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Daniel Johnston & The Beam Orchestra et Black Joe Lewis au Splendid – Festival Les Paradis Artificiels

La soirée est définitivement américaine. D'abord du classique : du blues, du garage, pour un son empreint de jazz créé par le groupe Black Joe Lewis. Soit Joe Lewis et ses Honeybears. Rien de fou mais ils sont accueillis poliment même si une majorité est définitivement venue pour Daniel Johnston. Un intermède, et les musiciens se mettent en place, une dizaine qui arrive progressivement. Légère impatience dans la foule mais bien des surprises si l'on en est resté aux versions studio.

Difficile ce soir de passer outre l'état de santé de Daniel Johnston, qui ajoute à l'émotion habituelle. Qui a récemment eu l'occasion de voir, par le biais de vidéo ou en concert, le pape de l'antifolk sait ce que je veux dire par là. Le physique de Johnston trahit son instabilité mentale et on sent la difficulté qu'il éprouve à effectuer certains gestes, ou à se remémorer des éléments de chansons. Assis, il chante en suivant son texte sur un pupitre, sourit mais chaque geste semble presque lui coûter. La transformation est assez effrayante, quand on voit où il était il y a encore un petit nombre d'années. Les autres musiciens semblent gênés, et en tant que spectateur, a fortiori en tant que photographe puisque c'était ma qualité ce soir, on ressent vite la même chose. Pudeur devant l'exposition d'un malade qui met un point d'honneur à faire oublier son état par diverses idées. Fermons un peu les yeux, donc, et écoutons cette vague nouvelle.

La voix, également, n'est que douleur, mais le plaisir de Daniel Johnston à faire revivre ses chansons est évident. Oublions le mal physique pour bombarder l'émotion, telle semble être l'idée. Soyons honnêtes : la technique fonctionne probablement mieux pour le chanteur que pour celui qui l'écoute. Daniel Johnston a un besoin évident d'être là, sinon il ne le serait pas, du fait de la fatigue, des difficultés engendrées. En face, il est néanmoins délicat de faire semblant de ne rien voir. On a du mal à s'imaginer que celui qui apparaît ce soir tel un vieillard à un âge pourtant pas si avancé, a réalisé les planches de comic books exposées ce dimanche à la Gare Saint Sauveur. Et que cest bien le même qui créa Fun en 94.

La présence de l'orchestre néerlandais n'aide sans doute pas, de par son caractère insolite. Une dizaine de musiciens accompagne en effet Johnston et les chansons clairement lo-fi se tordent mal sous cette réinterprétation jazz-rock. Celle-ci laisse trop de place à des arrangements peu nécessaires, mis en avant pour combler des vides non présents initialement, dont la présence n'est due qu'à cette curieuse manière de réinterpréter les titres. La présence des musiciens est certes un appui pour Daniel Johnston mais l'idée ne fonctionne pas aussi bien que sur le papier. Comme sur Beam Me Up !, la voix conserve sa place mais comme sur l'album la grossiereté de l'orchestre reste gênante. Point positif néanmoins : sitôt l'agaçante touche jazzy retirée, chaque titre apparaît dépouillé, nu et certains bénéficient même de moments a cappela. Autant dire que l'émotion, déjà provoquée par la mise en exposition du corps, est plus que présente.

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