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« Je suis mort mais j’ai des amis » : Ciné punk-rock à la belge !

Synopsis : Quatre rockeurs barbus, chevelus — et belges — enterrent le chanteur de leur groupe. Par amitié et pour se prouver que rien ne peut les arrêter, ils décident de partir en tournée à Los Angeles avec ses cendres. La veille du départ, un militaire moustachu se présente comme l’amant de leur ami. Leur voyage prend un tour pour le moins inattendu...

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Je suis mort mais j'ai des amis : attention, ça va chauffer !

 

Critique : A Lille La Nuit, tout comme vous, on aime le rock ! On aime aussi les œuvres d’inspiration rock ! C’est le cas du film complètement barré - mais pas seulement - que nous vous proposons de voir cette semaine dans les salles obscures : Je suis mort mais j’ai des amis ! Le titre est déjà à lui seul tout un programme, mais vous pouvez nous croire le film est bien pire (compliment) !

Réalisé par Guillaume et Stéphane Malandrin – deux frères déjà auteurs d’un thriller avec Cécile de France, en passe de devenir culte et au titre déjà bien perché : Où est la main de l’homme sans tête ? Je suis mort mais j’ai des amis est un véritable objet filmique non identifié.

Pour ne pas vous mentir, on va avoir du mal à qualifier ce film tant il refuse les étiquettes. Essayons tout de même : Les Malandrin, qui sont des cinéphiles au sens le plus large, réalisent un film qui se situe au croisement de l’humour grolandais et de celui des ZAZ (Zucker-Abrahams-Zucker). Ils s’engouffrent également dans un humour de mauvais goût digne de John Waters. Mais leur long métrage est également un road movie que ne renierait pas les frères Coen, une chronique des gens de peu à la Kaurismäki, une comédie italienne alliant comédie et tragédie. De plus, les cinéastes sont parisiens mais habitent à Bruxelles. Du coup, leur film est contaminé par un humour belge surréaliste que ne renierait pas Jan Bucquoy.

Sauf que, citer toutes ces références, et en faire le catalogue, ce n’est peut-être pas franchement rendre service au film qui, il faut le comprendre, contient son propre univers, son rythme, et donc, ne ressemble à aucun autre. En fait, le mélange de toutes ces inspirations cumulées à la personnalité des Malandrin, cela donne une des bizarreries les plus sympathiques vues depuis un sacré bail au cinéma.

Car si influences conscientes ou inconscientes il y a – allez, on en cite encore une ou deux : The Blues Brothers, This is Spinal Tap – nous sommes en présence d’un film signé par deux réalisateurs qui ont le talent d’avoir su les digérer pour se forger un monde qui leur est propre.

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Avec Bouli Lanners c'est La chevauchée sauvage version punk !

 

Si le film, n’est pas à proprement parler un long-métrage sur le rock – c’est bien plus un film rock, comme on l’a dit – il n’en contient pas moins beaucoup de musique punk et de scènes de live, extrêmement bien fichues. Souvent les séquences de clubs, boîtes, concerts sonnent totalement bidon dans les films. Les Malandrin ont le bon goût de nous épargner cette torture !

Oui, torture ! Car tout amateur de musiques ou de concerts ressent une véritable gêne, un malaise, quand il découvre un film dont le réalisateur se contrefiche de la façon dont il doit filmer la musique. Ça se voit du premier coup d’œil. Et c’est sans doute à cause de choix de réalisation totalement inadaptés. Pourquoi, par exemple, éclairer un petit concert rock qui se situe dans une salle minuscule comme s’il se déroulait dans un Bercy plein à craquer ? Evidemment, ça fait tout de suite tâche et le film perd immédiatement en crédibilité. Aucun risque de rencontrer ce souci dans le film des Malandrin : tous les passages live sont extrêmement bien pensés, filmés, éclairés, montés. On s’y croirait.

Cela dit, dans Je suis mort mais j'ai des amis le rock est avant tout une toile de fond pour traiter de sujets profonds, essentiels, qui nous intéressent tous : l’amitié, l’amour, le droit à la différence (sans jamais donner de leçon, surtout pas), le choix d’une vie qui va à l’encontre des canons souhaités par une société formatée, la mort…

Tout cela pourrait être bien grave, lourd, suffocant si les Malandrin n’avaient l’élégance de toujours faire preuve d’humour et de tendresse.

Ils sont aidés en cela par des comédiens remarquables et qu’on ne présente plus : Bouli Lanners (l'un des meilleurs acteurs au monde : voilà, c'est dit), Wim Willaert - vu dans Quand la mer monte de Yolande Moreau et Gilles Porte - et le trop rare Serge Riaboukine. Nous ne citons que trois comédiens, et c’est un peu injuste car tous sont prodigieux tant ils se révèlent capables de jouer sur la corde raide qui sépare la fantaisie de l’émotion.

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Je suis mort mais j'ai des amis : Drôle, insolent, libre et tendre !

 

Ce qu’on apprécie dans ce film, qui n’a pas beaucoup était soutenue par la France, si on excepte le distributeur-producteur Happiness, c’est qu’il dresse des portraits de personnages hauts en couleurs, ou présente des protagonistes qui sortent légèrement du « cadre » de la société bien-pensante, mais sans jamais se lancer dans des explications de texte du genre : « Le bonhomme est comme cela car il a vécu tel événement dans sa vie ». Le type est comme cela, point ! Pas de psychologisme à la con, point de grosses explications surlignées au stabilo. D’ailleurs ça a quelques peu gêné certains membres de commissions en charge de financer le cinéma. Notamment en ce qui concerne le personnage de Dany – incarné par Lyèz Salem – qui ne pouvait pas être à la fois pilote de l’air, arabe et gay (vous comprenez, c’était charger un peu la mule). Sauf que pour les Malandrin : Il peut ! Il est comme ça et puis c’est tout !

On aime cette liberté de ton, ce refus d’aller à l’encontre des clichés du personnage chargé de représenter un caractère, une communauté, une religion ou autre chose. Le type est un être humain, point ! Il n’est pas un tract politique. Ses origines sociales ne sont pas là pour défendre une cause comme dans beaucoup de films.

Il y a aussi dans Je suis mort mais j'ai des amis, une critique de la musique business et d'une société qui nous fait croire que la merde a bon goût. Pour vous donner une petite idée, on a retenu ce dialogue :

Comment ça se fait qu'un mec qui fait une musique de plus en plus merdique, gagne de plus en plus de pognon ?

Je suis mort mais j'ai des amis

- "Comment ça se fait qu'un mec qui fait une musique de plus en plus merdique, gagne de plus en plus de pognon ? 

- Parce qu'on est dans une époque de plus en plus merdique !"

C'est drôle, pas tout à fait faux, et assez bien vu si on considère que ces musiciens s'escriment à faire de la musique qu'ils aiment, avec leur coeur.

Si Je suis mort mais j’ai des amis pêche parfois côté mise en scène - la faute sans doute à la relative faiblesse du budget, et à la déflagration d’idées délirantes que le film propose -, il n’en demeure pas moins une bouffée d’air pur dans un cinéma de plus en plus formaté, à force de vouloir séduire les financeurs du cinéma que sont les chaines de TV, dont les yeux sont uniquement rivés sur le prime-time.

Mais le prime-time, les frères Malandrin s’en tamponnent le coquillard et ils ont bien raison ! Oui, le cinéma est une industrie. Oui, il doit divertir. Oui, il doit amener des gens dans les salles. Mais si on peut éviter de le faire bêtement, sans caresser le spectateur dans le sens du poil, et sans le prendre pour un crétin, c’est tout de même mieux ! Après avoir vu Je suis mort mais j’ai des amis, on sait dans quel camp se situent les Malandrin ! Les compromis et la putasserie, on a comme l’impression que ce n’est pas trop leur truc. Et puis, un film où l’on mange les cendres de son meilleur pote, ne peut décidément pas être mauvais.

Affiche, film-annonce et photos © Happiness Distribution

Je suis mort mais j'ai des amis, un film de Guillaume Malandrin et Stéphane Malandrin
Avec Bouli Lanners, Wim Willaert, Lyes Salem, Serge Riaboukine et Eddy Leduc
Belgique-France
1h36 - Sortie le 22 juillet 2015

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