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Olivier Classe, l’ingénieur et illustrateur lillois de la musique électronique

Olivier Classe, l’ingénieur et illustrateur lillois de la musique électronique

Olivier Classe

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Olivier Classe, ingénieur en mastering et graphic designer à Lille, a répondu à quelques-unes de nos questions pour nous faire découvrir son métier, et son rôle dans le monde de la musique électronique.

LE CONCEPT DE MASTERING

Tu as un studio de mastering à Lille. Avant de rentrer dans les détails de ton métier, peux-tu expliquer en quoi consiste le mastering ?

Le mastering est la dernière étape du processus de création d'un disque. D'abord, on enregistre les sources avec des micros ou des synthés, puis on les mixe, on construit la sonorité du morceau et on le masterise. Au départ, on effectuait cette opération pour mettre au format les morceaux de musique pour leur différentes utilisations (pressage vinyles, diffusions radio, etc..). Avec le temps, c’est devenu une étape indispensable qui consiste à traiter le son, pour aider l’artiste à finaliser son œuvre, magnifier l'intention artistique, en tirer le meilleur optimiser les derniers détails pour adapter leur formats aux supports (plateformes de streaming, cd, vinyles, casette, youtube)

Tu précises bien que tu fais du mastering uniquement. Pourquoi ? Et quelle est la différence entre mastering et mixage ?

Le master demande de la technique et des connaissances précises, je pars du principe que pour devenir très bon quelque part, il faut consacrer son temps et son énergie à une seule pratique. Les studios de mastering sont des lieux avec une acoustique la plus précise et objective possible. Cela nous permet de prendre des decisions techniques pour que l'oeuvre transcrive le mieux possible. La prise son et le mixage sont les moment ou se définit artistiquement comment le disque sonnera. Autrement dit, le mixage est une étape cruciale et ouverte artistiquement; c'est très intentionnel pour se que sera l'oeuvre. Une fois le mix on m'envoie une piste stereo. Quand je reçois le morceaux pour le mastering l'identité sonore est deja là et deja crée et elle proviens des étapes précédente.

 

 

“Si on le compare à la peinture, le mastering, c’est le vernis” 

Olivier

 

Comment l’action de masteriser est arrivée dans le monde de la musique électronique ? 

Si l’on date le début de la musique électronique à partir des années 50 à 60 (les synthétiseurs modernes et la manière de créer des morceaux de musique électronique), à l’époque, on crée la musique sur bande pour après l’appliquer à un vinyle. On était alors obligés de passer par le mastering.

Sur ton site, tu parles de mastering analogique et numérique, quelle est la différence ? 

Si l’on souhaite faire le master en analogique, on enregistre avec un magnétophone sur une bande, que je modifie sans ordinateur via différentes machines, et qui est par la suite numérisée pour la diffuser sur les plateformes en format digital.

On peut mélanger les deux. On crée alors un fichier numérique que je convertis en signaux grâce à un convertisseur, que je traite analogiquement, puis numérise pour créer un format digital. Il est tout à fait possible avec le matériel adapté de passer d'un format analogique à numérique.

Pour moi l’une des techniques n’est pas meilleure l’une que l’autre. Cela produit un rendu différent. Le son change, aucune machine ne reproduit exactement ce qu’on lui demande. L'utilisation de l’analogique ou du numérique (et même l’utilisation d’une certaine machine plutôt qu’une autre) est un choix artistique.

LE TRAVAIL D’OLIVIER classe POUR RÉALISER UN MASTERING

Quel procédé technique utilises- tu pour masteriser un morceau de musique ? 

Il n’y en a pas beaucoup, en voici quelques uns :
- L'égalisation : Permet d’augmenter ou baisser le niveau de certaines plages de fréquences d’un son.
- La compression : Cette machine détecte le son et fait des modifications de volume. On va par exemple pouvoir rehausser le niveau d’une batterie sur laquelle on aurait pas tapé assez fort, ou au contraire l’adoucir un peu si le batteur a frappé un peu trop fort
- Les outils de phase en stéréo : le rapport entre le signal droit et gauche, qui permet ou non de graver le morceau.
Quand on travaille sur un album, on essaye d’appliquer les modifications sur chacun des morceaux pour avoir un résultat homogène.

Est-ce que tu possèdes des capacités particulières en lien avec le son ?

J’ai une oreille relative. Je sais trouver le rapport entre toutes les cordes de guitare de basse ou de synthé . Si j’en entends une, je sais régler toutes les autres. Mais j’ai besoin d’une référence, je ne possède pas de capacité particulière, je me suis simplement beaucoup entraîné.

Est-ce que le master est un art en soit, est-ce que c’est uniquement technique ou il y a une partie subjective dans ton travail ? Si je prends n’importe quel ingénieur en mastering, j’aurais le même résultat ?

Non, chaque personne à sa sensibilité. Moi par exemple, j’aime la basse en tant qu’instrument et la batterie. J’ai joué de la contrebasse, donc je prête une attention toute particulière à comment se placent les basses et les percussions. J’ai une idée assez précise de comment cela doit fonctionner. Chaque ingénieur a ses préférences et approche les choses à sa manière. C’est de la compréhension artistique. A partir des contraintes techniques, on modifie des œuvres d’artistes pour les retranscrire de la façon la plus juste.

Tu possèdes un nombre important de machines et convertisseurs, pourrais-tu expliquer à nos lecteurs leur utilité dans ton travail de mastering ?

Tout commence avec les convertisseurs (signal numérique en analogique), ils se situent dans une console (de mastering), qui permet de gérer le gain qui rentre et sort, puis on envoie dans différentes machines : l'équaliseur (ajouter basses, aigus), de-esser (supprimer les sifflements de la voix), EQ dynamique (gérer basses et aigus, faire ressortir un kick sans toucher au reste), clipper passif (permet de supprimer des fréquences), les limiteurs (limiter le son en analogique).

J’imagine que le prix est défini par le travail qu’on te demande de réaliser, mais as-tu un prix moyen à communiquer à des lecteurs que cela pourrait intéresser ?

Chez moi, un master classique, c’est 60€ TTC. On envoie un morceau et on récupère un fichier masterisé pour une plateforme. Il existe des options, et pour le vinyle, le prix est un peu plus onéreux.

Peux-tu nous parler de projets de master que tu as réalisés pour des artistes lillois ?

Avec YMNK, un artiste avec qui on partage une passion pour les machines, en faisant son projet, on a souvent échangé sur les mixs. C’est un bon musicien et ingénieur du son. Je lui donne à la fois des conseils techniques et artistiques. Pour son dernier vinyle, nous avons travaillé sur le son mais également le procédé : chaque pochette est faite main avec du scotch, produit en peu d'exemplaires, ce qui réduit les coûts pour le consommateur et l’impact écologique. J’ai également travaillé avec Zaatar, Søren Lake, Quantum Quantum, Le Vertigo…

Tu travailles sur les projets des artistes qui font appel à toi, mais est-ce que toi-même tu produis de la musique ou tu en mixes ? Tu fais partie du groupe Amikal Sonic, est-ce que tu peux nous le présenter ?

En ce moment non, je joue de la basse pour sortir des écrans quand je fais des pauses. Mais j’ai produit beaucoup de musique avec les machines, surtout pour faire du live. Amikal Sonic est un collectif qui existe depuis 2006, principalement composé de DJs et organisateurs de soirées. En 2008, il gère la production musicale du club “Le Sonic” à Lille. Amikal Sonic a été créé pour mixer ensemble, faire des rencontres et inviter des artistes qu’on aime.

APRÈS LE SON, L’IMAGE GRAPHIQUE

Sur ton profil Instagram, tu te présentes également comme Graphic designer, pour qui réalises-tu des graphismes et dans quel but ? 

Je réalise des design graphiques pour des affiches de soirée, pour les machines que j’utilise en master ou des synthés, les plug-ins et les applications de création musicale.

Est-ce que la musique et le graphisme sont deux activités distinctes pour toi ? 

Oui, distincte mais c'est complémentaire en terme d'attention. C'est super pour moi de passer de l'un à l'autre. Quand il s’agit de design de synthés ca demande de comprendre le matériel. Un bon "design" graphique pour une machine, c’est un graphisme ou je comprend les fonctions sans lire la notice.

Le premier EP de Quantum Quantum “Mirage” vient de sortir chez Cépe Records.
L'album de Anax, “se souvenir de nos révoltes” est sorti le 15 décembre 2022.

Photos : © Anaïs Bellanger

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