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Joseph Arthur + Moony au Grand Mix

Simplicité. Intimité. Les deux maîtres mots de cette soirée au Grand Mix marquée par la présence du chanteur américain Joseph Arthur. Une personnalité atypique relativement ignorée du grand public car sortant ses albums en catimini (beaucoup d'entre eux ne sont disponibles qu'en import), loin de tout battage médiatique. Méconnue mais néanmoins perçue, bien malgré elle, comme une icône par une base solide d'inconditionnels, estomaqués par son premier album, Big City Secrets, sorti en 1996, et son songwriting délicat et à fleur de peau. Un artiste que l'on prend plaisir à faire découvrir à ses proches, que l'on partage tel un doux secret. Et le bouche-à-oreille semble fonctionner. Pour le passage d'une figure que l'on pourrait presque qualifier d'underground, la salle est plus que correctement remplie.

Peu connu de ce côté-ci de la frontière, le belge Bram Moony ouvre le bal. En douceur. En solitaire. La voix est fragile. Comme les chansons. De petits songes cristallins, sans réel début ou fin et aux formes incertaines. Des balades douces-amères entre Folk Lo-Fi ébréché et joliesses Pop éthérées. Une rêverie champêtre où l'on devine l'influence bucolique des Seventies, de Neil Young ou de Nick Drake. Un psychédélisme de feu de camp, chaud et réconfortant. Partageant le même goût pour le minimalisme, les ambiances épurées et les sonorités latines (particulièrement perceptibles sur « Mexican Waves »), il n'est pas étonnant que Devendra Banhart ne tarisse pas d'éloges sur le bonhomme.

C'est également en cow-boy solitaire que Joseph Arthur foule les planches du Grand Mix. Il n'est pas accompagné, ce soir, de ses Lonely Astronauts avec lesquels il a enregistré deux albums (Let's Just Be et Temporary People) aux sonorités plus Classic Rock qu'à l'accoutumée. Au plus grand plaisir de ses fans. Car Joseph est principalement apprécié pour sa capacité à tenir seul une foule en haleine.

Deux tableaux du chanteur, passionné de peinture, encadrent la scène. Une toile blanche siège sur un chevalet dans le fond. Elle ne reste pas longtemps vierge. L'artiste débute sa prestation en dessinant, de manière spontanée, des visages aux contours irréguliers sur celle-ci. Timidement, il prend place derrière le micro, saisit une des multiples guitares peinturlurées posées derrière lui et entame son set par une chanson inédite. La jouant pour la première fois en public, il en oublie de mettre sur le manche de son instrument le capodastre nécessaire à son interprétation. S'en rendant compte au bout de quelques notes, il s'interrompt, corrige son oubli et, tout sourire, s'en excuse. Un minuscule et plaisant point noir dans un concert de deux heures tout simplement époustouflant.

La façon dont Joseph Arthur aborde sa musique en live subjugue. Son approche est picturale. Telles des couches de peinture sur une oeuvre en devenir, il superpose, à l'aide d'un séquenceur, des nappes sonores en triturant ses guitares ou un synthétiseur rudimentaire et sa voix marquée par la vie (père violent, adolescence à la dérive, alcoolisme, toxicomanie, dépression...). Créant ainsi des boucles tourbillonnantes et envoutantes. Des pièces mélodiques s'assemblant ensemble pour construire des chansons prenant la forme de puzzles labyrinthiques.

Une grande part est laissée à l'improvisation. Rien ne semble préparé. Calculé à l'avance. Joseph Arthur fonctionne à l'instinct. Ne cherche pas à contrôler. Il laisse les chansons venir à lui, s'imposer d'elles-mêmes. Le concert s'apparente à une performance artistique. Samplant un solo de guitare, il pose son instrument, s'empare d'un vieux cahier d'écolier gribouillé et déclame un de ses poèmes avec une intensité qui donne le tournis. La sensibilité prime. Chaque titre plonge la salle dans un silence religieux. Et si son univers musical est quelque peu cafardeux, le chanteur se montre enjoué et communicatif. Discourant longuement sur son amour du thé vert et les vertus de cette boisson. Plaisantant avec le public. Lui demandant quels morceaux il aimerait voir jouer, le laissant décider de la suite des évènements.

La fin approchant, l'artiste, tout en continuant de chanter, termine le tableau commencé au début du concert. Un rouge sanglant et un noir profond encerclent un visage déformé. Une image forte. Un dessin d'enfant troublé. Une violence rentrée et des démons qui ne s'expriment plus par les mots mais par le pinceau. Et qui, une fois relâchés, laissent place à l'accalmie, à un apaisement intérieur. Pour le rappel, Joseph Arthur délaisse son micro et ses amplis et se lance dans une session acoustique (magnifiques « In The Sun » et « Mercedes ») . Dans le plus simple appareil, plus vulnérable que jamais, il impose une nouvelle fois un silence total et respectueux.

Digne héritier des plus grands songwriters américains (Bob Dylan, Bruce Springsteen, Elliot Smith), le roi Arthur continue, même en l'ayant vu près d'une dizaine de fois, à exercer cette fascination particulière. Un sentiment qu'on essaye de lui transmettre maladroitement, dans un anglais plus qu'approximatif, à la sortie, au stand merchandising où, ô joie, est vendu sur CD fraichement enregistré le concert de la soirée que l'on s'empresse bien évidemment de faire dédicacer. Les plus fortunés, eux, repartiront avec un des tableaux mis en vente par cet artiste complet.

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