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Grand Corps Malade, Mehdi Idir et l’équipe de « Patients »

Grand Corps Malade, Mehdi Idir et l’équipe de « Patients »

Grand Corps Malade, Medhi Idir et l'équipe de "Patients" Patients Style : Comédie dramatique Date de l’événement : 01/03/2017

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Lille La Nuit pense que Patients va faire parler de lui. Avec ce film adapté de son propre livre autobiographique, Grand Corps malade passe à la réalisation - en compagnie de Mehdi Idir -. Le slameur retrace son parcours dans un centre de rééducation suite à un grave accident. Souvent drôle, émouvant sans jamais tomber dans le pathos, Patients est une franche réussite. A l’occasion de la sortie du film, Lille La Nuit a rencontré les réalisateurs Grand Corps Malade, Mehdi Idir, la co-scénariste Fadette Drouard, les acteurs Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly et Nailia Harzoune.

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Pourquoi est venue cette idée de transposer librement votre roman autobiographique sur grand écran ?

Grand Corps Malade : Pas si libre que ça en fait. C’est vrai qu’il est marqué « librement adapté » mais pour ceux qui ont lu le bouquin c’est quand même assez proche. C’est une adaptation assez fidèle. Pourquoi ? Sûrement par inconscience, parce qu’on aime bien se frotter à de nouveaux défis. J’avais très envie d’écrire un scénario. J’avais déjà écrit des chansons, un livre, j’avais envie de me frotter à ce nouveau type d’écriture avec des codes nouveaux. Et comme je ne sais pas le faire j’ai demandé à Fadette [Drouard, co-scénariste] de m’aider. En écrivant le scénario, je pense que ce que j’avais le plus envie de faire c’était les dialogues, et puis c’est un film très dialogué, très bavard. Je n’avais pas du tout imaginé le réaliser, ce n’était que l’écriture du scénario qui m’intéressait au début mais on se prend au jeu forcément. Comme je ne voulais pas le réaliser tout seul (vu que je ne suis pas réalisateur) j’ai demandé à Medhi Idir de m’accompagner et on s’est lancés tous les deux dans ce premier long métrage.

Fadette, pour rebondir sur cette idée de travail à quatre mains, quel fut ton rôle justement ?

Grand Corps Malade : Essentiellement elle tape très vite. Je dictais, elle tapait très vite. (rires)

Fadette Drouard : Je suis arrivée et je n’ai pas fait grand-chose. On avait juste envie de faire du cinéma. On s’est mis d’accord tout de suite sur l’idée qu’on allait faire un scénario de cinéma. Il fallait donc adapter, fictionnaliser un peu. La première chose qu’on a faite c’est de s’éloigner un peu de la réalité pour pouvoir mieux y revenir après. C’est ce travail là qui a été nécessaire pour faire du très beau livre de Fabien [Grand Corps Malade] un très beau scénario.

Grand Corps Malade : Elle a beaucoup lu le livre. Elle l’a beaucoup analysé. Du coup, elle m’a dit tout de suite qu'il y avait trop de personnages, qu'il allait falloir faire des choix. Quand elle dit s’éloigner de la réalité pour pouvoir y revenir il y a un peu de ça, mais il y a surtout faire des choix. On a surtout fait des choix entre ce qui est dans le livre et qu’il n’y aurait pas dans le scénario. Elle m’a aidé un peu à structurer tout ça.

Pablo, quelles furent les indications, si vous en avez eu, de la part de Medhi et Grand Corps Malade ? Parce que vous incarnez Grand Corps Malade d’une certaine façon. Quels étaient les dangers ?

Pablo Pauly : Le danger était de mimer Fabien. Ils m’ont tout de suite libérer du fait que je n’avais pas à jouer Grand Corps Malade ou Fabien mais Ben. En fait c’est surtout une chance de les avoir avec moi. Ils pouvaient m’aiguiller sur chaque séquence, chaque geste que j’avais à faire. Et j’avais surtout des partenaires de jeu assez incroyables. On aime jouer ensemble. Jouer c’est réagir à quelqu’un et j’ai la chance d’avoir ces gens là, surtout Franck [Falise, interprète de Steeve]. On a tous fait ça ensemble. Je n’ai pas eu d’indications que de Medhi ou que de Fabien. C’est un cerveau dans deux corps. C’est à dire que le risque d’avoir deux réalisateurs c’est que Medhi vienne me dire un truc puis que Fabien vienne me dire l’inverse mais là ça n’a jamais été le cas. Pour n’importe qui on n’a jamais eu ce problème là.

On voulait que ce soit du cinéma. Au scénario c’était le cas et à la réalisation c’était le cas. On voulait que ce soit beau. On pourrait penser que le lieu se prêtait à ce que ce soit un peu tourné comme un documentaire, caméra à l’épaule et cetera. On ne voulait pas du tout ça, on voulait quelque chose de beau.

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Quels furent les choix de réalisation que vous avez faits ? Il y a des choix de mise en scène, de réalisation technique très marqués.

Mehdi Idir : On a filmé en 16/9. On voulait que ce soit du cinéma. Au scénario c’était le cas et à la réalisation c’était le cas. On voulait que ce soit beau. On pourrait penser que le lieu se prêtait à ce que ce soit un peu tourné comme un documentaire, caméra à l’épaule et cetera. On ne voulait pas du tout ça, on voulait quelque chose de beau au contraire. Et le parti pris de la réalisation, c’était que la caméra suive l’évolution physique du personnage. C’est pour ça qu’en début de film il est alité, il a très très peu de mobilité. On fait des plans serrés, un peu désaxés. On joue sur la profondeur de champ et on n’a aucun mouvement de caméra. Et petit à petit, on commence à évoluer au moment où il a son fauteuil. Après la mise en fauteuil on est sorti du centre, et alors là on commence à élargir. Son monde s’élargit aussi. Plus il récupère physiquement, plus on commence à exécuter des mouvements de caméra de plus en plus complexes.

Est-ce que vous avez demandé à vos techniciens, à votre équipe et à vos acteurs de voir des films qui traitaient du handicap ? Je pense notamment au film Le Scaphandre et le Papillon, parce que l’ouverture se fait en caméra subjective.

Mehdi Idir : Justement quand on est entré en préparation on s’est distancé. On s’est dit on va prendre des films et les regarder pour essayer de voir ce qui se fait et s’en inspirer ou pas. Au bout d’un mois de préparation, on n’avait toujours rien regardé. Et on s’est dit qu’on allait continuer sur cette lancée et ne pas du en tout regarder parce que ça peut donner des idées de plans… Sur cette histoire de vue subjective on nous l’a dit après. On est allé regarder mais après coup. Mais l’idée était déjà là depuis très très longtemps.

Grand Corps Malade : C’est la première idée, la caméra subjective du début. Pour avoir passé un mois en réanimation face au plafond tu te dis cette vue là il faut que le spectateur se la prenne, même un petit peu. Ce plafond fixe, le nombre de carrés du néon, les visages qui doivent bien se pencher au dessus des yeux de Ben… on savait depuis le départ que ça devrait commencer par ça.

Quand on voit le film, évidemment il y personnage principal de Ben mais très vite on n’a plus l’impression de voir un personnage principal. On a l’impression de voir un film de troupe. Je voudrais savoir si c’est quelque chose qui était aussi très présent lorsque vous avez tourné le film.

Soufiane Guerrab : Bien sûr. Souvent on nous demande si on se connaissait avant tellement il y a une alchimie qui a fonctionné depuis le départ et qui nous a beaucoup aidé finalement. On n’est pas aussi bon acteur pour transmettre de l’amour si on n’aime pas quelqu’un. Moi je n'arrive pas à le faire, c’est dur. Je l’aimais bien lui, et je l’aimais bien elle, et je pense que quand on voit l’amour dans mes yeux ce n’est pas un jeu.

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Nailia, est-ce que c’était quelque chose qui était constitutif du projet de départ que l’on ait l’impression de voir un film qui est presque un film choral ?

Nailia Harzoune : C’est quelque chose qui existait déjà au scénario, qui existe dans le livre et qu’on ressent vraiment dans le bouquin. Quand on parle avec Medhi et Fabien de leurs envies, de leur façon de voir le film, on sent tout de suite que ce qu’ils aiment c’est cet effet de groupe. Ce sont des gens qui font des choses ensemble, en famille, tout le temps. Ils sont rarement seuls. Ce sont des gens qui avancent ensemble, qui avancent en troupe, en crew. Du coup ils ont fait pareil dans le film.

Grand Corps Malade : La symbolique de tout ça c’est d’abord l’affiche. Ce n’est pas facile de mettre cinq têtes sur une affiche mais on voulait cinq têtes. Et évidemment, on met ‘s’ à « Patients ». Tout ça c’est symbolique de cet état d’esprit là.

Quand on joue une personne handicapée à l’écran et qu’on ne l’est pas dans la vie, est-ce que ce rôle c’est une pression supplémentaire ou est-ce que c’est jouer un rôle comme un autre.

Moussa Mansaly : Non, bien sûr que non. C’est une espèce de challenge déjà. On était en immersion et au contact de ces patients là. Forcément émotionnellement ça apporte des choses, beaucoup de recul. La première des craintes était d’ailleurs de jouer avec le plus de justesse possible. Parce que jouer un handicapé ce n’est pas comme jouer n’importe quelle autre personne. C’est une personne qui est psychologiquement et émotionnellement dans un autre état. Il fallait retranscrire ça avec son visage et son corps donc c’est une autre méthodologie dans un boulot d’acteur. C’était totalement différent, c’était un gros challenge.

Grand Corps Malade, quel lien vous faites entre la musique et le cinéma ? Est-ce que ce sont des univers qui sont si opposés et différents que ça ?

Grand Corps Malade : Ça dépend du moment ou du processus. Si on parle du processus d’écriture, j’écris mes textes tout seul. Là, il se trouve que j’étais avec Fadette au moment de l’écriture du scénario. C’est un moment où tu prépares la suite. C’est sûr que ce n’est pas la même écriture mais il y a des similitudes. Le cinéma c’est tellement différent en terme de gestion d’équipe. Moi, je fais des tournées où on est maximum 10 sur la route, là on est à facilement 40 techniciens, sans compter les acteurs. Sur un projet musical, tu écris un peu régulièrement et une fois que tu as fini tu enregistres. En gros, en trois à six mois tu peux faire un album. Un film c’est deux ans si tout va bien. Tout est à une autre échelle. Je dirais même qu'au niveau de la rigueur et du professionnalisme, j’ai été très impressionné par le cinéma. J’ai eu presque l’impression (et pourtant j’ai eu la chance de faire de très belles tournées avec des professionnels et des musiciens chevronnés) que tout est un petit peu plus à l’arrache en musique parce que ce n’est pas le même nombre de participants. Ce n’est pas le même budget. Tu n’as pas le droit à l’erreur dans le cinéma. Quand tu mets trois millions dans un film (alors que pour un budget ce n’est pas énorme), quand tu as quarante ou soixante personnes à faire vivre tous les jours, au-delà de la technique (les décors, les costumes) il faut les nourrir, il faut les loger, aller chercher les acteurs à 7h30 à Nation. Tout est tellement énorme dans ce truc ! Ce qui m’a beaucoup impressionné le premier jour c’est la feuille de service du lendemain. Sur la feuille tu as l’intégralité de la journée du lendemain, de la régie à la logistique et la déco et cetera. Je trouve que c’est très impressionnant dans la rigueur que ça impose. Chaque chef de poste est tellement concerné par ce qu’il fait.

 

Dans les différents petits objectifs, on avait envie d’être assez pédagogiques sur le milieu du handicap. Je pense que ceux qui ne sont pas confrontés à ça y apprennent quand même pas mal de choses. Ils ne se disent pas qu’un mec en fauteuil roulant c’est juste un mec qui ne marche pas.

Grand Corps Malade


Qu’est-ce que vous vouliez absolument réussir sur le film et à tout prix éviter ?

Mehdi Idir : Le pathos. Éviter le pathos et réussir à diffuser un joli message d’espoir.

Grand Corps Malade : Dans les différents petits objectifs, on avait envie d’être assez pédagogiques sur le milieu du handicap. Je pense que ceux qui ne sont pas confrontés à ça y apprennent quand même pas mal de choses. Ils ne se disent pas qu’un mec en fauteuil roulant c’est juste un mec qui ne marche pas. On apprend quand même deux ou trois autres choses très importantes là dessus.

Mehdi Idir : On voulait aussi réussir depuis le début parce qu’avec Fabien ça fait 20 ans qu’on parle de cinéma français. À chaque fois on se dit que c’est tout le temps les mêmes têtes qui reviennent de film en film. Mais on savait qu’il y avait un vivier de talents incroyables au niveau des acteurs et donc on s’est dit il faut qu’on mette ça en avant dans notre film. C’était un des objectifs principaux.

Synopsis : Se laver, s'habiller, marcher, jouer au basket, voici ce que Ben ne peut plus faire à son arrivée dans un centre de rééducation suite à un grave accident. Ses nouveaux amis sont tétras, paras, traumas crâniens.... Bref, toute la crème du handicap. Ensemble ils vont apprendre la patience. Ils vont résister, se vanner, s'engueuler, se séduire mais surtout trouver l'énergie pour réapprendre à vivre. Patients est l'histoire d'une renaissance, d'un voyage chaotique fait de victoires et de défaites, de larmes et d'éclats de rire, mais surtout de rencontres : on ne guérit pas seul.

Patients, un film de Fabien Marsaud (Grand Corps Malade), Mehdi Idir
Scénario : Fabien Marsaud (Grand Corps Malade), Fadette Drouard
Avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly, Nailia Harzoune, Franck Falise,
Yannick Rénier, Jason Divengele
Sortie le 01 mars 2017
Durée 1H50

Affiche, photos et film-annonce : © Gaumont Distribution

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