Le Théâtre du Nord propose un « Retour à Argos », voyage entre passé et présent

Stuart Seide a annoncé qu'il ne renouvellera pas son mandat de directeur du Théâtre du Nord. Mais pas un mot sur cette nouvelle lors de notre rencontre, toute l'attention est portée sur Irène Bonnaud, une des artistes associés au Théâtre du Nord. Cette spécialiste de la mise en scène et des traductions allemandes et grecques a travaillé sur une création intitulée « Retour à Argos ». Ce spectacle sera joué du 15 au 28 mars à Lille avant de partir en tournée.

« Retour à Argos » a pour sujet principal « Les Suppliantes », une pièce d'Eschyle écrite en 463 avant J.C. Mais Irène Bonnaud préfère appeler cette tragédie grecque : « Les Exilées » pour mieux exprimer l’idée d’un arrachement, d’une déchirure. Ce spectacle commence par un prologue extrait de « Prométhée enchaîné ». « C'est l'histoire des filles de Danaos, les arrière-petites-filles de la princesse Yo autrefois courtisée par Zeus et métamorphosée en vache » raconte-t-elle avec passion. « Persécutée par la très jalouse Héra, elle a été condamnée à être pourchassée par un taon jusqu'à en perdre le sommeil et la raison. Io ne trouve refuge et paix qu’en Egypte, jusqu’à ce que cinq générations plus tard la malédiction ne se réveille sur sa descendance, persécutée à son tour, menacée de rapt, de viol et de mariage forcé par le prince d’Egypte ». Les filles de Danaos retournent donc à Argos pour demander asile.

Mais Irène Bonnaud ne s'en tient pas au passé, ce qui l'intéresse avec cette pièce, c'est son lien avec l'actualité. Et comme « Les Exilées » faisaient partie d'une trilogie dont les deux autres morceaux ont été perdus, elle a effectué un montage avec « Io 467 », un texte contemporain commandé à Violaine Schwartz pour donner aux spectateurs une histoire complète. « Aujourd'hui, la géographie de l'Union Européenne pousse les migrants à entrer dans l'Espace Schengen par la Grèce » explique-t-elle. « C'est là, dans le premier pays européen où ils arrivent, qu'ils doivent déposer une demande d'asile, mais le pays ayant le taux d'acceptation le plus faible d'Europe, beaucoup renoncent d'avance, et restent là en attendant, dans un vide juridique total » ajoute-t-elle.

Avec « Retour à Argos », prévoyez de vous retrouver sans cesse dans « un frottement entre le passé et le présent ». On ne vous en dit pas plus mais « La pièce s’ouvre sur un rivage accueillant : mer bleue, soleil, palmiers. Seul un bunker raconte qu’il peut y avoir une menace… ».

Irène Bonnaud qui s’est beaucoup documenté sur le sujet des exilés aujourd’hui, nous a donné proposé beaucoup de pistes de réflexion. « Zeus dans la pièce d’Eschyle est omniprésent car il était pour tous les Grecs le dieu protecteur des étrangers, des errants et des demandeurs d’asile, celui qui pouvait anéantir la Cité qui ne respecterait pas les règles sacrés de l’hospitalité. » Mais qui joue le rôle de Zeus aujourd’hui ? Comment la notion d’hospitalité a-t-elle évolué ? Pour aller plus loin, plusieurs rendez-vous sont proposés autour de ce spectacle : 
> Rencontre avec l’équipe artistique jeudi 21 mars à l’issue de la représentation
> Table ronde sur les exilés d’aujourd’hui en présence d’Irène Bonnaud, de journalistes, de présidents d’associations samedi 23 mars à 15h à la Médiathèque du Vieux-Lille

Photo : © F. Iovino

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