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« Phantom Thread » : Paul Thomas Anderson filme la mode, l’amour, ses cruautés et Daniel Day-Lewis dans son dernier rôle

Comment l'Actu Ciné de Lille La Nuit aurait pu ne pas aborder Phantom Thread, le dernier long-métrage de Paul Thomas Anderson ? D’autant plus qu’il est interprété par Vicky Kieps (quelle révélation !) et Daniel Day-Lewis dans ce qui serait le dernier rôle de sa carrière. Dans Phantom Thread, Paul Thomas Anderson filme la mode, la création, une époque révolue, l'amour et ses cruautés sur une musique de Jonny Greenwood de Radiohead. Critique de Phantom Thread, par Lille La Nuit.

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson : Daniel Day-Lewis et Vicky Kieps donnent tout au réalisateur de Magnolia.

Critique de Phantom Thread

Paul Thomas Anderson est un cas à part à Hollywood. Il fait partie de ces rares cinéastes qui peuvent encore réaliser les films qui leur tiennent à cœur. On imagine mal Paul Thomas Anderson accepter une commande (si brillante et intéressante soit-elle).

Anderson n’est âgé que de 47 ans mais a déjà signé Magnolia, Punch Drunk Love, There will be blood, (première et géniale collaboration avec Daniel Day-Lewis). Si le réalisateur a quelque peu déçu avec The Master (pourtant passionnant à bien des égards), s’il a franchement énervé avec Inherent Vice (tentative stérile de renouveler le film noir sous l’influence de Robert Altman), il n’en demeure pas moins un vrai et grand cinéaste.

Combien sont les cinéastes américains à avoir pu imposer leurs visions de cinéma dans le système des studios ? On pense à Kubrick (qui s’était exilé près de Londres) et quelques autres. Mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Même Erich Von Stroheim, Orson Welles et Michael Cimino furent brisés. Le cas Paul Thomas Anderson fait figure de quasi exception.

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson : Le cinéaste sait-il qu'il est en train de tourner un chef-d’œuvre ?

Le portrait d’un homme complexe, maniaque, autoritaire, insupportable

Dans Phantom Thread, Anderson ausculte la haute société anglaise des années 50. Il nous livre le portrait d’un homme sombre, complexe, maniaque, autoritaire, insupportable : le couturier Reynolds Woodcock. L’artiste vit seul avec sa sœur Cyril. Rien ne peut le détourner de son art, de son travail, de ses créations. Il est un démiurge, un génie contrarié, admiré de tout le gotha britannique. Mais un jour l’amour vient frapper à la porte. Elle s’appelle Alma, est de condition modeste. Son arrivée va tout chambouler…

Bien sûr, nous sommes tentés de voir dans Phantom Thread un portrait en creux de Paul Thomas Anderson et de sa vie d'artiste. Daniel Day-Lewis incarne (nous sommes bien davantage dans l’incarnation que l’interprétation avec cet acteur de génie) un personnage aux multiples facettes, inspiré du couturier Balenciaga.

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson : Daniel Day-Lewis dans le dernier rôle de sa carrière est une fois de plus magistral.

Phantom Thread est une description quasi chirurgicale du couple

Si l’on est tenté de voir également en Reynolds Woodcock une biographie déguisée de Day-Lewis et de son perfectionnisme légendaire, si l’on perçoit la dimension tragique, humoristique, cruelle et satirique du milieu de la mode, de la haute société - le film est souvent très drôle -, Phantom Thread est avant tout une description méticuleuse, quasi chirurgicale du couple.

Sous le regard et la caméra de Anderson - l’un des derniers cinéastes avec Christopher Nolan et Quentin Tarantino a refuser le numérique pour tourner en pellicule -, Phantom Thread est une brillante étude de l’amour, de ses joies - rares dans le film - et de ses cruautés.

Si Magnolia faisait référence au Short Cuts de Robert Altman, Phantom Thread évoque davantage les grandes œuvres noires de Ingmar Bergman sur le couple.

Jusqu’où peut-on aller par amour ? Qu’est-on prêt à accepter par amour ? Doit-on s’avilir par amour ?

Anderson pose des questions mais se garde bien de porter un regard moralisateur sur ses personnages. Il ne les juge pas. D’autant qu’il les aime. Passionnément !

En revanche, on ne le sent jamais dupe. Phantom Thread n’est pas une romance à l’eau de rose.

Anderson donne des coups de griffes, décrit une relation ambiguë et toxique. Reynolds et Alma Woodcock jouent à un jeu cruel, stratège et pervers. Et si l'amour s'épanouit, il ne peut le faire que dans une forme de sadomasochisme.

Tous les 50 Nuances de Grey de l’univers ne peuvent rivaliser devant Phantom Thread. Ces bluettes conservatrices et réactionnaires pour desperates housewives font pâles figures devant la dernière réalisation de Anderson.

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson : Sous la beauté glacée du film se dissimule un conte pour adultes implacable, aussi drôle qu'effrayant.

Jonny Greenwood de Radiohead signe la musique du film

Sous la beauté glacée de la photographie de Paul Thomas Anderson (il la signe en personne), une direction artistique exceptionnelle (quel travail sur les costumes et décors !), la musique envoûtante de Jonny Greenwood - quatrième collaboration du musicien de Radiohead avec le cinéaste après There will be blood, The Master et Inherent Vice -, Phantom Thread dissimule un conte pour adultes implacable, aussi drôle qu'effrayant.

Phantom Thread est une œuvre d’esthète qui a le courage d’offrir une vraie proposition de cinéma, a l'audace de respecter l’intelligence des spectateurs sans jamais oublier de les divertir.

Ainsi, la relation de Reynolds Woodcock et de son épouse Alma est un duel psychologique raffiné (on pense souvent au Hitchcock de la période british). On ne peut jamais deviner comment va évoluer leur relation. On se gardera bien de vous le dire…

Voyez Phantom Thread pour l'ultime interprétation de Daniel Day Lewis, la magnifique Vicky Kieps (quelle actrice !), l’élégance de la mise en scène de Paul Thomas Anderson, l’intelligence de son script. Voyez Phantom Thread car c’est du grand, très grand cinéma. Allez, on lâche le mot : Chef-d’œuvre !

Synopsis : Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa sœur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson
Avec Daniel Day Lewis, Vicky Kieps, Lesley Manville, ...
Musique : Jonny Greenwood

Durée : 2h11
Sortie le 14 février 2018

Affiche, photos et film-annonce © Universal

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