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« The Big Lebowski »: Reprise du film le plus culte, cool et rock’n’roll des frères Coen !

Synopsis :  Jeff Lebowski, prénommé "The Dude", est le roi des glandeurs ! Il passe son temps à boire des coups avec son copain Walter et à jouer au bowling. Un jour deux malfrats le passent à tabac et urinent sur son tapis. Il semblerait qu'un certain Jackie Treehorn veuille récupérer une somme d'argent que lui doit la femme de Jeff. Seulement Lebowski n'est pas marié. C'est une méprise, le Lebowski recherché est un millionnaire de Pasadena. "The Dude" part alors en quête d'un dédommagement auprès de son richissime homonyme...

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Jeff Bridges et John Goodman dans The Big Lebowski : Quasi un manifeste pro-glandouille !

 

Critique : C’est un beau cadeau que nous font Mission Distribution et Plan Séquence avec la reprise de l’un des films les plus mythiques de Joel et Ethan Coen, The Big Lebowski, trois semaines avant sa reprise nationale : le 29 avril 2015. Le film est présenté au Majestic de Lille jusqu’au 31 mars en copie restaurée et en numérique.

Lorsqu’ils signent The Big Lebowski en 1998, les Coen en sont à leur septième long-métrage. Ils ont produit, écrit et réalisé de véritables bijoux du film noir, de la comédie, du polar. Des genres qu’ils ont dynamité par leur humour, sens de la dérision, vision décalée et déformée d’une Amérique qui doit tout autant au cinéma hollywoodien, qu’à la BD, au rock’n’roll, aux séries TV, romans noirs de Jim Thompson et Dashiell Hammett, ainsi qu’à toute la contre-culture US des années 60-70.

The Big Lebowski survient après le néo film-noir Blood Simple, le loufoque Arizona Junior, leur film de gangsters Miller’s Crossing (chef-d’œuvre absolu), le très polanskien Barton Fink (Palme d’Or 1991 décernée par Polanski, comme par hasard), le globalement raté (mais intéressant) Le Grand Saut et leur drame comico-policier Fargo !

Les Coen sont déjà des cinéastes respectés, adulés, reconnus par la critique et dont le succès public va grandissant. A l’époque, la particularité de leur cinéma, c’est qu’il est immédiatement reconnaissable et identifiable grâce à leur mise en scène et à certains mouvements de caméras souvent vertigineux - hérités de leur collaboration avec leur grand pote Sam Raimi sur le classique du film d’horreur Evil Dead -. Il y a une « patte » Ethan et Joel Coen. Ce qui frappe, c’est que les frères abordent le cinéma de genre en en offrant une vision certes originale et décalée, mais qui en respecte les codes à la lettre.  Le « genre », ils adorent ça ! C'est dans leur ADN !

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The Big Lebowski : Derrière la comédie, une oeuvre subversive !

 

Mais venons-en à The Big Lebowski : Qu’est-ce que c’est que ce film ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Pour être honnête, on ne sait pas. Voilà un film tellement allumé, fun, réjouissant, décomplexé, drôle, inventif qu’il en devient un objet de cinéma fascinant. Les Coen vont si loin dans le délire qu’on ne peut se dire qu’une chose après l'avoir vu : TOTAL RESPECT ! On n'ose même pas écrire que The Big Lebowski est un objet filmique non identifié, tant le film dépasse ce cadre et toutes les étiquettes qu’on serait tenté d’y coller. D’ailleurs, à sa sortie, il reçut des critiques plutôt mitigées. The Big Lebowski, était-il légèrement en avance sur son temps ? C’est plus que probable.

Les personnages sont tous plus barrés les uns que les autres : le "Dude" - grandiose Jeff Bridges, qui retrouvera les Coen dans le superbe remake du western, Tru Grit -, Walter le vétéran - interprété par le dément John Goodman -, Maude Lebowski, l’artiste féministe activiste - incarnée par l’ultra sexy et bouillonnante Julianne Moore - et, bien sûr, Jesus Quintana le roi hispanisant du bowling - auquel un John Turturro, qui ne craint pas le ridicule, prête sa dégaine dégingandée - .

Si on ajoute à cela l’apparition de « nihilistes », un rapt, des histoires de chantage, des visions totalement hallucinées en forme de « retour d’acide », on se demande si les Coen n’ont pas un peu fumé la moquette durant l’écriture, la réalisation et le montage de ce film qu'on peut voir comme un hommage punk au classique de Howard Hawks, Le Grand Sommeil.

Il serait cependant un peu hâtif et réducteur de ne voir en The Big Lebowski qu’une simple pochade. On sent du début à la fin du métrage une véritable mélancolie, voire de la nostalgie pour une époque révolue. Les protagonistes du film ne pigent rien à l’époque dans laquelle ils évoluent. Tous ces gens sont déphasés. Quelle est cette Amérique qui s’est prise une raclée au Vietnam mais va tout de même livrer bataille en Irak ? Quelle est cette Amérique des années 90, post-Reagan, qui vénère les yuppies mais a abandonné les hippies ? Quelle est cette Amérique qui n’élit plus depuis Nixon que des Présidents fantoches (George Herbert Walker Bush apparaît sur un téléviseur dans le film) ? Quant à the big Lebowski lui-même, il est un milliardaire obèse, avachi, désabusé, vociférant contre les "profiteurs" du système et les "assistés". N'est-il pas la personnification de l'Amérique blanche et républicaine ? The Big Lebowski, avec ses airs de ne pas y toucher, montre l’envers du rêve américain.

Le film dresse un état des lieux terrible d’une nation dont seuls les laissés pour compte et parias ont encore un peu de chair, d’âme et de cœur. L’Amérique que les Coen nous présentent n’est pas reluisante. Mais comme ils sont de parfaits gentlemen, ils prennent le parti d’en rire.

Alors on s’amuse beaucoup, on trépigne dans son siège devant les aventures et mésaventures du « Dude », on s’éclate à l’écoute de la version du Hotel California des Eagles par les Gipsy Kings, on rit à gorge déployée en voyant Jesus astiquer sa boule de bowling comme s’il s’astiquait autre chose, …

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Le génial John Turturro prête sa dégaine à Jesus Quintana: l'un des personnages les plus somptueusement ridicules inventés par les Coen !

 

A la fin du film, on a la patate - comment ne pas l’avoir ? - mais on est aussi un peu triste car on se dit que ce film, qui n’a pas d’équivalent, représente sûrement l’un des derniers fleurons du cinéma américain dit « indépendant ». Ils ne sont pas si nombreux les grands réalisateurs américains à ne pas avoir été récupérés par le système ou avoir su le contourner (Tim Burton, qui s’apprête à livrer une version live de Dumbo, n’est plus que l’ombre de lui-même).

On les compte sur les doigts d’une main ces cinéastes rebelles : Les Coen, Alexander Payne, et quelques autres comme David Fincher (Gone Girl donne un coup de pioche noir et subversif dans le mythe du couple et la société américaine) ou Michael Mann, qui vient de connaître l’un des plus cruels et scandaleux échecs de sa carrière avec son thriller technologique et crépusculaire Hacker.

Raison de plus pour se précipiter dans les salles et revoir sur grand écran, dans le noir, entourés de spectateurs - car le cinéma est avant tout une expérience collective - l'enivrant The Big Lebowski, véritable oeuvre culte vénérée aujourd'hui par des hordes de fans du monde entier !

Les Frères Coen - qui ont signé le scénario du prochain Spielberg : Bridge of Spies -  seront les présidents du jury du 68ème Festival International du Film de Cannes. Gageons qu’ils récompenseront des films et auteurs qui leur ressemblent : libres, frondeurs, et généreux !

Le film sera projeté en version originale sous-titrée en français.

The Big Lebowski  (1998) Réalisation : Joel Coen, Ethan Coen (non crédité) Scénario : Joel et Ethan Coen Avec: Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore, Steve Buscemi, Philip Seymour Hoffman,  Sam Elliott. David Huddleston... 117 mn.

Séances de The Big Lebowski au Majestic de Lille.

Affiche, photos et film-annonce © Mission Distribution et DR

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