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Bienvenue à Marly-Gomont

Bienvenue à Marly-Gomont

Kamini Zantoko, Julien Rambaldi, Aïssa Maïga Bienvenue à Marly-Gomont Style : Comédie Date de l’événement : 08/06/2016

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Après être passé sur notre fameux canapé rouge pour nous parler de son one-man show, Kamini revient nous présenter son film "Bienvenue à Marly-Gomont" où il rend hommage à son père en racontant son arrivée à Marly et son intégration parmi les habitants. Entre humour et émotions, le réalisateur Julien Rambaldi nous livre une jolie histoire, celle de Monsieur Zantoko, avec des acteurs très justes. Lille la Nuit est allé à la rencontre du réalisateur, de la comédienne Aïssa Maïga et de Kamini Zantoko qui nous délivrent leurs anecdotes et leurs impressions de tournage.

Kamini, ce film est basé sur ton histoire personnelle mais surtout celle de ton père, d'ailleurs on voit très peu le petit Kamini. Est-ce qu'il est un hommage à ton père ou une manière de dénoncer le racisme ?

Ah non pas du tout ! Personnellement, c'est plus un hommage à mon père. Après, c'est sûr que ça reste un film, un produit artistique pour le public. Je voulais vraiment faire honneur à mon père, et à travers notre vécu, de parler des déserts médicaux et de la difficulté d'accès aux soins dans le monde rural. Ça fait partie de mon vécu donc c'est normal que le film soit plus centré sur mon papa mais avec le regard de Kamini enfant.

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As-tu vraiment vécu toutes les anecdotes présentes dans le film ?

Toutes les anecdotes médicales sont vraies. Même moi en tant qu'infirmier, j'ai vu des trucs incroyables ! Pour ce qui est de la vie de ma maman, elle s'ennuyait donc les histoires de factures de téléphone à l'étranger sont vraies. Même encore aujourd'hui, elle continue de faire ça. Par contre, en ce qui concerne les enfants, Kamini et Sivi, on a fait un condensé. Car dans la vraie vie, j'ai deux frères, deux sœurs, deux demi-frères et deux demi-sœurs. Donc on a fait un condensé de toutes les histoires de mes frères et sœurs et on les a mises dans les deux enfants. En même temps, neuf enfants c'est compliqué à mettre en scène ! Après, il y a quand même une part d'exagération sur certains faits mais ça reste du cinéma, il faut rajouter des intrigues, exacerber des traits de caractères et en adoucir d'autres et c'est là où Julien est très fort.

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Le film n'a pas été tourné à Marly-Gomont, pourquoi ?

Malheureusement non, pour des raisons de réalité budgétaire et économique du cinéma. Ça a été tourné à Steenkerke, en Flandres car la production était belge mais aussi parce que le village, esthétiquement et architecturalement parlant, ressemblait vraiment à celui de Marly-Gomont.

Vous avez eu des retours des habitants de Marly-Gomont, des gens que vous avez côtoyés ?

Ils n'ont pas encore vu le film ! On a une avant-première à Saint-Quentin, le 1er juin, c'est à une quarantaine de kilomètres de Marly et aussi à Hirson qui est à 30 kilomètres. C'est à ce moment-là qu'on aura tous les retours.

Tu n'as pas peur qu'ils réagissent mal ?

Non, car c'est un film qui se déroule dans les années 70 et ils ont conscience que même dans le milieu rural, les mentalités ne sont plus les mêmes. On est quand même habitué à voir des noirs, il y a eu la France 98, il y a plein de choses qui se sont passées depuis. Mais dans le milieu rural, ils ont bien conscience qu'il y a 30 ans ou 40 ans, on avait des réactions plus primaires. Mais vous savez, comme je le dis souvent, si une famille de blancs va s'installer au Congo où il n'y a que des noirs, la population serait aussi surprise. C'est humain, cette part de rejet et ça ne devient dangereux que quand c'est instrumentalisé par des institutions, c'est un peu ce qu'on voit dans le film lorsqu'on aborde des sujets un peu plus politiques.

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Julien, pour vous c'était logique de ne pas mettre que de l'humour dans ce film ?

Quand j'ai reçu le projet pour la première fois, j'ai lu la première version du scénario, puis la fin. Et quand j'ai lu la fin, ce qui s'est réellement passée avec l'enterrement du papa et avec tous les gens qui viennent spontanément de toute la région pour lui rendre hommage, j'ai su directement qu'il y avait une très belle histoire à raconter qui ne doit pas se baser que sur l'humour car il y avait quelque chose d'humain et de très fort. Donc j'avais envie de rendre hommage à son père, c'était mon objectif, je voulais que ce soit émouvant. Après évidemment, il y avait toutes les bases de la comédie dans le scénario avec un contraste produit par les situations drôles. Il y a de l'humour dans le film mais ça aurait été dommage que ça tourne vers la farce parce que c'est une histoire vraie et une belle histoire qu'il fallait respecter !

Aïssa, c'était un choix de ne pas avoir d'accent dans le film ?

Aïssa : Ah bon je n'ai pas d'accent ? (Rires) Eh bien, je ne suis pas congolaise, et nous n'avons pas trouvé de coach, un vrai ; puisqu'être coach vocal linguistique c'est un vrai métier et on n'a pas pu en trouver un qui travaillait sur le lingala-français. Ce n'était pas un travail que je me sentais de faire toute seule et étant donné le laps de temps très court qu'il y a avait entre la prépa et le tournage, on a décidé d'apporter une couleur, une musique mais en toute modestie. Il y avait quand même un accent, je ne parle pas comme ça dans la vie ! (rires)

Julien : Pour Marc et Aïssa, l'accent apparaît surtout dans les moments d'émotions fortes ou dans les engueulades. Je trouvais que c'était important qu'il soit présent dans ces moments-là parce que le naturel ressort.

Aïssa : Le défi aussi, c'était de parler le lingala, ce n'est pas ma langue !

Kamini : Dans tous les cas, mon père n'avait pas d'accent. Il ne supportait pas d'en avoir un donc il a travaillé ça dès qu'il est arrivé en France. Il n'arrêtait pas d'engueuler mes oncles qui vivaient ici et qui parlaient avec un accent. Ma maman venait d'une famille notable au Congo, donc elle n'avait pas un accent très prononcé mais par contre elle parlait souvent le lingala et ça avait tendance à irriter mon papa. D'ailleurs dans le film, il leur interdit de parler le lingala !

Kamini, comment toi, de ton point de vue d'enfant as-tu vécu ton intégration à Marly-Gomont ?

Ce n'était pas simple. Je suis né en France, mais quand je suis arrivé à l'école maternelle jusqu'au lycée, j'ai toujours eu le droit à des brimades et des railleries. Bon ce n'était que du racisme primaire, ce n'était pas le Texas avec le Ku Klux Klan qui me courait après ! Mais ce n'est pas simple quand tu es un enfant, tu n'as pas forcément de recul. Et puis moi j'ai toujours été isolé. Quand je suis arrivé à l'école maternelle, mes frères et sœurs étaient en primaire, quand j'étais en primaire, ils étaient au collège, etc. Dans la chanson je dis "à l'école primaire, j'étais le seul black" c'était vrai, j'étais vraiment isolé. Ce n'était pas facile. Mon père n'avait pas conscience de cette souffrance-là car lui était orphelin. Dans son enfance il a connu la faim, il n'avait pas de parents, pas de chaussures pour aller à l'école malgré les kilomètres et pas forcément un toit pour dormir. Donc pour lui, quand on lui disait que l'on souffrait car on se faisait insulter à l'école, ce n'était pas forcément de la vraie souffrance. Il ne comprenait pas et il a mis du temps à se rendre compte que ce n'était pas facile pour nous.

Mais concernant l'intégration, je suis content que le film se passe en 1975 car plus on avançait dans le temps dans la génération des Zantoko, plus on était accepté facilement. Ceux qui ont le plus morflé ce sont mes demi-frères et sœurs, qui sont venus du Congo et ont débarqué au village. Ensuite, il y a eu ma génération, moi aussi j'ai souffert de cela et ensuite il y a mon petit frère. Pour lui, ça a été, mon père avait déjà je ne sais pas combien de patients, toute la famille Zantoko était passée dans les collèges. Le petit dernier n'a pas eu trop de difficultés. C'est aussi une question d'époque !

Ta maman a-t-elle vu le film ?

Pas encore ! Mais la bande-annonce l'a très touchée, elle est très contente, je n'ai pas peur ! Je suis confiant, ma famille est au courant du projet depuis longtemps. Pour tout le monde c'est un aboutissement, on est tous contents !

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