Autant vous épargner un suspense intenable : "pourquoi "la Danse du Chien" ?" vous demandez-vous. La réponse tient en un jouet musical où l'on entend un chien aboyer en rythme sur la chanson. Cette explication faite, passons aux choses sérieuses. La Danse du Chien n'en est pas à son coup d'essai. Sévissant depuis onze ans, essentiellement à travers la scène, ils avaient livré en 2006 un premier opus autoproduit : JazzPunkCircus ou quatorze titres jazz rock situés quelque part sur une frontière improbable entre Tom Waits, Sonic Youth et Sinatra. La pochette de Black Painted Bones, les souvenirs d'un spectacle de cirque, place l'album dans la continuité de ce projet.
Le concept musical est proche : une place prépondérante accordée au jazz (Got Got A Mistress, croisement entre Elvis et le jazz, ou Nicole qui lorgne vers la bossa-nova), dans un rock aux influences multiples, teinté de soul et de musique manouche, en somme un album qui semble avoir été enregistré il y a des décennies aux Etats-Unis. Alors, quoi de neuf à l'horizon ? La réponse est simple : une rage et une malice exacerbées.
On entre facilement dans ce nouvel opus, pour peu qu'on soit un peu sensible à la voix rauque d'Eric Letinier-Simoni, à travers Chevrotine, blues chaud à la Johnny cash. L'album est conceptuel : si La Danse du Chien s'est formé autour d'un projet de bande son, Black Painted Bones donne également une impression cinématographique. Impression confirmée par la présence d'un titre comme Domino : rien à voir avec Van Morrison mais tout avec Domino Harvey, dont le biopic est sorti en 2005 et où le credo de cette chasseuse de prime était déjà mis en exergue : "heads you live, tails you die".
Du cinéma aussi avec ces drôles d'interludes instrumentaux bricolés : Love song au piano, Piano Love Song comme reprise avec non pas un piano cette fois - comme ne l'indique pas le titre - mais des sons évoquant un glockenspiel. Les interludes sont parfois dialogués : Girls Girls Girls ou encore The Old Man, complainte parlée à mourir de rire - avec musique en arrière-plan – où un vieil homme saoul évoque sa rencontre avec une fille dans un bar. A l'instar du cirque, le disque passe ainsi par des histoires cocasses, avec Poney ou le blues Black Painted Bones justement :
"He's stinky when he's wet
He don't play no trumpet
His two folks are Peggy Sue
And a plastic kangaroo
Is that a man ?".
Impossible de s'ennuyer : le groupe confirme sa tendance à lorgner vers des univers multiples, de préférence peu explorés et bizarres, verve brutale à l'appui. Si Underground se fait mélancolique ("I feel pain through my veins / I feel rage against my friends / And I cry / And I pray / For his soul / To be saved"), c'est le cynisme qui prévaut (Neighbors ou la haine cordiale envers ses voisins, ou encore le cancer du poumon à travers Smoke), dans cet univers très visuel où l'humour oublie tout premier degré et se fait sombre : "I've got to kill people that I can't bear".
Retrouvez La Danse du Chien en concert à la Maroquinerie (Paris) le 19 septembre.