » : Un premier film fort sur l’adolescence en Turquie

L’actu ciné de LillelaNuit fait son focus sur Yurt ! Ce premier long-métrage de Nehir Tuna, aborde des aspects autobiographiques de sa jeunesse en Turquie. 1996, Ahmet, 14 ans, partage sa vie entre une école privée laïque nationaliste et un pensionnat religieux, où il vit, et dans lequel son père l’a placé contre sa volonté. Regard sur les extrémismes, mais aussi chronique adolescente, Yurt est une belle réussite.

L’histoire de Yurt (le pensionnat) se confond avec celle de son jeune cinéaste, Nehir Tuna. Comme le personnage principal de son film, Ahmet (intense Doğa Karakaş) fut envoyé par son père dans un pensionnant religieux (le film lui est dédié). Le réalisateur fit par la suite des études de commerce, puis de cinéma, aux États-Unis.

Yurt, se déroule en 1996 et cette période de l’histoire turque à son importance. À l’époque, la séparation entre laïques et religieux était plus marquée qu’aujourd’hui. Comme le précise le réalisateur dans le dossier de presse de son film, aujourd’hui, le religieux a gagné.

Pas une attaque de la religion

Yurt n’est pas une critique de la religion et des pensionnats religieux en Turquie (même si certains traitements violents infligés à Ahmet sont abordés de façon frontale). Chose intéressante, le père du jeune garçon (Tansu Biçe) l’inscrit d’ailleurs dans le pensionnat autant pour des convictions religieuses que par désir d’ascension sociale.

Cette chronique de l’adolescence s’inscrit dans un genre précis : le teen movie. Comme dans ce genre majoritairement américain, la naissance des sentiments amoureux et du désir, l’amitié, la violence des rapports entre camarades, l’entraide, l’incompréhension du monde adulte, sont filmés. Les relations entre Ahmet et son ami Hakan (d’un milieu social bien moins favorisé), sont d’une belle complexité. Est-ce de l’amitié, de l’amour, qui unit les deux garçons ? Au spectateur de se faire sa propre opinion. Nehir Tuna laisse une place au hors-champ et c’est très bien comme ça.

Noir et blanc et couleurs

Du point de vue de la mise en scène, Nehir Tuna fait le choix du noir et blanc et de la couleur. Le noir et blanc est utilisé pour les scènes de pensionnat, et pour toutes celles coïncidant à cette période de la vie de Ahmet. La couleur apparaît quand Ahmet vit des instants de liberté, peut-être illusoires. Si le cinéaste évite le manichéisme (le père n’est pas un monstre, il aime son fils), on peut cependant considérer ces choix visuels, soulignant les sentiments, sensations, tourments, de l'adolescent, par trop marqués esthétiquement, trop ostentatoires.

Cependant, par la qualité de son écriture, de sa mise en scène, grâce à l’interprétation de ses actrices et acteurs, et, aussi, au choix d’une fin ouverte, Yurt s’impose comme un premier long-métrage sensible, et intelligent.

Cette production entre la Turquie, la France et l’Allemagne, qui connut des difficultés à cause de son sujet épineux, mérite qu’on s’y attarde. Nehir Tuna sera au cinéma UGC Lille Le Métropole le 6 avril 2024 pour rencontrer le public à l'issue de la projection de Yurt. Un auteur à suivre !

Les infos sur Yurt

Synopsis : Turquie, 1996. Ahmet, 14 ans, est dévasté lorsque sa famille l’envoie dans un pensionnat religieux (Yurt). Pour son père récemment converti, c’est un chemin vers la rédemption et la pureté. Pour lui, c’est un cauchemar. Le jour, il fréquente une école privée laïque et nationaliste ; le soir, il retrouve son dortoir surpeuplé, les longues heures d’études coraniques et les brimades. Mais grâce à son amitié avec un autre pensionnaire, Ahmet défie les règles strictes de ce système, qui ne vise qu’à embrigader la jeunesse.

Yurt  de Nehir Tuna
Avec : Doğa Karakaş, Can Bartu Aslan, Ozan Çelik, Tansu Biçer, Didem Ellialtı
Musique : Avi Medin

Sortie le 3 avril 2024
Durée : 1h56

Visuels : Sophie Dulac distribution

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