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Goldfrapp à l’Aéronef, au Trianon et à l’Ancienne Belgique

Malgré sa réputation froide parfois largement justifiée, Goldfrapp aime plutôt tourner. Ainsi, la belle Alison (si le groupe est un duo on voit très très peu Will Gregory et de mémoire d'accro pas aperçu depuis les premières parties de Depeche Mode) a débuté une tournée mondiale en juin, à travers quelques dates aux Etats-Unis et au Royaume-Uni avant de traîner ses chaussures compensées sur les scènes de festivals tout en commençant sa tournée européenne. Le concert de Lille était donc loin d'être un premier jet, même si d'impression globale on les sentait encore un peu tendus, et le show était très bien rôdé quand on les a ensuite vus au Trianon de Paris et à l'Ancienne Belgique de Bruxelles, parmi les tout derniers concerts.

Dans un Aéronef ni trop complet ni trop vide est d'abord apparu un curieux personnage. Il se présente. La demi-heure s'annonce longue. Vulgaire, doté d'un humour bas de plancher, le jeune homme remplace le Japonais Schinichi Osawa. La programmation de celui-ci semblait justifiée sur le papier : il s'agit en effet de l'ex-leader du groupe electro Mondo Grosso, donnant principalement dans l'acid jazz et l'electro-house. Celle de Wladimir le semble moins. N'est pas Chopin ou Satie qui veut et les citer ne suffit pas à devenir leurs fils spirituels. Remplaçant de dernière minute, Wladimir rame, et on l'observe, restant juste polis face à ses chansons.

La seconde première partie se révèle bien plus intéressante. Yan Wagner (rien à voir avec Richard, sauf le nom) est un infiltré. Etudiant en Histoire la journée, il écrit une thèse sur les night-clubs. Et tout naturellement écume les bars la nuit depuis qu'il a lancé son projet electro à Brooklyn. Et malgré une allure dandy échappe de justesse au parisianisme primaire, fréquentant le Truskel et autre Motel, mais de l'autre côté de la barrière. C'est ainsi que son concert se revèle à la fois travaillé et sympathique, avec un petit grain de folie pour relever la sauce. Ce qui se confirme sur le MySpace à l'écoute de mash ups tels que le George Michael Jackson (c'est ici : www.myspace.com/wagnersyrup). Le jeune homme cultive le mystère, proposant de petites mélodies new wave de qualité portées par une voix basse qui n'est pas sans rappeler les grandes heures de la coldwave. C'est donc avec plaisir qu'on retrouvera Wagner en première partie du Trianon à Paris, et qu'on sera déçus de le voir "remplacé" par un DJ insipide à Bruxelles.

Goldfrapp maintenant. Un mot d'abord sur le décor, très goldfrappien. Comprendre : grandiloquent, d'un mauvais goût complètement assumé et argenté. Et comme Goldfrapp ne donne généralement pas dans la demi-mesure côté costumes (on se souvient des femmes animaux des débuts), eux aussi donnent dans le spatial et l'excentrique. Alison porte elle une tenue moulante noire pailletée, qu'elle complète de hauts différents, variant de la veste en bandes VHS folles, au costume de corbeau, en passant par le cupcake de tulle ou le boléro argenté. Argentés également les costumes de ses accompagnateurs, qui rappellent les années 80. Car bien que la chanteuse ait expliqué plusieurs années plus tôt que cette décennie ne faisait pas partie de ses préférences, l'album qu'elle présente avec cette tournée n'aurait pas eu l'air d'un ovni à cette époque. De quoi faire peur avant de prendre ses places même, sachant que l'album est difficilement écoutable dans son intégralité sans une légère nausée. Et pourtant ! Si Dreaming en troisième position dans la setlist ne convainc pas spécialement en live, Alive se révèle extrêmement entraînante et on se surprend à laisser ses préjugés au placard. Le miracle ne se reproduit certes pas avec Rocket, même si elle est un poil plus supportable en live, mais Believer est écoutable et Shiny & Warm juste diabolique. De quoi avoir envie de se jeter sur le live enregistré à l'O2 Academy de Bristol il y a peu et supplier tous ses contacts de nous fournir un bootleg décent.

La setlist pioche un peu partout dans les premiers albums, laissant un peu de côté le dernier, dont les morceaux prenaient un peu trop de place sur la tournée de 2007. Lassitude, probablement. Ainsi, on retrouve seulement Little Bird en rappel. Le concert débute sur Crystalline Green, ce qui place le spectateur dans l'ambiance voulue immédiatement. Là où le projet Goldfrapp s'était quelque peu englué dans un folk doucereux bon enfant (le cependant joli Happiness) qui avait certes enchanté toute l'intelligensia parisienne, le groupe revient vers l'electro. Seuls Lovely Head et Black Cherry font réellement baisser le rythme pour une parenthèse enchantée complètement délicieux. Le reste file à toute allure et la métaphore de l'espace suggérée par l'arrière-plan se revèle pertinente. Comme on pouvait s'en douter aux sonorités de Head First, ce sont donc des morceaux plus enjoués qui ont fait leur retour pour le plus grand bonheur des amateurs du genre. Ainsi de retour les fracassants Train ET Strict Machine ET Ooh La La pour le même prix ont déchaîné les trois salles. Même Number 1 et Ride On A White Horse obtiennent leur petit succès à Lille et Paris.

Côté public, ça ne chôme pas. Les morceaux sont connus, les arrangements appréciés et globalement les spectateurs se manifestent bruyamment, même s'ils sont en partie plus lents au démarrage à Lille et Bruxelles. Un peu exclusifs puisqu'ils vouent une attention sans limite à Alison, ignorant parfois un peu les pourtant excellents musiciens, dont la plupart l'accompagnent depuis des années. On ne peut cependant pas leur reprocher, la jolie blonde maîtrisant parfaitement les techniques pour capter l'attention, surveillant en parallèle de très près le moindre geste, d'où l'impression de froideur qui peut en résulter. Alison, dans sa surveillance active, distribue cependant les regards, là où certains réellement froids fixeraient le fond de la salle. Et finalement, nulle froideur dans les sourires qu'elle laisse échapper, aux paroles qu'elle adresse à chaque foule et aux petites attentions qu'elle peut porter. Maniaque du contrôle, certes, mais dotée d'un coeur et quand elle hurle "Come on !" sur Ooh La La, on sent qu'elle en veut même encore plus. C'est pour cela qu'on adressera une mention spéciale à Paris dont la foule condensée du Trianon a presque fait venir les larmes aux yeux de la chanteuse à force de distributions de marques affectives. Si tout fut parfait techniquement sur les trois, le show fut particulièrement impressionnant dans la capitale française et on ne peut que se ravir du cadre, à l'acoustique et la configuration idéales, qui ont joué pour beaucoup dans cette impression intimiste et chaleureuse non prévue au programme vu la setlist. Comme un strip privé, intime et sulfureux, le concert se déguste donc mieux en petit cercle et on espère que le groupe renouvellera l'expérience.

Pour voir Goldfrapp cette tournée, c'est un peu tard à moins de vous rendre en Irlande. Wagner sera en tout cas lui en concert le 19 février 2011 avec Cercueil à la Cave aux poètes de Roubaix.

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