Aujourd’hui18 événements

« Les Petites Victoires » : Entretien avec Mélanie Auffret, Julia Piaton et Michel Blanc

« Les Petites Victoires » : Entretien avec Mélanie Auffret, Julia Piaton et Michel Blanc

Mélanie Auffret, Julia Piaton, Michel Blanc Les Petites Victoires Style : Cinéma Date de l’événement : 01/03/2023

Site Web

Focus de LillelaNuit sur Les Petites Victoires. Pour la sortie de ce film, nous avons rencontré le cultissime Michel Blanc, la comédienne Julia Piaton et la réalisatrice Mélanie Auffret. Les Petites Victoires est une comédie tendre sur un homme, Émile, décidant de retourner sur les bancs de l'école pour apprendre. Sa confrontation avec Alice, professeure et maire du village, ne va pas manquer de piquant. Traitant avec humour de la désertification rurale, Les Petites Victoires offre de beaux moments aux comédiens et aux enfants qui les accompagnent. Entretien décontracté.

Mélanie, vous semblez avoir des thèmes de prédilection. Dans votre premier film, Roxane, vous parliez des difficultés d’un agriculteur.  Cette fois, avec Les Petites Victoires, vous abordez les difficultés d’une petite ville mais, comme dans votre premier film, vous décalez un tout petit peu : vous faites une comédie. La comédie est-elle le meilleur moyen pour traiter de notre société ?

Mélanie Auffret : Oui, je pense clairement. Je ne sais pas si on a réussi à le faire avec Les Petites Victoires. Faire que les gens sortent de la salle, en ayant passé un bon moment, mais en réfléchissant, c'est l'idéal. Pour parler du rôle des mères, de l'illettrisme et de plein d'autres thèmes, on est allé chercher la comédie. On n'a jamais été dans la moquerie avec Les Petites Victoires parce qu'on a essayé de chercher des personnages qui sont très présents dans nos villages. J'ai l'impression qu'on peut tous se retrouver et s'approprier cette histoire, à notre échelle. Je trouve qu’il n’y a rien de plus fort que la comédie. Et puis, écouter une salle qui rit, il n'y a pas plus beau.

Julia Piaton : À partir du moment où on rit, ça veut dire qu'on se reconnaît, ça veut dire que ça nous est familier. Ça veut donc dire qu'en cela, la comédie est intéressante pour traiter de sujets importants. Tout d'un coup, vous devenez partie prenante. Ça met moins de distance qu’avec un drame social qui peut nous apitoyer. Il y quelque chose de dynamique aussi dans la comédie, quelque chose qui nous permet de garder espoir. Sans cet espoir, sans cette énergie, on ne peut pas faire évoluer beaucoup les choses. C'est ça que je trouve beau dans le film de Mélanie, c'est qu'elle aborde des sujets graves, avec cette lame de fond qui est de communiquer les uns avec les autres. Ce n’est quand même pas idiot parce que c'est un peu leur problème.

Michel Blanc : Ce qui est montré est vrai et juste. Ce n'est pas une farce, ce n’est pas de la guignolade. Et la réaction qu'on a immédiatement, c'est d'en rire. Parce que, par exemple, mon personnage, dans les rapports qu’il a avec ces mômes de 4 ans, 5 ans, redevient lui-même un gosse qui fait des trucs d’enfant. Alors qu’il n’a plus l’âge. Ça, c'est drôle ! Quand je fume dans la cour, que Julia me dit : “Monsieur Menoux, vous fumez ? C'est interdit de fumer ici !”  “Oui, mais c’est la récré !”  Il a pris le langage des gosses. Il redevient un gosse. L'humour ne vient pas de la moquerie. On ne le ridiculise pas. On ne rit pas des personnages, on rit avec les personnages !

Je trouve qu’il n’y a rien de plus fort que la comédie. Et puis, écouter une salle qui rit, il n'y a pas plus beau.

Mélanie Auffret, la réalisatrice des Petites Victoires

Si votre duo n’avait pas fonctionné à l’écran, le film se serait écroulé…

Michel Blanc : Ah ça, si le duo ne fonctionne pas… c’est la cata. Dans mes films récents, un duo qui a fonctionné c'est celui avec Hakim Jemili dans Docteur ? de Christian Séguéla. C'est ce qui fait que le film a plu et que les gens m'en parlent encore quand ils passent à la télé etc… Or, si le duo n'avait pas fonctionné avec le talent d’Hakim, et éventuellement le mien, s’il n’y avait pas eu l'équilibre, l'étincelle, comme avec l'allumette et le grattoir, il n’y aurait pas eu de flamme.

Et là, c’est la même chose !

Michel Blanc : Ouais !

Vous pouvez avoir des talents de comédienne et de comédien, être une bonne réalisatrice, avoir un bon scénario, mais si l'alchimie ne passe pas dans le duo, c’est fichu ! 

Michel Blanc : Ah oui, mais ça, on ne peut pas le savoir à l'avance.

Comment crée-t-on ça ?

Michel Blanc : Au bout de 45 ans de métier, on a peut-être des petites intuitions qui ne sont pas toutes mauvaises. Mais ça m'est arrivé de me planter, même avec quelques films derrière moi, de me dire “là, j’ai fait un truc, c'est pas bien, quoi”.

Julia Piaton : Travailler avec Michel, ça me faisait peur en tant que comédienne parce que je craignais de ne pas être à la hauteur. Mais je savais que j'avais beaucoup de chance parce que j'allais jouer avec un acteur que j'identifiais déjà. Enfin, je ne le connaissais pas personnellement, mais je savais que c'était un acteur magnifique, donc ça voulait dire que la balle allait m’être très bien lancée. Quand vous avez ça, et qu'en plus il y a un scénario avec des personnages très bien écrits… je ne voudrais pas dire que c'est mathématique, parce que tu as raison de dire que parfois, malheureusement, la rencontre ne se fait pas… Mais à la lecture, il y avait quand même quelque chose de formidable dans le scénario. Cette façon qu’ont les personnages de se rencontrer, la douceur de l'évolution de leur rencontre. J'ai l'impression, qu'en plus, Michel et moi, on s'est un peu rencontré comme ça sur le film, parce qu'on était tous les deux très concentrés. Il y avait les enfants entre nous, donc, ça s’est fait petit à petit. J'avais l'impression qu'une main me poussait doucement vers Michel. Mélanie m'a quand même mise pendant 2 semaines 1/2 à un pupitre, face à Michel Blanc et un petit garçon qui n’arrêtait pas de lui tirer sur le tee-shirt. Petit à petit, j'ai vu ce Monsieur fondre. Moi, je le ressentais vraiment en tant qu'être humain parce que j'étais face à cette classe. Et comme Mélanie a tourné avec beaucoup d'intelligence … Tout ça, c'est aussi beaucoup la magie d'un metteur en scène ! Mélanie a cette grâce. C'est une personne très sensible, attentive aux énergies des uns et des autres. Elle nous a poussé les uns vers les autres…

Michel Blanc : C’est une manipulatrice, c’est ça que tu veux dire ? (rires)

La réalisatrice Mélanie Auffret.

Il y a un truc qui est vraiment insupportable au cinéma, ce sont les enfants insupportables à l’écran. Il y a des enfants qu’on sent jouer et dans le film, ce n’est jamais le cas. 

Julia Piaton : Mais vous savez, c'est très dur pour les enfants !!! J’en ai vu sur des tournages, c’est pas marrant, hein ? Certains ne sont pas très heureux de le faire, sont vachement poussés par les parents. Certains parents vivent complètement ce truc par procuration. Donc les gamins en ont marre. Le cinéma, ça fait rêver tout le monde, mais c'est aussi des journées où on répète 200 fois la même chose. C'est lassant, fatiguant. C'est pas très marrant. Et les enfants nous disaient très rapidement dans la classe, “c'est bon, on a compris, on l'a déjà fait deux fois, on peut passer à autre chose maintenant parce que je ne vois plus l'intérêt pour moi” Comment expliquer ça à un enfant ? C'est très dur de réussir un film avec des petits. Truffaut était un génie pour ça !

Mélanie Auffret : On a vraiment organisé le plan de travail autour des enfants. C'est à dire que, déjà, on a tourné toutes les scènes avec les enfants dans l'ordre chronologique. Donc, la première fois que les enfants ont vu Michel, c'est quand son personnage vient s'imposer sur les bancs de l'école. Au fur et à mesure que le tournage et l'histoire avançaient, une vraie amitié est née entre Michel et les enfants sous le regard de la caméra. Comme on avait vraiment envie que la classe prenne vie, ce qui se passe dans le film, a vraiment eu lieu sur le tournage. Comme un enfant ne peut tourner que 4h par jour, la demi-journée restante, ils avaient cours avec une institutrice dans la classe que vous voyez dans le film. Donc, toutes ces petites méthodes, pensées en amont, ont fait (je l’espère) que la mayonnaise a pris. On sent que Michel et Elliot au début, se sont un peu regardés du coin de l'œil. Et au fur et à mesure, ils sont devenus copains comme cochons. Pardonnez-moi l'expression, mais c'est vraiment le cas ! Après, Michel, tu t'es mis à devenir hyper copain avec Adrien. Un truc s'est passé tout au long du film. En tant que metteur en scène, j'ai trouvé ça très touchant. Les techniciens et moi, nous avons vu naître ça sous nos yeux. C'était très émouvant.

Michel Blanc : Rien à ajouter, votre Honneur. Je suis entièrement d'accord.

C’est vrai que vous faîtes très papa gâteau !

Michel Blanc : Papa gâteux, surtout ! (rires)

Mélanie Auffret : Michel était le premier à être touché par les interventions de nos petits loulous.

Michel Blanc : Bah pas de tous, hein, parce que certains pouvaient me gonfler un peu. (rires) Non, il y en a une qui était un petit peu difficile. Au bout d'un moment, on est crevé aussi nous, hein ! Il y a des vieux et des enfants. Tout le monde est fatigué. Quand on est vieux, quand on est enfant. Il y en a une qui foutait la merde dans mes crayons au moment de la prise. Je l'aurais tué, éventuellement ! (rires). Mais comme c'est pas autorisé, je ne l'ai pas fait ! (rires) En revanche, je me suis extrêmement bien entendu avec le petit qui est à côté de moi, Elliot, qui est d'une intelligence intuitive assez extraordinaire et qui était très gentil avec moi. Le premier jour, il m'a regardé. Et puis, après, de temps en temps, entre les prises, il me faisait un bisou sur le bras. C’était très touchant.

C'est très dur de réussir un film avec des petits. Truffaut était un génie pour ça !

La comédienne Julia Piaton

Michel, malgré votre parcours, avez-vous peur quand vous commencez un film en tant que comédien ? 

Michel Blanc : Ah oui !!! Et j'espère bien que ça va durer.

Mélanie Auffret : La première chose que m'a dite Michel après avoir lu le scénario, c’est “j’espère que je vais être à la hauteur”.

Michel Blanc : Je ne sais pas, je ne me rappelle pas mais c'était dans ma tête.

Mélanie Auffret : Je m’en souviendrai toujours. J’ai quand même pas mal tremblé quand il m’a dit ça.

Michel, vous repassez quand à la mise en scène ?

Michel Blanc : Je sais pas !

Vous avez envie ?

Michel Blanc : J’sais pas ! Envie, oui ! Le problème, ce n’est pas ça.

Il vous faut un sujet ? 

Michel Blanc : Le problème, c’est ça ! Il faut partir sur quelque chose qu’on a vraiment envie de faire. Ce que je dis tout le temps, c'est qu’un film c’est au minimum deux ans de travail. Et à mon âge, deux ans de travail, c'est comme au Scrabble, ça compte triple (rire collectif). Donc, je ne me lancerai pas dans n’importe quoi. (rires)

Ça va, vous tenez la forme ! 

Michel Blanc : Vous n’avez pas vu mes dernières radios. J'en ai pas fait (rires), mais si vous voyez mon mal de dos, si vous voyez mes lombaires, vous ne me poseriez pas ce genre de questions ! (rires)

Les infos sur Les Petites Victoires

Synopsis : Entre ses obligations de maire et son rôle d'institutrice au sein du petit village de Kerguen, les journées d’Alice sont déjà bien remplies. L’arrivée dans sa classe d’Emile, un sexagénaire au caractère explosif, enfin décidé à apprendre à lire et à écrire, va rendre son quotidien ingérable. Surtout qu’Alice, qui n'avait rien vu venir, va devoir aussi sauver son village et son école…

Les Petites Victoires de Mélanie Auffret
Avec Michel Blanc, Juila Piaton, Lionel Abelanski, Marie Bunel, India Hair, Marie-Pierre Casey

Durée : 1h30
Sortie : 1er mars 2023

Entretien réalisé à Lille le 14 février 2023 par Grégory Marouzé
Remerciements Cinéma UGC Ciné Cité LIlle

Visuels : ADNP - Zinc - France 3 Cinéma - Photos Stéphanie Branchu

Revenir au Mag Interviews
À lire aussi
200 queries in 0,204 seconds.