Monologue poétique de Koltès, La nuit avant les forêts met le spectateur face à un individu perdu, qui aborde un inconnu dans la rue, car il ressent un besoin urgent de raconter son histoire. Il ne veut rien de lui que son temps, son attention, et une chambre : non pas y dormir, mais pour être au calme une partie de la nuit, et pouvoir exprimer ce qu’il a à dire.
Ecrit en 1977, cette œuvre garde pourtant son actualité à notre époque : le personnage, dont nous ne connaîtrons jamais l’identité – et qu’importe – expose, à travers une langue simple, souvent répétitive – il cherche ses mots pour traduire sa pensée la plus juste – le malaise qu’il éprouve à vivre dans un monde, dans lequel il se sent toujours étranger : on glisse de la mondialisation au racisme, de la prostitution au syndicalisme. Tout y passe et tout devient écœurant, l’humanité est montrée dans ce qu’elle a de plus sombre. On comprend alors pourquoi et comment cet homme en est arrivé à refuser de participer au système, pourquoi il voudrait le renverser.
Difficile de mettre en scène un monologue sans risquer de perdre un spectateur. Défi rempli par Azzedine Benarama, dont le jeu, puissant, toujours en tension et d’une extrême justesse, permet d’emporter le public, qui lui a manifesté un accueil chaleureux au terme de la représentation. Il est accompagné tout au long du spectacle par un musicien, Dorian Baste, dont les airs de blues font écho à la souffrance du personnage. On peut souligner le travail exceptionnel réalisé autour de la lumière dans ce spectacle. Alors que le plateau est assez épuré, reflétant la solitude des hommes dans le paysage urbain, les ombres de l’acteur donnent plus de force à certaines de ses répliques et font vivre plus intensément certaines des histoires qu’il livre à son interlocuteur.
De Bernard-Marie Koltès, mis en scène par Eric Castex
Un spectacle à voir du 12 au 22 mars 2014 à l’Idéal de Tourcoing.
