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« Sage-Homme » : Entretien avec Karin Viard et la réalisatrice Jennifer Devoldère

« Sage-Homme » : Entretien avec Karin Viard et la réalisatrice Jennifer Devoldère

Karin Viard et Jennifer Devoldère Sage-Homme Style : Cinéma Date de l’événement : 15/03/2023

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LillelaNuit a interviewé la réalisatrice Jennifer Devoldère et Karin Viard pour Sage-Homme (sortie le 15 mars). Dans cette comédie dramatique, Karin Viard incarne Nathalie, une sage-femme qui va encadrer Léopold, jeune homme intégrant l'école de sage-femmes, après avoir raté l'entrée du concours de médecine. Bien écrit, excellemment interprété par Karin Viard et la révélation Melvin Boomer, Sage-Homme mêle adroitement comédie, drame, faits de société, sans tomber dans le pathos. Un joli film qui méritait bien une rencontre.

Karin, on imagine que vous avez de nombreuses propositions. Qu’est-ce qui a été déterminant pour que vous acceptiez Sage-Homme et le rôle de Nathalie ?

Karin Viard : C'est assez simple : on a toujours l'impression que je croule sous les propositions. Oui et non. C’est vrai que je peux avoir des propositions, mais il y a vraiment un gros écrémage. C’est-à-dire qu’on me propose des comédies qui ne m'intéressent pas, des personnages que j’ai déjà faits. Là, j’ai reçu un scénario extrêmement bien ficelé, avec une narration limpide, un scénario drôle mais qui a du sens. Profond ! Je n'ai jamais joué de sage-femme. C'est un rôle de femme très libre dans une profession qui a beaucoup d'intériorité. En plus, Jennifer le réalise, et je la connais par ailleurs dans la vie. Je ne vois aucune raison de dire non. Je le lis d'une traite, ça me plaît. J'aime ce rôle. Je dis oui. C'est aussi simple que ça.

Jennifer, qu'est-ce qui a décidé que le personnage de Nathalie devait être interprété par Karin Viard ?

Jennifer Devoldère : J’ai écrit en ayant Karin en tête. Je ne sais pas ce qui fait qu’on voit les gens comme ça. J’ai l’impression que Karin a été sage-femme dans une autre vie. En tout cas, elle m’inspire ça. Je trouvais qu’elle était crédible en sage-femme, et aussi en femme “sexy” et libre. Je me suis inspirée de Karin dans la vie, de ses à-côtés, pour construire le personnage. Non pas qu’elle sorte avec un mec différent tous les soirs....

Karin Viard : J’aimerais bien. J’aimerais bien, mais ce n’est pas trop possible. (rires)

Jennifer Devoldère : (rires) C'est un personnage qui a une liberté sexuelle de femme, qu’elle ne revendique pas forcément, mais qui est là et que je trouve beau à filmer.

Karin Viard : Et puis il n’y a pas tant que ça des métiers où tu as le droit d’être qui tu es profondément. Aujourd’hui, tu travailles à la banque, on te demande d’être habillé comme ça, de parler comme ça. Tu as des formules toutes faites. Le monde est de plus en plus une espèce d’entreprise corporate. Tu dois penser entreprise. Eh bien une sage-femme, a la liberté d’être profondément elle-même, et ça, je trouve ça chouette.

Vous filmez de façon frontale les accouchements. On n’a pas trop l’habitude de voir cela au cinéma.  Vous êtes-vous demandé jusqu'où vous pouviez aller ? Vous a-t-on mis des barrières ?

Jennifer Devoldère : On ne m'a pas mis de barrière, mais on s'est posé des questions quand même. Moi, à la base, je me disais que, puisque c’est la plongée dans la maternité à travers le regard de Léopold qui découvre cet environnement, il était normal de montrer, pas tous les aspects puisque la liste est non exhaustive, mais en tout cas de filmer un panel assez large et vrai de ce qu’il se passe dans une maternité. Dans une maternité, la vie côtoie la mort sans cesse. Tout est situation d’urgence. On est face au vagin de la femme. La poussée, qu'est-ce que c’est ? Évidemment, on se le prend un peu en pleine figure, mais je trouve qu’on a quand même le filtre de Léopold.

Karin Viard : Je vois à quels plans vous faites référence. Mais à ce moment-là, tu es surtout dans le miracle de la naissance, c'est-à-dire que tu n’es pas dans l'organique. Tu es dans le miracle de la vie. Voir que d'un seul coup, il y a cet enfant qui vient au monde. C'est vrai que ça fait pleurer. Ça fait pleurer parce cela nous met au cœur de la vie même, de l’existence-même, ça nous met dans ce qu’il y a sans doute de plus essentiel. Et finalement, qu’on n’édulcore pas ! Que ça soit aussi trivial que ça, me bouleverse.

C’est extrêmement sain et courageux d’avoir pris cette décision de filmer la naissance.

Jennifer Devoldère : C’est vrai qu’il y a une puissance aussi dans la poussée, c’est un acte qui nous ramène à l’animal qui est en nous. Je trouve que c’est aussi rendre hommage aux femmes. À ce par quoi elles doivent passer pour faire naître un enfant. Il y a cette poussée et ce n’est pas rien. C’est en même temps d’une violence et d’une beauté inouïes.

Léopold (Melvin Boomer) et Nathalie (Karin Viard).

Dans une scène, Nathalie dit au jeune Léopold qu’il faut accompagner la femme dans l'accouchement, parce que la naissance d'un enfant la rapproche de sa propre finitude.

Karin Viard : C’est vrai que moi, quand j’ai eu des enfants, alors je n'avais pas peur pas de mourir, j’ai craint pour la première fois de ma vie. J’ai craint pour l’enfant que je venais de mettre au monde. Je pense que pour les hommes, cette peur existe évidemment, mais elle est peut-être plus ésotérique.  Pour les femmes, elle est profondément inscrite. On a arraché un être de notre corps pour le mettre au monde. Et à partir de là, on le laisse au monde et à ce qui sera décidé pour lui.

Jennifer Devoldère : Bien sûr, ça pousse la femme vers sa propre mort. Et je pense que la femme, même si elle n’accouche pas d’ailleurs, sait qu’il y a cette propre finitude dans l’acte de donner la naissance et qu’il faut accepter ça. D’ailleurs, on dit souvent que la femme accepte mieux la mort grâce à ça.

La façon dont le gosse arrive au monde va induire beaucoup de choses dans la relation parents-enfants. Les sages-femmes ont cette responsabilité. Elles ont une responsabilité majeure dans la vie de milliers de personnes qui passent entre leurs mains. Je trouve que c'est un métier éblouissant.

Karin Viard

Vous n'aviez jamais interprété de sage-femme. Avec le personnage de Nathalie, avez-vous eu l'impression d'avoir joué des choses que vous n'aviez pu approcher auparavant dans votre métier d'actrice ?

Karin Viard : Non. Ce qui se qui se passe, c'est que je n’aime pas avoir un métier dans les films, parce que je trouve toujours que c'est bidon. Le pire étant musicien. Je ne suis absolument pas musicienne, je ne sais pas tenir une guitare, je ne sais pas tenir une trompette. Si tu me dis « tu es musicienne », je n'y crois pas. Je n'y crois pas moi-même. Je vais faire deux mois de trompette afin de faire croire que je suis trompettiste, et personne ne va y croire. Donc c'est toujours compliqué pour moi d'avoir un métier. Pareil pour le métier de secrétaire. Ce métier est fait de gestes que tu répètes des millions de fois. On ne doute pas que tu tapes à la machine, que tu prends en sténo. Donc je n’aime pas avoir un métier. Et là, on me propose sage-femme. Le film me plaît, j'y vais. Après, je rencontre l'univers des sage-femmes et je me dis « si je n’avais pas été actrice… » Bon, je veux être actrice. J'aurais pu être psy, ça m'intéresse, mais maintenant je me dis que j'aurais pu être sage-femme, parce que c'est vraiment un métier exceptionnel. D'abord parce que c'est un métier qui a du sens. C'est un métier que tu fais de façon solidaire. Tu es jeune, tu es briefée par une femme plus âgée. Tu es plus âgée, tu es briefée par une jeune. Donc, il y a tout le temps un mélange. Ça se rencontre, c’est très vivant. Tu es au sein de l’hôpital, mais tu es dans une petite bulle où les choses sont plutôt très gaies. C'est très, très intense, ça n'est jamais pareil. J’ai eu un coup de foudre pour cette profession. Je me suis sentie bien. J'ai été accueillie par cette sage-femme, qui a un certain âge. Elle m’a accueillie là-dedans, je suis arrivée et je me suis dit : “Mais c’est génial de faire ce boulot, mais c’est génial d’être là !” Et en plus, elle m’a accompagnée. J’ai assisté à des vrais accouchements. Et je peux vous dire que si j’avais fait ça avant d’accoucher moi-même, j’aurais accouché très différemment. J’aurais vécu ce moment très différemment. Bon, ce sera pour une autre vie, mais j'ai adoré être là. Je me suis sentie très bien. C'est très spontané, ça ne s'invente pas. Parce que tu as de l'empathie, parce que les femmes se confient. Parce que, ce moment de la naissance, les quelques heures qui précèdent, les quelques heures qui suivent, tu t'en souviens toute ta vie. Tu te souviens du temps qu'il faisait, tu te souviens dans quelle chambre tu étais, tu te souviens de ce qu'on t'a dit. L'arrivée au monde d'un enfant, n’est pas juste dans l'instant. La façon dont le gosse arrive au monde va induire beaucoup de choses dans la relation parents-enfants. Les sages-femmes ont cette responsabilité. Elles ont une responsabilité majeure dans la vie de milliers de personnes qui passent entre leurs mains. Je trouve que c'est un métier éblouissant. Je ne peux pas dire qu’avec ce rôle, j’ai découvert quelque chose de mon métier d’actrice, mais, en revanche, je suis tombée amoureuse de ce métier. Je trouve que c’est un métier vraiment merveilleux. Et d’ailleurs, elles ont beaucoup milité pour avoir d’autres droits, et elles ont eu bien raison de le faire. Elles ont été un peu valorisées, pas encore suffisamment, mais voilà… Il faut qu'elles soient payées un peu mieux parce qu'elles ont quand même une sacrée responsabilité.

Melvin Boomer a joué le rôle de Didier Morville/JoeyStarr dans Le Monde de demain, la série de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne sur NTM et l’univers du hip-hop en France. Ce jeune homme est impressionnant. Vous a-t-il a impressionné dans le rôle de Léopold ? 

Jennifer Devoldère : Oui, il m'a impressionné parce qu'en fait, il venait de la danse. En effet, il avait fait  Le Monde de demain, qui est une série d’ensemble, chorale. Et quand il est arrivé, il n’avait pas encore totalement confiance en lui, il ne se sentait pas encore totalement légitime dans le métier. Je trouve qu’il arrivait à porter quand même le personnage de Léopold sur ses épaules et que, sur chaque plan, il a donné quelque chose. Il est monté en puissance au cours du tournage. C’est-à-dire que petit à petit, il devenait de mieux en mieux. Il prenait de plus en plus confiance. A un moment, je lui ai dit “Bah ça y’est maintenant, tu es vraiment acteur !”. Karin a aussi été très généreuse avec lui. Elle a permis à Melvin d’être bien en tant que Léopold. Et je trouve qu’il a vite appris. Il a grandi comme son personnage.

Les infos sur Sage-Homme

Synopsis : Après avoir raté le concours d’entrée en médecine, Léopold intègre par défaut l’école des sages-femmes en cachant la vérité à son entourage. Alors qu’il s’engage sans conviction dans ce milieu exclusivement féminin, sa rencontre avec Nathalie, sage-femme d’expérience au caractère passionné, va changer son regard sur cet univers fascinant et bouleverser ses certitudes.

Sage-Homme de Jennifer Devoldère
Écrit par : Jennifer Devoldère et Cécile Sellam
Avec : Karin Viard, Melvin Boomer
Une production KARÉ PRODUCTIONS
En coproduction avec FRANCE 2 CINEMA, MARVELOUS
En association avec CINEVENTURE 7
Avec les participations de CANAL+ CINE+ FRANCE TELEVISIONS

Durée : 1h45
Sortie : 15 mars 2023

Visuels : Warner Bros. Pictures

Entretien réalisé par Grégory Marouzé le 31 janvier 2023 à Lille / Retranscription de l'entretien par Emma Legname

Remerciements UGC Ciné Cité Lille

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