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La Crème de la Crème : Ecole de commerce, love story et prostitution !

Synopsis : Dan, Kelliah et Louis sont trois étudiants d'une des meilleures écoles de commerce de France. Ils sont formés pour devenir l’élite de demain et sont bien décidés à passer rapidement de la théorie à la pratique. Alors que les lois du marché semblent s’appliquer jusqu’aux relations entre garçons et filles, ils vont transformer leur campus en lieu d’étude et d’expérimentation. La crème de la crème de la jeunesse française s'amuse et profite pleinement de ses privilèges : tout se vend car tout s’achète... mais dans quelle limite ?

© Wild Bunch Distribution

Critique : Drôle de film que La Crème de la Crème. Voilà un objet étrange qui ne correspond pas tout à fait à la bande-annonce et l’affiche que vous avez certainement vues ces dernières semaines. Avant de pénétrer dans la salle qui projette le film, on se dit qu’avec ce sujet, un réseau de prostitution organisé par des étudiants dans une grande école de commerce, on va assister à du cinéma coup de poing, sans doute provocateur, peut-être subversif.

D’autant plus que le réalisateur Kim Chapiron ne fait pas en général dans la dentelle ni le consensuel. De Chapiron, on se souvient de Sheitan et surtout Dog Pound, inspiré du film Scum d'Alan Clarke, qui nous plongeait dans un centre pour délinquants juvéniles.

Il semblerait que Chapiron ait de vraies obsessions d’auteur. Comme dans ses précédents longs-métrages, il filme dans La Crème de la Crème des jeunes dans un monde clos. Après les prisons pour délinquants, il s’attache à une autre micro-société, celle d’étudiants fortunés qui évoluent dans des écoles prestigieuses. On comprend alors aisément que la production du film ait pensé au cinéaste pour filmer le scénario du jeune Noé Debré.
Mais Chapiron s’est visiblement vite approprié cette œuvre de commande en collaborant à la réécriture du scénario et en assistant à de nombreuses soirées étudiants.
Du coup, on est assez étonné de voir que le cinéaste ne raconte pas tout à fait ce qu’on pensait découvrir. Bien sûr, il filme des amphithéâtres, des soirées étudiantes toutes plus déglinguées les unes que les autres. On sent que les auteurs se sont documentés. Certains étudiants ont vécu les situations « extrêmes » abordées par le film. Ils ont tenté l’expérience des drogues, de l’alcool, du sexe le plus débridé. Internet leur fait découvrir la pornographie à l’âge auquel on doit sans doute encore lire la bibliothèque verte…

  © Wild Bunch Distribution

Mais ce qui intéresse Chapiron, c’est avant tout de raconter une histoire d’amour.
Comme il l’a dit lors de la conférence de presse de son film, est-ce qu’aujourd’hui l’acte le plus subversif pour cette jeunesse, qui a semble-t-il tout vu et tout vécu, n’est pas de vivre une grande et belle histoire sentimentale? Le réalisateur dit qu’il aime bien se situer dans une sorte de flou artistique, un peu à l’image de ce qu’on voit à l’arrière plan de l’affiche de son long-métrage. Il révèle qu’on lui a demandé d’insister davantage sur certaines scènes un peu chaudes, d’être un peu plus « agressif ». La production aurait visiblement aimé que le film aille un peu plus loin, ce que Chapiron ne souhaitait pas.
Voilà sans doute une preuve que le réalisateur a gagné en maturité. On s’attendait, il est vrai, à davantage de provoc de sa part. Encore une fois, Chapiron insiste sur le fait qu’il souhaitait avant tout filmer l’histoire d’amour de Kelliah et Louis. Chapiron le revendique et pourquoi pas, après tout ?

On comprend les motivations du réalisateur. Mais on a tout de même le droit d’être un peu critique car le film semble avoir « le cul entre deux chaises ». En tant que spectateur, on est plutôt heureux de ne pas assister à quatre-vingt-dix minutes de débauche et de crétinerie. Mais on a l’impression que le sujet n’est pas vraiment traité. Juste abordé, effleuré. Jamais le film ne prend le risque de critiquer les grandes écoles et leur système élitiste ou alors plus que timidement. Jamais il ne remet en cause, ou si peu, le cynisme d’une jeunesse dorée qui ne pense qu’à son plaisir. On est aussi en droit de se demander si un sujet aussi sérieux que l’organisation de ce réseau de prostitution ne méritait pas un traitement plus "costaud" et une forme moins consensuels. On ne comprend pas toujours quel est le point de vue du cinéaste. Où veut-il en venir ? D’un côté, on nous montre la gentille remise en cause d’un système, d’une jeunesse pour laquelle tout a une valeur marchande et de l’autre, une bien inoffensive histoire d’amour à l’eau de rose… Il semble que Chapiron ait tout de même un peu de mal à choisir.

© Wild Bunch Distribution

La love story entre Kelliah, étudiante qui vient d’un milieu prolétaire, et Louis issu de la haute bourgeoisie ne parait pas très crédible. On sait bien que l’amour triomphe de tout, mais on a tout de même beaucoup de mal à y croire. D'autant plus que la fracture sociale se fait chaque jour plus violente et que, si des milieux sociaux extrêmement opposés sont amenés à se côtoyer au sein de ces grandes écoles, il n'en est peut-être pas encore tout à fait de même dans la "vraie" vie. Peut-être, sommes-nous ici un peu trop dans le conte de fées…

Voilà pour les réserves qu’on peut émettre sur le film. En ce qui concerne ses qualités (réelles) on dira que La Crème de La Crème se regarde avec plaisir grâce à la mise en scène de Chapiron qui est efficace. Il réussit à rendre crédibles les nombreuses scènes de fêtes, ce qui est rarement le cas au cinéma. De plus, il ne porte jamais un regard condescendant ou méprisant sur ses personnages. Son film, qui est aussi une comédie, ne présente pas de personnages crétins comme dans certains teen movies du type American Pie. On rit souvent mais jamais La Crème de La Crème ne cède à la vulgarité ou la bêtise. De plus, Kim Chapiron a le bon goût d’avoir confié la bande originale de son film au talentueux Ibrahim Maalouf, qui signe une composition des plus originales.

Dans La Crème de la Crème, on découvre surtout une nouvelle génération d’acteurs. Thomas Blumenhal, Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge, Karim Ait M’Hand et Marine Sainsily sont épatants. Enfin un peu de sang neuf chez les acteurs français ! Il était plus que temps ! Ces jeunes comédiens sont le bonheur du film.

  © Wild Bunch Distribution

Pour résumer, La Crème de la Crème n'est pas un grand film. Loin s'en faut. On l’aurait davantage aimé s’il avait été un peu plus caustique et rentre-dedans, moins aseptisé. Mais il est suffisamment intéressant pour qu’on puisse tout de même vous conseiller d’aller le découvrir dans une salle de cinéma. D’autant plus que le film contient au moins une scène à voir sur grand écran et qui risque de devenir culte : celle où de nombreux étudiants s’époumonent en chantant Les Lacs du Connemara de Michel Sardou. Une certaine idée de l’enfer…

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

Affiche et film-annonce © Wild Bunch Distribution

La Crème de la Crème
Réalisation: Kim Chapiron
Scénario: Kim Chapiron
Noé Debré
Avec: Thomas Blumenthal, Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge, Karim Ait M'Hand, Marine Sainsily / Musique: Ibrahim Maalouf / 90 mns.

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