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Bertrand Belin + H-Burns au Grand Mix

Oui, c'est vrai, un peu d'angoisse, un peu d'appréhension. Le premier concert d'après... Il fallait y retourner rapidement, vivre et vibrer avant que toutes les frilosités ne nous envahissent jusqu'à la paralysie. L'affiche exceptionnelle était là, scintillante, pour nous soulever, nous emporter, Bertrand Belin et H-Burns, rien que ça, en une seule fois messieurs dames, en double bill, dans la salle que Belin qualifiera de Rolls des salles de concert lors de l'une de ses deux seules adresses directes au public. Lors de la seconde, il remerciera le Grand Mix "de la cave au grenier et alentours. Chapeau".

On aime réellement toutes nos salles, tous nos vaisseaux, notre Aéronef,  notre Péniche et on monte les yeux fermés dans le Biplan, alors on s'est rengorgés franchement, fièrement, en entendant ce commentaire inédit. Ne touchez pas à notre Rolls, merci. Ne touchez pas à nos salles, merci également. Ce soir là, il y a avait des enfants, de la musique, des amis heureux de s'étreindre, en appuyant peut être un peu plus cette étreinte que d'habitude. 

Le folk hanté d'H-Burns résonne et claque, la setlist est rehaussée de Naked, un nouveau titre. Renaud est épaulé par Antoine Pinet, son très fidèle lieutenant, concentré, tendu et soudainement lumineux et souriant. Répertoire impeccable, songwriting ciselé, mix un peu rude qui donne une tonalité plus rock que folk à l'ensemble, voix dont la douceur ne cesse de nous épater vraiment. On a pourtant déjà dit tout le bien qu'on pensait de cet homme, quand on l'a vu là, avec Tim Fromont Placenti, quand on l'a chroniqué mais la magie opère à chaque fois. Avec une vraie grâce, une élégance étoilée, H-Burns et son gang donnent aux derniers disques une homogénéité totale, le son du live est plus puissant. C'est une version pour les grands espaces de ces disques souvent intimistes que l'on adore réécouter pour apaiser au crépuscule les jours trop urbains. On lâche les chevaux et on peut admirer le galop fou du groupe qui tisse des arpèges gracieux et tricote l'électricité. On va de chansons magnifiques en réussite harmoniques, sans faiblesses, de Silent wars à Wee hours, en passant par Radio buzzing. C'est sur Sail on wild qu'on croit apercevoir H-Burns pour la dernière fois. Il a depuis commenté sur sa page ce concert : Vous fûtes magique. On lui retourne bien volontiers le compliment.

Bertrand Belin est un personnage scénique à part entière. Brillant en interview, abrasif et subtil, il refuse net le jeu d'un échange toujours et forcément un peu convenu avec le public. Absolument pas fermé pour autant, il préfère des intermèdes cocasses, il parle en fou, plus ou moins en relation avec les titres qu'il joue. Le pépé qui doit dire à son pépé qu'il faut qu'il dise à son pépé, le pleutre bagarreur, autant de figures burlesques qui surgissent entre les titres. On est sur scène, sur des planches, il faut qu'il se passe quelque chose de surprenant, de décalé. 

Le groupe est drivé par l'excellente Tatiana Mladenovitch (Théo Hakola, Fiodor dream dog, Émily Loizeau), dont les appuis funk dynamisent terriblement l'ensemble. On a du mal à décoller les yeux de ce kit tant son jeu est riche, dense, perpétuellement dynamique, une splendeur. La musique de Bertrand Belin se ressent, comme il le dit lui-même, et il est étonnant de constater à quel point on ne le connaît vraiment qu'une fois vu sur scène, dans une dimension qui permet à l'ensemble du répertoire de prendre toute sa cohésion, sa cohérence, qui efface totalement les écarts de production entre les albums. La setlist est parfaite. Son jeu de guitare, sans médiator, est extrêmement personnel, d'un toucher unique, entre gifle et caresse. Il échange sans cesse avec son guitariste, leurs jeux se complètent, n'ont pas grand chose de commun et de cette complémentarité naît une belle harmonie. Thibault Frisoni tient toute la maison avec Tatiana, Olivier Daviaud n'en finit pas de démontrer discrètement toute l'étendue de sa palette. On connaît ses multiples talents d'arrangeur et de compositeur. C'est très joli à voir un groupe qui atteint ce degré d'équilibre, ce funambulisme maîtrisé. 

Le verbe est élégant et complètement incarné, on essaie de percer le mystère mais tout le plaisir est là, ça résiste, ça ne se laisse pas faire, Belin n'est pas commode, au bon sens du terme : il ne joue d'aucune facilité. Il ne dira pas, après ce concert extrêmement dense et superbe, qu'il est content de jouer en même temps qu'H-Burns. Ils arrivent sur scène ensemble, guitares et violon, Tatiana et Olivier aux choeurs. Rien de dit, tout de fait, c'est le résumé de la soirée. On se quitte, heureux, sur Hey, tha'ts not a way to say goodbye de Leonard Cohen. Aux côtés des ombres de Richard Hawley et de Bill Callahan dont on a appris depuis ce concert toute l'influence sur les compositions de Bertrand Belin. Sacrée compagnie. On sort rassurés, tranquillisés, plus sereins qu'en entrant. Cela dit, pas si facile de retrouver dans l'hypernuit sa très ordinaire voiture... en sortant d'une Rolls. 

 

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