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Izia & Pilöt au Centre Culturel Gérard Philipe

Beaucoup de monde ce soir au centre culturel Gérard Philipe de Calais : la soirée affiche fièrement sold out. Pas de chance donc pour les retardataires n'ayant pas réservé ou acheté à l'avance leur billet. De quoi nous rassurer sur la prétendue crise musicale qui sévit en France. Même dans les petites villes de province, par forcément reconnues pour leurs lieux de spectacles ou leurs activités culturelles et artistiques, le public est capable de se déplacer en masse. Et de manière hétéroclite et multi-générationnelle. Car, ce soir, on croise autant un petit garnement de 7 ans essayant de courir autant qu'il le peut entre les jambes des personnes présentes pour échapper à la vigilance de ses parents qu'un petit couple de retraités se tenant encore la main après tant d'années de vie commune. On aperçoit des punks, des hardos, des vieux rockers sur le retour, des jeunes en baggy... Et tout ce petit monde cohabite dans une ambiance on ne peut plus conviviale en attendant que vienne se déchaîner sur scène l'ouragan Izia. Cela fait réellement plaisir à voir.

Avant de passer aux choses sérieuses, c'est à Pilöt, jeune formation parisienne, de venir échauffer les esprits. Auteur d'un premier album du nom de Mother, ce groupe est constitué de la frêle Alex Catrine au chant, d'Antoine Eole à la guitare et au chant, de Victor Belin à la basse, au clavier et au sampler et de Thomas Hispa à la batterie. Inspiré par la noise de Sonic Youth et la nouvelle vague new-yorkaise (LCD Soundsystem, The Rapture, Battles,...), le groupe offre une musique hybride qui navigue entre rock, math-rock, punk, new-wave et rythmes tribaux. Les compositions, bénéficiant d'une impressionnante ligne basse-batterie (le jeu du batteur, tout en puissance mais subtil, est exemplaire) sont originales et intéressantes. Néanmoins, elles peinent à convaincre. La faute à un chant un peu trop maniéré et théâtral, usant d'artifices inutiles (beaucoup trop de « ouh », de « ah » systématiques et caricaturaux et de cris de hyène malvenus) et, surtout, à la faiblesse du soin apporté au traitement des guitares, beaucoup trop discrètes et pas assez rageuses. Le groove solide imposé par le batteur et le bassiste nécessite un jeu de guitare distordu, violent, brutal (en bref à la Thurston Moore, guitariste de Sonic Youth), ce qui n'est malheureusement pas le cas ici, créant ainsi un déséquilibre maladroit dans la musique de Pilöt. Toutefois, cela n'enlève rien à l'énergie et la hargne dégagées par ce jeune groupe qui se cherche encore et possède de solides bases pour se montrer, dans le futur, beaucoup plus convaincant et pertinent.

Par contre, lorsque Izia, seule, plongée dans la pénombre et guitare à la main, arrive sur la scène, le futur est vite oublié. Car comme le clame la belle, avec une jolie véhémence: « LET'S GO BACK TO THE SEVENTIES!!! » Cette époque bénie des dieux de la musique, pleine d'insouciance et d'optimisme, marquée par des chefs-d'oeuvre tels que « Cheap Thrills » de Janis Joplin, « Electric Ladyland » de Jimi Hendrix ou les premiers albums de Led Zeppelin, disques qui doivent être, sans nul doute, placés en bonne place sur la table de chevet de la chanteuse. Une époque mythique car auréolée du fameux "Sex, Drugs & Rock N' Roll" et imprégnée de personnalités artistiques aussi fortes que celles de Jim Morrisson, David Bowie, John Lennon... Une époque "que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître" dans laquelle Izia, pourtant seulement âgée de 19 ans, va replonger, le long d'un set époustouflant d'une heure et demie, le public calaisien. Et cela, malgré ce que pourraient dire certaines mauvaises langues, sans plagiat aucun. Izia a su parfaitement intégrer ses influences, les digérer et créer une musique qui lui ressemble en tout point: optimiste, spontanée, libre, énergique et sensuelle.

Accompagnée d'un trio de musiciens émérites à la puissance de feu hors-norme (Sébastien Hoog à la guitare, Gregory Jacques à la batterie et Arnaud François à la basse), La fille de... (de qui déjà?) a enflammé le centre culturel Gérard Philipe. Ce qui n'était pas forcément gagné en raison du public très familial ce soir-là et pas forcément apte à remuer du popotin. Mais comment rester de marbre devant le bagout de la demoiselle qui n'hésite pas à invectiver et à chauffer avec humour le public, qui gesticule et danse comme si sa vie en dépendait, qui maltraite son pied de micro, qui arrose le public ou qui répond avec une mordante gentillesse à un admirateur visiblement surexcité par sa tenue de scène (mini short, collants noirs et body ultra-échancré, effectivement très seyants)? Et surtout comment rester insensible à cette incroyable voix, faisant taire les plus bavards jusqu'au bar du fond de la salle, quand elle chante a cappella sans micro ?

Un concert sur-vitaminé, explosif, sans temps mort, tendu comme le slip de l'admirateur un peu lourdaud cité plus haut où Izia interprète avec panache les différentes tueries de son album, désormais des classiques scéniques: le très dansant « Discoball », l'émouvant « Sugar Cane », le détonant "Lola », l'hymne « anti-poufiasse » (pour reprendre ses termes) « Hey Bitch » et même un inédit « Bastard Song », la réponse masculine et très bluesy du morceau précédent. Une prestation qui se termine dans le bruit et la fureur avec, en guise de rappel, la reprise du « Lucille » de Chuck Berry et la chanson « Let Me Alone » où la Tornade, n'hésite pas à se vider une bouteille d'eau sur son corps déjà bien humidifié par la sueur et à rejoindre son batteur pour aller maltraiter ses fûts et ses cymbales.

Dans les années 70, un journaliste américain, après avoir assisté à un concert de Bruce Springsteen déclara: « J'ai vu le futur du rock et il s'appelle Bruce Springsteen ». En ce soir de février 2010, pour reprendre cette formule, les calaisiens ont vu le futur du rock français. Il s'appelle Izia et il est diablement sexy !

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