Richard Galliano & Gary Burton Quartet & Archie Shepp Quartet au Tourcoing Jazz Festival

Dernière soirée du Tourcoing Jazz Festival au théâtre Municipal Raymond Devos et quelle programmation ! Le quartet de Richard Galliano et Gary Burton, Clarence Penn à la batterie et Phillipe Aerts à la contrebasse suivi du groupe d’Archie Sheep rien que ça ! A l’arrivée une superbe soirée, et deux concerts remarquables, bien que totalement différents.

Cela commence par une prestation toute en rondeur et en délicatesse issu du projet « l’hymne à l’amour » enregistré par l’accordéoniste et vibraphoniste. Les deux musiciens n’ont plus rien à prouver et sur un répertoire magnifique, ils n’ont en vue que le plaisir de jouer l’un avec l’autre. Admirateurs de Piazzola, ils lui ont consacré une bonne partie de leur disque et de ce concert. La richesse des compositions du réinventeur du tango est admirablement servie par le quartet qui n’en rajoute pas et a banni le tape à l’œil de leur jeu. « Milonga is coming » et « Opération Tango » deux « tubes » du maître en ressortent transfigurés. La beauté des harmonies de Piazzola, qui a été poussé vers le bandonéon et la musique de l’argentine par Nadia Boulanger, est au centre de l’attention, comme sur « Laurita » et « Evitango » deux compositions de Richard Galliano. Clarence Penn qui jouera quasiment tout le concert aux balais est parfait dans le rôle du soutien rythmique et souligne les interventions de ses leaders sans jamais se mettre en avant. Ce sont d’ailleurs eux qui reculent pour le laisser prendre un long solo dans la lumière.

Sur le célèbre « Waltz for Debby » de Bill Evans comme sur « L’hymne à l’amour » c’est davantage vers les mélodies que la musique se tourne. Réutilisant partiellement les thèmes pendant leur improvisation, il réalisent de véritables variations autour de ceux-ci, mettant en exergue, ici un accent, là un silence au point que l’on peut quasiment les chanter avec eux.

Deux rappels finissent d’achever la leçon, « Triumphal » une composition de Piazzola et surtout le superbe « Il postino » extrait de la bande originale du film éponyme. Un régal de mélodie. Une superbe émotion.

L’arrivé d’Archie Sheep sur scène, après un entracte, change l’ambiance du tout au tout. Chapeau sur le crâne, l’artiste arrive entouré d’un trio piano, contrebasse, batterie et entame tout de suite très fort, ça joue dans tous les sens, le batteur Steve Mc Craven dynamisant le tout avec sa frappe lourde. Au ténor, Archie Sheep nous démontre d’entrée de jeu qu’il n’a pas perdu ses qualités, jouant sur le micro, il en maîtrise encore le son comme à ses plus belles années.

Mais ce sont ses talents de showman qui vont rythmer la soirée, il entame dès le second morceau, « Mr Saturday night » un blues de sa voix rocailleuse et puissante qui ravit le public. Puis il propose révolution sur un texte de sa grand mère, qui aurait pu écrire pour les Last Poets, avec en introduction une démonstration de talking-drums de la part du batteur. Le reste du concert suivra le même rythme entre blues chanté à l’énergie tellurique et passage au saxophone, notamment à l’alto où Archie Sheep possède certainement un des plus beaux sons du monde. Seul moment inattendu, une version de « Que reste il de nos amours » chantée en français avec un accent traînant inimitable. Pour finir, le blues « Creepin’ » retentira longtemps, le public enthousiaste, tapant dans les mains pendant plus de dix minutes pour offrir au chant de son grand personnage une reconnaissance bien méritée. Aller de l’avant-garde à la tradition et refaire le chemin inverse, c’est ce que fait le Jazz depuis toujours et ce qu’Archie Sheep a fait toute sa vie. On ne pouvait donc pas mieux finir ce festival, dont la programmation audacieuse est le parfait reflet de la créativité actuelle du monde du jazz, qu’avec un vieux blues entraînant chanté par Archie Sheep. « It don’t mean a thing if it ain’t got that swing”.

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