Une Belle Fin : Un film fort, bouleversant, qui rend heureux, par le producteur de The Full Monty

Synopsis : Modeste fonctionnaire dans une banlieue de Londres, John May se passionne pour son travail. Quand une personne décède sans famille connue, c’est à lui de retrouver des proches. Malgré sa bonne volonté, il est toujours seul aux funérailles, à rédiger méticuleusement les éloges des disparus… Jusqu'au jour où atterrit sur son bureau un dossier qui va bouleverser sa vie : celui de Billy Stoke, son propre voisin.

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Eddie Marsan bouleverse, émeut, étonne dans le rôle de John May ! La marque des plus grands.

 

Critique : Il est des films qu’on ne voit pas venir, qu’on découvre et qui vous cueillent. C’est sans doute ce qui est arrivé à bon nombre de spectateurs qui ont pu voir Une Belle Fin de Uberto Pasolini, lors d'avant-premières.

Une Belle Fin raconte la trajectoire de personnages simples, pétris d’humanité, qui se transforment au fur et à mesure de la progression du récit. Les protagonistes d'Une Belle Fin ne sont, certes pas, des super héros ; mais d’une certaine façon, ils ont une vie extraordinaire.

La force du deuxième film de Uberto Pasolini - après un premier long : Sri Lanka National Handball Team - c’est de se pencher sur le quotidien de gens modestes, de raconter leur existence avec toute la bienveillance, le respect, l’attention qu’ils méritent.

Uberto Pasolini, comme son nom ne l’indique pas, est le neveu du grand cinéaste et metteur en scène italien Luchino Visconti. Il est de surcroit l’heureux producteur de l’un des plus grands succès de la comédie britannique, The Full Monty de Peter CattaneoPour l’avoir rencontré en novembre 2014 lors du dernier Arras Film Festival, nous pouvons vous dire que Uberto Pasolini correspond tout à fait à son film. Il possède un humour very british (Pasolini vit à Londres) et la truculence qu'on prête souvent aux italiens (il est natif de Rome). On sent que son rire dissimule des trésors de tendresse.

Et cela fait du bien ! Oui, cela fait du bien car on croise de temps à autres, il faut bien le dire, des cinéastes qui ressemblent assez peu aux films qu’ils réalisent. Du genre : « Je fais des films sociaux avec de beaux discours, mais je n’ai jamais mis les pieds ailleurs que dans le XVIème arrondissement de Paris ».  Ce qui est tout de même un peu énervant…

Pas de cela avec Uberto Pasolini qui, s’il a la probité intellectuelle d’avouer qu’il n’a pas la même générosité que son personnage principal, John May, reconnaît qu’il a été touché, intéressé par les employés des pompes funèbres après avoir lu un article qui leur était consacré. Pour écrire son scénario il enquête, rencontre des travailleurs de cette profession, assiste à plusieurs enterrements.

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John May : Un petit homme à la profession étrange et dont on suit la dernière "mission".

 

On sent que Uberto Pasolini a vraiment bossé le sujet car tout sonne juste dans Une Belle Fin. A commencer par son personnage principal, incarné par un acteur que vous avez déjà très certainement vu au cinéma - dans Be Happy, de Mike Leigh ou Le Dernier Pub avant la Fin du Monde de Edgar Wright par exemple - : Eddie Marsan. Eblouissant dans chacun des rôles qu’il incarne, Marsan est le type même de l'acteur si charismatique qu’on se focalise sur son physique, sa diction, sa manière de bouger, son jeu. Du coup, on finit par en oublier son nom ! Au contraire de beaucoup d’acteurs un chouïa narcissiques, il s’efface tellement au profit de son personnage, qu’on fait totalement abstraction que ce dernier est incarné par un comédien. Il va pourtant bien falloir dès à présent se souvenir de lui !  En interprétant ce petit bonhomme bizarre, un peu terne, à la profession étrange, aux motivations mystérieuses - dont on suit la dernière "mission"-  et qui va se révéler petit à petit, Marsan trouve son plus beau rôle au cinéma.

Le choix des comédiens, c’est déjà le début de la mise en scène. Vu que Uberto Pasolini a choisi aux côtés de Marsan une actrice merveilleuse, Joanne Froggatt - vue dans la série Downtown Abbey - pour incarner Kelly Stoke, on se dit que le Monsieur est plutôt doué. La rencontre entre les deux comédiens fonctionne du feu de Dieu et permet un équilibre parfait entre émotion, humour et poésie.

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Joanne Froggatt et Eddie Marsan : deux "Rolls" devant la caméra de Uberto Pasolini.

 

Mais la mise en scène, c’est également les cadrages, le découpage, les angles de prises de vues. Sachant qu’il est en train de filmer deux comédiens exceptionnels (est-il besoin de préciser que les acteurs britanniques sont parmi les meilleurs au monde ?) Uberto Pasolini leur fait confiance. Quand on a deux « Rolls » devant sa caméra, on a certainement envie de les laisser s’exprimer, s'épanouir, "exister", en évitant tout artifice de réalisation. La mise en scène de Pasolini ne s’embarrasse pas d’une esthétique ostentatoire.  Et c’est tant mieux ! Tout juste peut-on remarquer que la colorimétrie de la photographie évolue au fur et à mesure de la transformation de John May.

Le sujet y est sans doute aussi pour beaucoup. Le cinéaste joue sur du velours. Aborder le thème de la mort aujourd’hui, au cinéma comme dans la vie, est un sujet délicat. La société occidentale occulte la mort. Nous avons peur de nous confronter à notre propre finitude. Petit à petit, nous faisons disparaître de notre esprit que la mort fait également partie de la vie. La mort est devenue un sujet tabou. Tout comme la solitude, qui est l'autre grand thème du film.

Et quand on se décide à filmer de tels sujets, on se doit bien évidemment de faire preuve d’humilité, de finesse. Il faut trouver le juste équilibre. Uberto Pasolini, qui est aussi un cinéphile, s’est souvenu avec beaucoup de modestie des leçons des grands cinéastes japonais - Ozu, pour ne citer qu'un exemple - qui plaçaient, comme on dit, leur caméra au raz du tatami. Peu ou pas de mouvements d'appareils dans Une Belle Fin. Mais ce choix de réalisation n’est en rien rébarbatif car il y a de la vie dans les cadres de Uberto Pasolini.

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Des plans fixes, inspirés des grands cinéastes japonais, pour atteindre l'épure.

 

A aucun moment, on ne se rend compte que la caméra ne bouge pas. Aucune sécheresse ne se fait ressentir dans le film. Il fallait bien cette rigueur, ce refus de l’esbroufe, pour que le spectateur se sente à l’aise, ait l'envie de suivre et accompagner ces deux beaux personnages jusqu’à la fin du métrage.

Une Belle Fin a reçu le Prix du Meilleur Réalisateur dans la section Orizzonti de la dernière Mostra de Venise. Juste récompense pour un cinéaste qui a compris que l’émotion ne passe pas forcément, et heureusement, par le biais d’une musique qui fait pleurer Margot et des ralentis foireux. Quand on est un artiste doué et sensible, on se déleste souvent - et à raison - du superflu pour atteindre une certaine épure. Comme le dit le grand écrivain japonais Junichirô Tanizaki dans son indispensable Eloge de L'Ombre : l'obscurité dévoile davantage que la lumière.

Courrez voir Une Belle Fin (transposition française assez fine de Still Life, le titre original) : vous ne verrez pas de plus beau film cette semaine. Loin d’être mortifère, cette oeuvre est au contraire une juste célébration de la vie. On en sort heureux et ragaillardi. Chapeau bas Maestro Uberto Pasolini !

Affiche, photos et film-annonce © Version Originale / Condor

UNE BELLE FIN de Uberto Pasolini. Avec Eddie Marsan, Joanne Froggatt, Karen Drury, Andrew Buchan  Musique: Rachel Portman
Durée : 87 minutes Sortie le 15 avril 2015

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