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Un monstre à mille têtes : Un grand thriller à l’américaine qui vient du Mexique !

Synopsis : Dans une tentative désespérée d’obtenir le traitement qui pourrait sauver la vie de son mari, Sonia Bonet part en lutte contre sa compagnie d’assurance aussi négligente que corrompue. Elle et son fils se retrouvent alors pris dans une vertigineuse spirale de violence. Un animal blessé ne pleure pas, il mord.

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Un monstre à mille têtes : quand les moins favorisés décident de ne plus se laisser faire.


Critique :
Et si Lille La Nuit vous proposait cette semaine de faire un voyage du côté du cinéma mexicain ? Nous nous disons que c’est plutôt une bonne idée tant la production mexicaine - qui n’est pas la plus visible dans nos salles, on est d’accord - est depuis longtemps l’une des plus secouantes qu’on puisse voir. Il suffit de remonter aux films de Luis Buñuel (cinéaste d'origine espagnole), qui étaient souvent des charges d’une violence inouïe contre la bourgeoisie, pour s'en convaincre.

De violence, il en est également question dans le cinéma de Rodrigo Plá. A première vue, les films de ce réalisateur - né en 1968 au Paraguay  - n’ont que peu de rapports avec le cinéaste de Los Olvidados.

Pourtant, lorsqu’il réalise La Zona en 2007 - voyez absolument ce film, vous ne le regretterez pas -, Rodrigo Plá signe comme Buñuel une œuvre forte sur des gamins déshérités de Mexico. On se souvient encore de ce film coup de poing dans lequel trois gosses se retrouvent pris au piège des habitants d’une cité résidentielle pour riches après un cambriolage qui a mal tourné. La Zona est un thriller politique et social, à la mécanique d’une efficacité redoutable, proche d’un genre qu’on appelle le survival.

Plá revient aujourd’hui sur nos écrans avec son quatrième long-métrage Un monstre à mille têtes. Ce qui fait d’emblée plaisir c’est que le réalisateur n’a rien perdu de son efficacité, ni de sa volonté de traiter des injustices sociales les plus scandaleuses par le biais d’un cinéma de genre que nous aimons tant à Lille La Nuit.

Dans Un monstre à mille têtes, il dénonce - mais c’était déjà le cas avec La Zona -  les aberrations d’une société et d’un modèle ultra capitaliste qui font que, chaque jour,  les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches.

L'histoire de Un monstre à mille têtes tient en quelques lignes. Elle est simple, va droit au but. Il y est question d’une femme qui va se révolter car elle se voit refuser par son assurance la somme nécessaire pour payer le traitement de son mari atteint d’un cancer. Mais si l'histoire est simple cela ne veut dire en aucun cas qu'elle est simpliste.

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Rodrigo Plá : un cinéaste aux films intelligents et percutants !


Rodrigo Plá:
" En mêlant plusieurs points de vue, nous avions la possibilité d’enrichir notre histoire. nous avions l’impression que si nous nous limitions au regard du personnage principal, le film ne rendrait compte que d’une seule opinion et empêcherait la survenance de tout conflit éthique. Au contraire, la multiplicité des points de vue permettait de prendre de la distance par rapport aux vicissitudes et aux émotions de Sonia Bonet tout en offrant plus de latitude dans l’interprétation de ses faits et gestes. De plus, nous aimons à penser que ce que nous sommes, ce que chacun de nous est, dépend de la manière dont les autres nous voient. Ce sont les autres qui nous définissent comme sujets. C’est de là que nous est venue l’idée de jouer avec des miroirs, qui non seulement reflètent mais distordent notre regard forcément subjectif sur le personnage principal. Cela permet de laisser plus de place à l’empathie, mais aussi à la peur et au rejet en fonction du vécu de chaque personnage qui croise la route de cette femme." *

Plá n’est pas cinéaste à faire pleurer Margot. Il ne nous livre pas un sous-mélo des familles tendance TF1 mais bel et bien un film brut de décoffrage, qui utilise le véhicule du thriller pour livrer une charge radicale contre le monde globalisé.

D’ailleurs, Plá a l’intelligence de réaliser son film comme s’il s’agissait d’un thriller à l’américaine - image "métallique", plans de ville et architecture qui semblent citer Michael Mann -. Ça va vite, ça parle vite, c’est rentre-dedans, ça secoue, ça détonne ! Si on n’entendait pas la langue espagnole dans Un monstre à mille têtes, s’il n’y avait certains décors et les acteurs, on pourrait penser que ce film a été réalisé en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en France, au Japon ou ailleurs… Ce n’est pas un défaut. Ainsi, on se sent tous concernés par l’histoire qui pourrait se dérouler n’importe où sur la surface du globe.

Rodrigo Plá, montre un Mexique qui s’uniformise, perd peu à peu sa culture et ses particularités, à l’image d’autres pays prenant comme unique modèle une certaine culture de "masse" en provenance des Etats-Unis. Sous le thriller, se dissimule une charge sociale radicale qui n’est pas sans faire penser au Starship Troopers de Paul Verhoeven. Dans un tout autre genre cinématographique (la science-fiction), ce film montrait un Buenos Aires ayant perdu toutes les caractéristiques de l’Argentine et dont les héros semblaient sortir d’une caricature de soap opéra américain.

Un monstre à mille têtes garde tout de même - comme on l’a dit - la langue espagnole de ses personnages principaux. Et Plá n’est pas allé jusqu’à choisir des acteurs ressemblant à Ken et Barbie comme l’avait fait Verhoeven. Mais son discours, bien que moins ironique, n’en est pas pour autant moins fort.

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Jana Raluy joue avec une force, une colère, une énergie, une émotion sidérantes.


Une des grandes qualités du film c’est son actrice principale : Jana Raluy.
Elle interprète le rôle de Sonia Bonet avec une force, une colère, une énergie, une émotion sidérantes. Elle tient tout le film sur ses épaules. Bien sûr, la mise en scène de Plá est travaillée - le cinéaste joue beaucoup avec les retours vidéo et images de vidéosurveillance - mais ce qu’on retient avant tout c’est la performance physique de l'actrice.

Rodrigo Plá: "Le casting a pris beaucoup de temps, et bien qu’il y ait des gens qui puissent le faire sans que je sois là, je pense en tant que cinéaste que c’est fondamental d’y participer, d’autant que j’aime ce travail. J’ai besoin de rencontrer les comédiens qui donneront corps à nos histoires, de travailler avec eux, même sur une courte période, afin de comprendre leur manière de penser, de voir s’ils sont suffisamment imaginatifs, s’ils sauront répondre à mes directives, etc. Cette étape se transforme généralement en une sorte de laboratoire d'idées, les scènes sont mises bout à bout pour la première fois, nous testons les dialogues tandis que les comédiens improvisent, ce qui est très important pour moi. Jana Raluy est une comédienne de théâtre. nous avions eu la chance de la voir sur scène il y a quelques années, et nous gardions encore en mémoire cette incroyable énergie qu’elle dégageait. Quand nous avons démarré nos recherches, nous l’avons contactée et cela ne faisait aucun doute qu’elle était la bonne personne pour incarner cette mère de famille. Elle a cette étrange capacité à jouer sur une très large palette d’émotions." *

On retient aussi la courte durée de Un monstre à mille têtes : 1h14 ! Cela peut paraître court sur le papier mais il s’agit de la durée idéale pour ce long-métrage. Un monstre à mille têtes se souvient de la force des grandes séries B américaines (compliment) qui savaient dire beaucoup de choses en un minimum de temps. Pas de gras dans le film de Rodrigo Plá. Et cela fait un bien fou à l’heure où les films que nous découvrons chaque semaine dans les salles obscures atteignent parfois des durées qui vont au-delà du raisonnable (2h33 pour Batman vs Superman : on croit rêver !).

Un monstre à mille têtes n’est sans doute pas le film qui fera le plus d’entrées cette semaine au cinéma. Raison de plus pour vous précipiter dans les salles et voir ce thriller qui prend aux tripes !

Un Monstre à Mille Têtes
Un film de Rodrigo Plá
Scénario : Laura Santullo
Avec : Jana Raluy et Sebastian Aguirre
Genre : Drame/Thriller - Mexique
Sortie en salles le 30 Mars 2016

Un Monstre à mille têtes a reçu à juste raison le Prix du Jury 2015 du Festival du Film d'Amérique Latine de Biarritz

Film-annonce, affiche et photos © Memento Films

* Propos issus du dossier de presse du film

 

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