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La 20ème édition des Latitudes Contemporaines

Du 8 au 28 juin 2022, dans toute la métropole lilloise, se déroulait la vingtième édition du festival des Latitudes Contemporaines dans des théâtres mais également dans des lieux non-dédiés, en extérieur, tels que le Jardin des plantes, le Jardin Vauban et le Grand Carré de la Citadelle. La crise sanitaire et l’offre numérique ont considérablement fait évoluer la manière de consommer la culture. Les pratiques sont plus solitaires, donc moins fédératrices et rapprochées. Avec sa programmation diversifiée, les Latitudes Contemporaines proposent des esthétiques insolites et des formats inédits qui rassemblent tout en interrogeant la société dans laquelle on vit. Le festival n’a pas échappé à la septième vague du Covid avec l’annulation de Music All de Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle et Jérôme Marin. LillelaNuit est allé découvrir quelques spectacles de la programmation…

UNE PROGRAMMATION POINTUE pour cette 20ème édition des Latitudes Contemporaines

Le festival ouvrait le bal au Grand Sud avec, entre autres, le spectacle CASCADE de la chorégraphe américaine Meg Stuart. Dans un décor stellaire et astral crée par Philippe Quesne – dont on a pu voir le spectacle Farm Fatale dans la programmation du festival – la pièce met en scène deux percussionnistes au bord du plateau et sept danseurs qui gravitent autour de deux structures gonflables et une installation très pentue. Ils s’y laissent ainsi glisser, dégouliner ou les utilisent comme des ressorts. La pesanteur et l’attraction mises en jeu dans la pièce amènent le spectateur dans une appréciation du temps plus élastique. Le spectacle passe progressivement d’une eurythmie vers une cacophonie des corps presque jubilatoire. La pièce sonnait comme des airs de déjà vu, jouant sur des codes connus et même si les quelques longueurs desservaient la dramaturgie du spectacle, les artistes ont réussi à nous embarquer dans cet univers cosmique.

La Maison Folie Wazemmes accueillait l’une des pièces d’Ivana Müller, Forces de la nature, un des coups de cœur de Lille La Nuit. Pendant le festival, les spectateurs pouvaient apprécier trois spectacles différents de la chorégraphe croate. La pièce s’ouvre par un chant des cinq danseurs affirmant avec beaucoup d’humour que, depuis le Covid, le contact physique leur manque terriblement. Dès lors, ils entrent en scène, tous attachés entre eux par des cordes d’alpinisme. Durant toute la performance, les artistes dialoguent sans pour autant se glisser dans la peau d’un personnage, ils restent eux-mêmes. Sans aucun décor, la pièce s’approche davantage de la performance que du théâtre puisqu’elle élimine toutes les conventions. Cependant, une certaine théâtralité se dégage grâce au léger décalage entre ce qui est dit et ce qui est en train de se dérouler sur le plateau amenant des situations cocasses. Les conversations entre chaque performeur, souvent stériles, ne manquent pas d’esprit. Tout en bavardant, les artistes ont un objectif bien précis avec des actions minutieuses à effectuer avec des cordes et du scotch colorés. Ils doivent faire des concessions et accepter les singularités de chacun pour faire coexister le groupe indivisible et arriver à l’objectif final. Le processus de l’installation s’opère sous les yeux du public. Avec une contrainte donnée, le jeu dans ce qu’il a de plus pur, de plus récréatif, ludique et organique surgit. La chorégraphe s’interroge sur la notion de groupe et de collectif. Les performeurs savent jouer avec les petits accidents et imprévus de la représentation ce qui conduit le spectacle vers une authentique poésie de l’instant.

Dans la verrière de la Condition Publique, le danseur François Chaignaud et le pianiste Romain Louveau rendaient hommage à Isadora Duncan, pionnière de la danse libre décédée en 1927. Figure mythique de la danse occidentale, la danseuse et chorégraphe américaine s’émancipe de toutes les conventions chorégraphiques et théâtrales de son temps abolissant les pointes et le corset pour les femmes. Ses gestes et ses mouvements, en totale harmonie avec la nature, sont inspirés par les postures des chœurs tragiques de la Grèce Antique ainsi que par les représentations mythologiques de la renaissance italienne. François Chaignaud propose une émouvante réinterprétation intime et incarnée. Son corps, fascinant, s’abandonne tout entier à l’univers dans une expressivité contemplative et admirative de la nature.

DES SPECTATEURS À LA FOIS ACTEURS DE LA REPRÉSENTATION

À la salle des fêtes de Fives, le metteur en scène néerlandais Julian Hetzel nous invitait, par petits groupes, à visiter une usine sous forme de parcours déambulatoire avec Mount Average. La performance place le spectateur dans un autre rapport avec la représentation puisque nous devenons, à notre insu, tantôt témoin, observateur tantôt acteur et bâtisseur de ce qui est en train de se dérouler. L’installation mène une réflexion sur le passé, le présent et le futur affirmant que ce dont redoute le plus l’humanité est le passé. Les êtres humains veulent garder un contrôle absolu sur le futur sans reconnaître les erreurs du passé notamment les drames liés à la colonisation. Cependant, « la stabilité réside uniquement dans le mouvement ». Le metteur en scène démonte la magnificence, par l’art, des pouvoirs hégémoniques de certains dirigeants. La performance est un vrai coup de cœur, elle nous met face aux égarements de notre histoire tout en nous déstabilisant tant sur la réflexion du parcours que sur sa mise en œuvre.

Le festival s’est clôturé mardi 28 juin 2022 avec The Dancing Public de Mette Ingvarsten au Grand Sud que LillelaNuit a eu la chance d’aller voir lors de l’édition 2021 du Next Festival.

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