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Xavier Dolan, Anne Dorval et Antoine-Olivier Pilon – Mommy

Xavier Dolan, Anne Dorval et Antoine-Olivier Pilon –  Mommy

Xavier Dolan, Anne Dorval et Antoine-Olivier Pilon Mommy Style : Drame Date de l’événement : 08/10/2014

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Cette semaine, Mommy sort sur les écrans, auréolé de son Grand Prix au dernier Festival de Cannes. Beaucoup considèrent déjà Xavier Dolan comme le dernier petit génie du cinéma mondial.

Il fallait d’ailleurs voir la folie qu’a engendrée sa venue à Lille et dans la Métropole : Six salles complètes, des reventes de tickets au marché noir paraît-il, une moyenne d’âge des spectateurs qui évolue autour des vingt-cinq ans, des jeunes filles qui enquêtent pour trouver où le jeune réalisateur dîne, etc... Il y a longtemps que nous n’avions vu un tel phénomène autour d’un réalisateur et de son film. Il n’y a pas à tortiller, quoiqu’on pense de son cinéma et de Mommy, Xavier Dolan est une rock-star !

Lille la Nuit a donc mis un point d’honneur à rencontrer le jeune prodige québécois, ainsi que son actrice fétiche Anne Dorval -connue notamment pour la série culte Le Cœur a ses Raisons- et le jeune comédien Antoine-Olivier Pilon, déjà aperçu dans la vidéo College Boy, du groupe Indochine, réalisée par Dolan lui-même. Dolan, Dorval et Pilon nous ont parlé de leur méthode de travail…

Synopsis : Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au cœur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.

C’est votre cinquième long métrage, vous êtes très jeune, et je voudrais savoir si le fait d’avoir déjà tourné cinq longs métrages, que vous avez tourné de manière rapprochée, signifie que le cinéma est une chose vitale pour vous ? Non pas au sens figuré mais vraiment au sens propre.

Xavier Dolan : Oui, au sens figuré et au sens propre, c’est absolument vital. On ne m’a jamais forcé à faire un film ou je ne me suis jamais conditionné à faire un film par an. Je les ai faits au rythme où je ressentais que j’avais besoin de les faire. C’est presque hygiénique, voire vital oui, le terme est bien choisi.

C’est la force de l’expression ?

Xavier Dolan : C’est le besoin de l’expression, le désir de l’expression. C’est ma vie, ma passion, ce n'est pas juste mon métier, c’est comme ça que je vis, mon style de vie. Filmer, écrire des histoires, les présenter…

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photo © AlexMarouzé/AMview.

 

Est-ce que pour vous Xavier, chaque film mérite une forme différente, et comment est-ce que vous avez trouvé la forme, la mise en scène de Mommy ?

Xavier Dolan : Oui, chaque film mérite une forme différente, chaque scénario semble appeler une forme. Pour J’ai tué ma mère c’était plus compliqué puisque j’avais très peu d’expérience, et je faisais instinctivement ce qui me paraissait être la bonne chose à faire pour toutes les scènes. Avec Les Amours Imaginaires, l’idée a toujours été de faire un film qui était comme un exercice de style. Donc la forme était claire depuis le début. C’était un film sur la forme. On m’a tellement reproché avec Les Amours Imaginaires de faire un film qui n’était aucunement substantiel, où la forme l’emporte sur le fond voire l’écrase. Moi je savais en même temps que c’était mon but pour Les Amours Imaginaires. Avec Lawrence Anyways, j’ai essayé de faire un amalgame des deux. Avec Tom à la Ferme qui est un scénario qui véhiculait une forme de tension, qui appelait un climat anxiogène, j’ai compris qu’il fallait mettre de côté les choses plus esthétisantes, plus esthétiques, qui couperaient le spectateur de son sentiment d’oppression auquel on voulait qu’il adhère. Des formalités esthétisantes à gauche à droite nous auraient distrait, auraient coupé le rythme du film, à des moments où on doit se concentrer sur un climat, pas sur un objet ou de l’affect. Et puis par rapport à Mommy, je pense que le scénario appelait une sorte de retenue quant au style, à certains moments. Parce que trop de style dans Mommy, trop d’affect, nous auraient détourné des personnages puis de l’histoire qui étaient vraiment notre priorité à tous les niveaux.

On voulait faire un film qui était près du cœur, touchant...
Xavier Dolan - Mommy

On voulait faire un film qui était près du cœur, touchant, et puis forcément les libertés formelles sont des distractions qui mettent en avant un chef opérateur, un réalisateur, un directeur artistique, un chef costumier, qui nous éloignent des personnages. Donc le but avec Mommy était d’homogénéiser tous ces départements en même temps, en se concentrant surtout sur les humains qu’on filme, en oubliant qu’on les filme. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des moments prescrits dans l’histoire pour proposer certaines choses visuellement en matière de mise en scène, mais le but était de trouver l’équilibre. Et puis, j’essaye de plus en plus de faire un cinéma narratif et non pas technique ou formel. Donc oui, chaque film et scénario a son style et sa forme. Oui, il y a des choses qui reviennent, qui sont récurrentes c’est sûr. Mais quand les gens disent qu’il y a un style unique pour ces cinq films, une signature, je ne sais pas exactement s'ils ont regardé attentivement ces films avec autant de rigueur avec lesquels moi j’ai pu les regarder en les montant, en les préparant, en les pensant, en les réfléchissant… Parce que je me dis, ce sont des styles qui d’un point de vue stylistique, sont tous assez différents les uns des autres.

Antoine-Olivier, j’aimerais bien savoir comment si jeune, vous avez pu endosser sur vos épaules un personnage aussi complexe, fouillé, énergique que celui de Steve, et aussi destructeur également ?

Antoine-Olivier Pilon : Premièrement, je dirais que j’ai couru après un personnage comme celui-là. C’était ma volonté de faire autre chose que ce que j’avais fait avant. Je n’ai pas eu à prendre de cours, je n’ai pas eu à m’entraîner pour pouvoir supporter le rôle comme vous dites. C’est tout simplement Xavier qui me propose le rôle, et cela concordait exactement avec ce que je voulais faire. Et puis j’ai suivi Xavier, je n’ai pas posé de questions, j’avais confiance en lui, j’avais déjà travaillé avec lui, donc je savais que je n’avais pas à avoir peur, à le redouter ou peu importe. Je me suis juste laissé abandonner à son travail.

Mais vous avez fait des recherches concernant ces troubles ?

Antoine-Olivier Pilon : Non, du tout. J’avais demandé à Xavier si on allait aller dans des centres pour rencontrer ou observer le comportement des jeunes qui ont des problèmes comme Steve, mais non, on n’a pas fait de recherches.

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Anne Dorval, Xavier Dolan et Antoine-Olivier Pilon. photo ©AlexMarouzé/AMview.


Justement, en ce qui concerne le travail de l’acteur, que signifie pour vous la notion de directeur d’acteurs ? Est-ce que cela existe ou est ce que c’est un mythe ?

Antoine-Olivier Pilon: Non cela existe. J’avais demandé d’ailleurs à Xavier si j’allais avoir un coach d’acting que j’avais eu sur les autres projets que j’avais faits avant. Souvent, c’est pour les jeunes acteurs. Les réalisateurs ne peuvent pas toujours être autour de leurs jeunes comédiens, donc ils vont engager ce que j’appelle les anges gardiens des jeunes comédiens. Ils font en sorte que les enfants soient justes, qu’ils ne jouent pas trop,  ils s’occupent d’eux quand ils ont besoin de quelque chose. Et aussi pour ne pas que les parents soient sur le plateau de tournage, dans les pattes du réalisateur. Donc j’ai demandé à Xavier si j’allais avoir un coach sur ce tournage, et il m’a dit que ça allait être lui.

Xavier Dolan : Mais de toute manière Antoine, sans prétention par rapport aux projets sur lesquels j’ai travaillé, je ne comprends pas comment le métier de réalisateur peut être dissociable du métier de directeur d’acteurs. Et c’est ce qui fait que je n’aurais jamais pu travailler avec Marilyn Monroe (Marilyn Monroe, très peu sûre d’elle, ne se séparait jamais de sa coach personnelle et confidente, la très envahissante Paula Strasberg-NDR). De toutes manière, ça ne sert à rien de se poser la question... (Rires dans la salle)

Il faut quasiment avoir été acteur pour être capable d’en diriger.
Anne Dorval - Mommy

Anne Dorval : Il faut quasiment avoir été acteur pour être capable d’en diriger. Il y a peu de réalisateurs qui sont d’anciens acteurs, il y en a, mais pas tant que ça. Moi je me suis fait diriger par certains réalisateurs mais je vois bien qu’ils sont mal à l’aise, et puis je ne comprends pas souvent. Ils n’arrivent pas à communiquer ce qu’ils ont en tête. Il faut être précis, savoir ce qu’on veut aussi, savoir comment parler à un acteur, il n’y a pas un acteur qui est pareil. Mais quand on s’est déjà mis dans la peau d’un acteur, pour sentir à quel point il est vulnérable sur un plateau, c’est difficile aussi de s’abandonner. Il faut avoir une très grande confiance. Mais si on ne sait pas où le réalisateur s’en va, si lui-même n’est pas capable de dire ce qu’il attend de nous, c’est très difficile de lui donner. Et ça n’existe pas une école de direction d’acteur.

La pression n’est pas supplémentaire du fait que Xavier soit également comédien ?

Anne Dorval : Ça lui donne ce grand talent de directeur d’acteurs que d’autres n’ont pas aussi. Ce n'est pas juste parce qu’on est amis que la confiance est installée, c’est parce qu’il nous dirige intelligemment. A la seconde, il regarde tout ce qu’on ne voit pas nous, quand on est en train de jouer, dans son petit moniteur. Il voit tout. Des fois, c’est très technique, c’est « fais un pas à gauche, on va mieux te voir, tu tombes dans la lumière, on va mieux voir ton expression ». Des fois, on a des longues conversations, mais parfois ce sont des détails qui déclenchent quelque chose, qui nous poussent, qui nous donnent un élan, qui fait qu’on se sent libre tout à coup d’explorer d’autres ondes que lui peut-être même n’avait pas prévu, mais qui amènent la scène ailleurs pour le meilleur ou pour le pire, ça se peut que ça ne soit pas bon. Je pense que c’est ce qu’il préfère.

Retrouvez la critique de Mommy par Grégory Marouzé.

Entretien Grégory Marouzé. Retranscription de l’entretien Rémi Ménart.

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