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Staff Benda Bilili à l’Aéronef

La Musique est une magicienne. La Musique est une enchanteresse. Ses pouvoirs sont nombreux et bénéfiques. Et cette soirée du 30 novembre, marquée par la venue du groupe congolais Staff Benda Bilili à l’Aéronef, en apporta la plus belle des preuves.

La Musique y démontra, en effet, sa faculté déconcertante de fédérer les gens. Beaucoup de monde avait fait le déplacement pour découvrir sur scène une des sensations musicales de cette année, lauréate du prix 2009 du WOMEX, l’Expo Musique du Monde, qui s’est déroulée cette année dans la capitale danoise Copenhague et a réuni artistes et professionnels de la World Music. Et le peu que l’on puisse dire est que le public était fortement hétéroclite. Toutes les générations de spectateurs y étaient représentées et on pouvait aussi bien croiser un jeune à dreadlocks et baggy qu’une petite mamie en tailleur.

Cette soirée prouva également que, comme Bob Marley aimait le déclarer, « La Musique peut rendre les hommes libres ». Elle peut briser des chaînes et aider les individus à se dégager de leurs entraves. Ce qu’a parfaitement compris Philip Kamunga, guitariste et auteur-compositeur, qui intervient avec son association Kaï Dina, basée à Villeneuve d’Ascq, pour proposer des ateliers de musique, de chant et de conte africains dans des écoles, des centres sociaux, des structures spécialisées et des hôpitaux. Accompagné d’une trentaine de jeunes et d’adultes victimes d’handicaps mentaux (trisomie, autisme…) aux percussions africaines, il a offert un spectacle émouvant en reprenant des chants que chantent les enfants du Burkina Faso et de la République Démocratique du Congo. Une prestation qui en a donné le frisson à plus d’un dans le public et qui a rappelé, si besoin est, que le handicap n’est pas une prison et qu’il n’empêche pas ceux qui en sont atteints de réaliser de grandes choses.

D’ailleurs comme le chantent en lingala, leur langue natale, les Staff Benda Bilili dans leur morceau Polio : « celui qui est handicapé n’est pas différent des autres ». Maxime que n’auront de cesse de justifier par leur joie de vivre et leur énergie, les membres de cet improbable groupe de Kinshasa. Car, est-il utile de le rappeler, quatre de ses musiciens et chanteurs sont paraplégiques et sont en chaise en roulante. Mais tout cela est terriblement anecdotique au regard du magnifique concert que ces congolais nous ont donné. Accompagnés d’un joueur de tam-tams (utilisés comme une batterie), d’un bassiste et d’un joueur de satongué (un instrument de fortune composé d’une corde métallique, d’une boite de conserve et d’un morceau de bois courbé), ces guitaristes et chanteurs ont montré que le buzz qui entoure leur album Très Très Fort est amplement mérité.

Par la magie de leur musique bariolée de mille couleurs, Staff Benda Bilili, d’une chanson à l’autre, a fait voyager son public dans des paysages continuellement différents. Aucun titre ne venait reprendre les rythmiques du précédent et l’on naviguait ainsi entre reggae, ryhthm & blues, doo-wop et, bien évidemment, rumba kinoise, l’axe central de leur répertoire. Un attachement au genre qui s’exprime au travers de leurs nombreux décalages rythmiques, enchaînant contretemps sur contretemps. Même le funk était de la partie avec les légères allusions au morceau Sex Machine de James Brown présentes dans le morceau Je t’aime. Très vite, les gradins, qui étaient installés pour l’occasion, se sont donc vidés de leurs spectateurs, empressés d’aller se déhancher sur ces mélopées endiablées. Tellement endiablées que même les musiciens, malgré leur handicap, ne purent s’empêcher de danser également, soit en faisant tournoyer leur chaise roulante, soit en en s’aidant de béquilles ou, simplement, en se mettant à même le sol… Comment ne pas être ému devant cet optimisme à toute épreuve, cette joie inaltérable et contagieuse irradiant de groupe malmené par la vie et la pauvreté sévissant dans leur pays d’origine ?

En sortant de la salle ce soir là, tout en remettant notre capuche ou notre bonnet pour nous protéger du froid qui envahit nos rues, on ne pouvait s’empêcher de penser à ces mots du dramaturge Michel Tremblay : « La Musique. C’est un cadeau de la vie. Ça existe pour consoler. Pour récompenser. Ça aide à vivre ». Très Très Fort.

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