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Elser, Un Héros Ordinaire : Un Résistant allemand par le cinéaste de « La Chute »

Synopsis : Allemagne, 8 novembre 1939. Adolf Hitler prononce une allocution devant les dirigeants du parti nazi dans la brasserie Bürgerbräu à Munich. Une bombe explose, mais Hitler ainsi que Joseph Goebbels, Heinrich Himmler, Martin Bormann et d’autres ont quitté les lieux quelques minutes plus tôt. L’attentat est un échec. Rattrapé à la frontière suisse alors qu’il tentait de s’enfuir, Georg Elser est arrêté puis transféré à Munich pour être interrogé. Pour les Nazis, il s’agit d’un complot et on le soupçonne d’être un pion entre les mains d’une puissance étrangère. Rien ne prédestinait Georg Elser, modeste menuisier, à commettre cet acte insensé ; mais son indignation face à la brutalité croissante du régime aura réveillé en lui un héros ordinaire…

ELSER Bild 111 Georg Elser (Christian Friedel) Foto: Bernd Schuller Tel: 0049-171-1934908

Christian Friedel, grand acteur, déjà vu dans Le Ruban Blanc de Haneke

 

Critique : Il revient de loin, très loin Oliver Hirschbiegel ! Le nom de ce réalisateur allemand ne vous dit peut-être rien, mais vous connaissez sans doute son film La Chute, qui retraçait les derniers jours qui précédèrent la mort de Aldof Hitler dans son bunker, entourés de ses généraux et proches les plus fanatiques. S’il on peut considérer que le film était loin d’être parfait et pouvait être critiqué sur certains points - nous y reviendrons -, on ne peut cependant nier que le film était d’une force cinématographique assez impressionnante. La Chute reste à ce jour le film le plus célèbre de Hirschbiegel, le plus controversé, celui qui a fait couler le plus d’encre.

Mais le cinéaste s’est d‘abord fait connaître avec un film très impressionnant du point de vue de sa mise en scène et de ses thématiques, L’Expérience. Oliver Hirschbiegel y filmait une histoire vraie, celle de vingt personnes volontaires pour participer à une étude scientifique portant sur le comportement humain. Le but étant de vivre dans un univers carcéral. Alors que certains étaient désignés comme gardiens, d’autres étaient les prisonniers. On vous laisse imaginer la suite de ce cauchemar et on vous recommande de découvrir toutes affaires cessantes ce film coup de poing, qui connut un remake américain. Dans L’Expérience Hirschbiegel montrait déjà toute sa capacité à jouer des huis clos et faire monter une tension qu’on retrouvera dans La Chute trois ans plus tard.

Pourtant, rien ne laissait présager que ce réalisateur, qui commença par tourner des épisodes de séries policières allemandes  (Rex, Chien de Flic) allait s’avérer un metteur en scène d’une redoutable efficacité. Tout du moins avant de partir aux Etats-Unis, où il dirigea Daniel Craig et Nicole Kidman, dans Invasion, très mauvais remake de L’Invasion des Profanateurs de Sépultures, le grand classique de science-fiction paranoïaque de Don Siegel. Mais le pire restait à venir avec Diana, bluette ringardissime sur la Princesse du même nom. Un film tellement nul, qu’on se demande bien ce que Hirschbiegel et Naomi Watts sont allés faire dans cette galère ! Si vous voulez voir un sommet du navet, entre potes en mangeant des pizzas et en buvant des bières (en toute modération, bien sûr), ça peut le faire ! Mais attention, la descente est rude. On vous aura prévenus. Il faut pouvoir s'en remettre !

Est-ce parce qu’il a tourné des films de commande qui lui ont échappé, que Oliver Hirschbiegel a décidé de reprendre le chemin de l’Allemagne ? C’est plus que probable. De plus, ces expériences américaines et anglo-saxonnes s’étant avérées de mauvaises affaires au box-office, on imagine que peu de producteurs ont dû le retenir.

Le retour au pays est donc une bonne nouvelle pour ce cinéaste qui n’aurait sans doute jamais dû le quitter. Ils ne sont d’ailleurs pas légion, les réalisateurs étrangers qui arrivent à bâtir une carrière à Hollywood tout en gardant leur personnalité et le contrôle de leurs œuvres. Il y a bien Fritz Lang et quelques autres mais cela remonte à Mathusalem. Plus près de nous, même l’immense Paul Verhoeven n’a pas résisté aux échecs commerciaux du grandiose Starship Troopers et de son intéressant Hollow Man.

Avec Elser, Un Héros Ordinaire, Hirschbiegel se penche à nouveau sur les fantômes de l’Allemagne. Mais cette fois-ci, il se consacre à un homme de bien, un Résistant, qui voulut faire mourir Hitler et quelques-uns de ses sbires dans un attentat qu’il avait lui-même organisé.

ELSER Bild 7 Hitler (Udo Schenk) NSDAP Zuhörer  Foto: Bernd Schuller Tel: 0049-171-1934908

Hirschbiegel se penche de nouveau sur les fantômes de l’Allemagne

 

Si le film n’a pas la force de La Chute, si la mise en scène - très soignée - semble un chouïa impersonnelle, si on ne ressent pas la même implication de Hirschbiegel pour ses personnages, on ne peut nier que Elser, Un Héros Ordinaire n’en demeure pas moins un film assez passionnant. Tout du moins d’un point de vue historique.

Déjà, il rappelle à certains que tous les allemands n’étaient pas des nazis, et qu’il y eut bien une Résistance allemande active contre Hitler et le nazisme. De plus, Elser, Un Héros Ordinaire nous fait découvrir un personnage que nous ne connaissons pas du tout en France, du moins si nous ne sommes pas de grands spécialistes de l’Histoire de la seconde guerre mondiale.

Ce qui est également passionnant dans le film, c’est que Hirschbiegel ne fait pas de son personnage principal un être monolithique, parfait, dénué d’aspérités. Remarquablement interprété par Christian Friedel - sacré acteur, déjà vu dans Le Ruban Blanc de HanekeElser se révèle un type ambiguë, parfois déplaisant, coureur de jupons, abandonnant sa femme et son enfant. Nous ne portons pas de jugement moral sur le bonhomme, rassurez-vous. On remarque juste que Hirschbiegel, sans doute dans un souci de véracité historique, ne fait pas de Elser un "super-héros" irréprochable.

Tout comme il ne fait pas de tous les nazis - qui étaient de sacrées ordures, nous sommes d’accord - des créatures maléfiques et horrifiques, dignes du plus terrifiant des films d’horreur.

Cela dit, Hirschbiegel ne craint pas non plus de nous montrer la violence dans tout ce qu’elle a de plus abjecte. Il filme des scènes de tortures difficilement supportables, sans pour autant qu’elles en deviennent complaisantes. Elles sont nécessaires à la progression dramatique du récit. De plus, cette violence, ces ignominies, ont existé et Hirschbiegel ne s’en détourne pas. En la filmant, il la condamne et la dénonce avec sa caméra. Mais vous voilà prévenus, quelques scènes de tortures sont particulièrement éprouvantes. Peut-être même encore davantage quand elles ne sont pas filmées de manière frontale. Ce qui en dit long sur le pouvoir du hors champ au cinéma et l’imagination du spectateur.

Cela dit, si nous ne sommes pas de grands fans de La Chute - c’était bien de montrer Hitler comme l’être humain qu’il était, mais de là à le filmer aussi comme un vieux pépé gentil qui mangeait sa petite soupe - on regrette cependant de ne pas retrouver la même tension dramatique dans Elser, Un Héros Ordinaire. Bien sûr, la figure historique de Adolf Hitler est forcément plus fascinante que Elser. Et il est vrai que Bruno Ganz, l’un des plus grands acteurs au monde, livrait une performance hallucinée et ahurissante !

Mais ce qui fait que Elser ne retient pas autant l’attention que La Chute, c’est que Hirschbiegel fait de son film une fresque. Bien sûr, il a des moyens, multiplie les lieux de tournages, les décors, le nombre de figurants… Mais cette multiplicité de lieux fait que la tension se dilue et que le film paraît un peu long. En fait, la force de La Chute, c’était son aspect claustrophobique, cette impression d’enferment que ressentait le spectateur en étant au plus près des protagonistes du récit. Nous étions enfermés avec eux. Du coup, le huis clos devenait quasi irrespirable.

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Hirschbiegel est avant tout le cinéaste des lieux clos

 

Hirschbiegel est le cinéaste des lieux clos, a ce talent (un peu comme Polanski, toutes proportions gardées) de trouver des angles de caméras inédits dans des lieux exigus. Point de cela dans Elser, Un Héros Ordinaire. Mais, encore une fois, le film demeure intéressant - à défaut d’être indispensable -. Il faut le voir davantage comme une leçon d’Histoire nécessaire plutôt qu’un objet cinématographique passionnant.

Et il permet d’apporter un point de vue différent, complémentaire, opposé à celui de La Chute en s’intéressant à ceux qui, en Allemagne, ont combattu le nazisme. A vrai dire, nous sommes plutôt heureux que Oliver Hirschbiegel signe un film recommandable après deux des pires bouses cinématographiques de ces dernières années. Espérons qu’il retienne la leçon et n’aille plus se perdre chez les Majors, Outre-Atlantique. Visiblement, le Monsieur a encore beaucoup de choses à dire sur son pays, son Histoire et son passé.

Affiche et Film-Annonce © Lucky Bird Pictures © Sophie Dulac Distribution Photos © Lucky Bird Pictures © Bernd Schuller
FICHE ARTISTIQUE : GEORG ELSER Christian Friedel ELSA Katharina Schüttler ARTHUR NEBE Burghart Klaußner HEINRICH MÜLLER Johann von Bülow
FICHE TECHNIQUE : SCÉNARIO Fred Breinersdorfer, Léonie-Claire Breinersdorfer RÉALISATION Oliver Hirschbiegel

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