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Hindi Zahra au Splendid de Lille

Un goût amer qui ne demandait qu'à être effacé. Telle était la sensation malheureuse qu'avait laissé le premier concert d'Hindi Zahra dans la métropole lilloise, en février 2010 à l'Aéronef. Une prestation en demi-teinte. Entachée, ce soir-là, par l'état de santé défaillant de la chanteuse. Un premier rendez-vous manqué. Mais n'ayant en rien éprouvé l'affection portée à cette jeune artiste que le magazine anglais The Wire n'avait pas hésité à qualifier, à l'époque, d'héritière spirituelle de Billie Holiday. Son 'Beautiful Tango' continuant inlassablement à nous faire chavirer la tête...

5 ans après, par l'entremise de son somptueux second album, Homeland, intégralement composé à Marrakech, cette nouvelle rencontre avec la chanteuse franco-marocaine offrait donc enfin une chance de balayer cette déception passée. Qui, très vite, ne s'apparentera plus qu'à un très lointain et fumeux souvenir. Laissant la place à celui d'une envoutante soirée.

Le concert s'ouvre avec une version magistrale de 'To The Forces', morceau inaugural du nouvel album. Un troublant blues stellaire et oriental, écrit en hommage au peuple berbère, dont Hindi Zahra est une descendante. Un titre de toute beauté mêlant guitares écorchées, percussions voyageuses et trompette aérienne. Où les notes s'égrènent de manière progressive et atmosphérique. Presque hypnotique. Donnant l'occasion à chacun des six musiciens de prendre ses marques avec autorité. Et de distiller une pulsation lascive sur laquelle la chanteuse vient poser avec délicatesse sa voix rauque et frémissante. Une introduction qui donne le ton à la suite : majestueuse et envoûtante.

Avec sa longue chevelure brune, son regard profond et sa beauté austère illuminée par un sourire sans pareil, Hindi Zahra, telle une charmeuse de serpent, captive et ensorcelle son auditoire. Qui se laisse faire avec délectation. Emporté par une vision hautement personnalisée d'un univers où coexistent, hors de tout cloisonnement étroit, l'esprit du Blues, des influences nomades et la manière du Jazz. Et où rien n'est laissé au hasard du moment. Ainsi si l'artiste se montre peu loquace entre les morceaux, c'est sûrement par peur de briser le charme et l'harmonie d'un concert que l'on devine extrêmement pensé et mûrement réfléchi.

Une performance envisagée et conçue comme un véritable road trip musical. Faisant fi des frontières et des époques. Développant une musique pleine de contrastes. Chantant tantôt en anglais, tantôt en amazigh (la langue des berbères), Hindi Zahra, d'une manière sobre, presque détachée, pose ses mots qui parlent d'amour, de combats et de vie sur des mélodies complexes et métisses avec l'assurance et la sensibilité des grandes chanteuses de Jazz d'après-guerre. Épaulée par des musiciens de premier ordre, dont l'incroyable percussionniste brésilien Ze Luis Nascimento, elle tisse à travers ses compositions d'indicibles et étourdissants ponts entre les continents. Associant des airs de Bossa Nova à des guitares manouche ou une trompette cubaine à des percussions orientales. Impressionnant de voir une femme si menue donner la sensation de tenir l'immensité du monde à bout de bras et de cordes vocales.

Un concert tout simplement fascinant par son constant souci d'universel. Irriguant, sans aucune démagogie, ce qui doit se comprendre comme une quête spirituelle. Celle d'un oasis d'espoir, d'unité et de paix. Un ailleurs idyllique rendu possible le temps d'un concert mémorable.

Découvrez l'interview de Hindi Zahra

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