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Shabazz Palaces + Thee Satisfaction au De Kreun de Courtrai

Commençons par un peu de vocabulaire.

Underground : adjectif invariable (de l'américain underground : souterrain). Se dit de spectacles, de films, d'oeuvres littéraires, de revues d'avant-garde réalisés en dehors des circuits commerciaux. (Larousse)

Hip Hop Underground : expression créée par les critiques musicaux pour désigner un Hip Hop musicalement recherché et refusant les codes bling-bling et caricaturaux du Rap Commercial. Il est à noter que le Hip Hop Underground est souvent porté aux nues par les critiques et tristement ignoré du grand public. Exemple: « Hier soir, je suis allé voir un concert de Hip Hop Underground. C'était super mais il n'y avait pas un chien dans la salle. »

En voyant les quelques quarantes pelés ayant fait le déplacement au De Kreun en ce soir du 5 octobre, aucun doute possible : Thee Satisfaction et Shabazz Palaces peuvent être définitivement  rangés dans la catégorie du Hip Hop Underground. Malgré leur signature sur un label mythique : Sub Pop.

Difficile de faire plus à la marge que le groupe Thee Satisfaction. Deux petites gonzesses afro-américaines qui, dans un genre plutôt porté par la testostérone et le machisme, se revendiquent comme féministes et lesbiennes.

Mais nulle question d'un Rap revanchard et protestataire, portant haut et fort les revendications d'une minorité. En couple sur scène comme dans la vie, Stasia Irons et Catherine  Harris-White prêchent des sentiments positifs. L'attitude est old-school. L'entrée sur scène se fait en dansant. Chaque morceau est accompagné de sa petite chorégraphie. L'esprit est festif. Hédoniste. Les paroles privilégient la dérision, l'humour. Du cool à l'ancienne. Nous replongeant aux débuts des 90's. Quand De La Soul ou A Tribe Called Quest étaient les maîtres.

L'approche de la scène est simple. Minimaliste. Deux micros. Et un laptop. Soul Sistas de l'ère digitale, ce sont les voix qu'elles mettent en avant. Des voix chaudes, sophistiquées, pleines de suavité. Gorgées de Soul. De Jazz. Parfaitement maitrisées. Se complétant à merveille. Avec amour. Un très agréable moment.

Changement d'ambiance radical avec les Shabazz Palaces. Avec qui Thee Satisfaction entretient pourtant des relations artistiques étroites. Les Shabazz Palaces apparaissant sur leur album ('Awe Natural') et les ayant pris sous leurs ailes protectrices.

Drôles de protecteurs, d'ailleurs. A l'aura extra-terrestre. Plus proches de l'Alien belliqueux de Ridley Scott que du gentil E.T. de Spielberg.

On n'assiste pas à un concert de Shabazz Palaces. On se confronte à lui. Comme un enfant de huit ans regardant pour la première fois '2001, L'Odyssée De L'Espace'. On ne comprend pas. On se perd. On lutte pour garder ses repères.

Avant-gardiste, la musique du groupe de Seattle brise les codes. En inventent d'autres. Elle est un langage mutant dont on ne saisit pas tous les tenants et les aboutissants. Quelques racines, quelques syllabes, quelques sonorités semblent familières aux oreilles : la musique tribale, le Jazz, l'Electro, la musique industrielle, des touches de Funk ou de Soul. Mais elles sonnent comme des langues mortes.

Les deux musiciens et vocalistes poussent leurs expérimentations dans des retranchements lointains, cosmiques. Les plongent dans des trous noirs dévastateurs. Le futur n'a jamais semblé aussi proche. Les Shabazz Palaces, en fait, plus qu'aux Aliens, s'apparentent davantage aux Etrangers du film 'Dark City' d'Alex Proyas, ces êtres inquiétants qui, chaque nuit, stoppent le cours du temps et remodèlent une ville dont les humains ne peuvent s'échapper. Car c'est à l'architecture de la musique elle-même qu'ils s'attaquent. Offrant ainsi une nouvelle réalité. La leur.

L'expérience est effrayante, déstabilisante. Mais profondément fascinante.

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