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« Enzo » : Robin Campillo réalise le film posthume de Laurent Cantet

« Enzo » : Robin Campillo réalise le film posthume de Laurent Cantet

Robin Campillo Enzo Style : Cinéma Date de l’événement : 18/06/2025

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Dans l’Actu ciné de cette semaine, LillelaNuit vous invite à découvrir Enzo, un film poignant initialement porté par le regretté Laurent Cantet, finalement réalisé par Robin Campillo. Plus qu’une passation, Enzo s’impose comme un récit sensible et profondément humain. Une œuvre où la jeunesse devient le miroir d’un monde en tension. Entretien avec le réalisateur, Robin Campillo.

Enzo est un projet audacieux et très singulier. Sans entrer dans les détails personnels, comment s’est prise cette décision de reprendre le flambeau de Laurent Cantet ? Car à l’origine, ce film était le sien et comme le mentionne le générique, il est finalement réalisé par Robin Campillo.

Robin Campillo : En fait, il y a quelques années, Laurent avait commencé à travailler sur ce projet. Il m’en parlait depuis longtemps. À l’origine, il s’agissait simplement de cette idée d’un adolescent en rupture avec sa famille bourgeoise. Il avait collaboré avec Gilles Marchand, et ensemble, ils avaient rédigé un traitement d’une vingtaine de pages. Puis Laurent a eu un petit coup de mou. Il n’était plus sûr de vouloir poursuivre ce projet ; il envisageait peut-être un autre film. Et c’est à ce moment-là qu’il a reçu un diagnostic de cancer assez grave. Quand j’ai lu ces vingt pages, j’ai été très enthousiaste. Je trouvais qu’il y avait quelque chose de vraiment fort dans ce qu’ils avaient posé. Même si c’était le film de Laurent, j’y voyais une vraie beauté, quelque chose qui me touchait profondément. Je lui ai donc proposé qu’on relance le projet ensemble : je l’ai encouragé à se mettre dans une dynamique positive. Je lui ai dit qu’on pouvait travailler à deux sur le scénario, faire le casting ensemble, avancer main dans la main. Et que je serais présent sur le tournage, au cas où il se sentirait fatigué. À ce moment-là, on pensait que les traitements suffiraient et qu’il aurait besoin de moins d’énergie sur le plateau. Je pourrais alors faire office de Poisson Pilote, de relais auprès de l’équipe. Et comme d’habitude, je me serais occupé du montage. Il me faisait confiance sur ce point-là ; on avait toujours été assez d’accord sur les choix de montage, donc ce n’était pas un souci. Mais au fil du temps, son état s’est détérioré. Le diagnostic s’est assombri. Et là, des questions plus concrètes ont commencé à se poser : les assurances, les obligations juridiques, etc. Il a donc fallu que je devienne officiellement présent, que je prenne une place plus claire dans le projet. C’est ce qu’on appelle la « garantie de bonne fin ». À ce moment-là, on s’est dit qu’on avançait. Laurent avait déjà entamé une démarche de repérage. Il avait trouvé ce chantier à La Ciotat, une ville où il se rendait souvent.

Parallèlement, on avait trouvé les deux acteurs non professionnels, Maksym Slivinskyi et Éloi Pohu. On avait aussi arrêté notre choix sur les deux acteurs qui joueraient les parents. Et puis, on avait commencé à constituer l’équipe. Par exemple, j’avais proposé d’amener Jeanne Lapoirie pour la lumière. Donc on s’était déjà beaucoup impliqués ensemble dans le projet, on travaillait à deux. Mais, malgré tout, cela restait son film, son projet. On discutait de mise en scène, comme on l’a toujours fait. Et là, sans vraiment s’en rendre compte, on est peut-être allés un peu plus loin que d’habitude dans la transmission de ce que devait être le résultat final. On a abordé des questions très simples mais essentielles, comme l’ambiance lumineuse du film, son caractère « solaire ». Par exemple, on ne voulait pas que le chantier soit bruyant comme dans la réalité, mais qu’il reste calme, paisible, ce qui est paradoxal, mais c’était un choix esthétique. On discutait de tout cela.

Puis, après que Laurent a annoncé aux deux jeunes comédiens, Éloi et Maksym, qu’il les prenait pour le film, une semaine plus tard, il est tombé très malade. Il a contracté une infection très sévère.

À l’hôpital, un dialogue s’est alors noué. On s’est demandé : est-ce qu’on continue le projet ou non ? C’était une situation assez étrange, évidemment. Lui, il vivait quelque chose que moi, je ne peux pas pleinement comprendre. Mais il y a eu une forme de calme dans nos échanges à ce moment-là. On a très vite abordé la question : doit-on poursuivre le tournage ?

Laurent Cantet

Laurent disait : « Laissez tomber, je ne veux pas embêter tout le monde avec mon film. » Il avait un peu peur de déranger. Puis, j’ai eu une discussion au téléphone avec la productrice, Marie-Ange Luciani. Elle m’a demandé : « Tu lui as dit que tu serais content de faire le film ? » Et je lui ai répondu : « Non, je ne suis pas sûr de lui avoir vraiment dit. »Son épouse, elle, insistait aussi pour lui dire qu’elle voulait voir ce film aboutir. Finalement, je pense que Laurent en était heureux. Je lui ai dit alors : « Je ne suis pas sûr de faire le film que toi, tu aurais fait. » Et c’est vrai : je ne sais même pas ce que ça veut dire, faire « un film à la manière de Laurent Cantet », ni même ce que cela signifie faire un film à « ma manière ».

Moi, je suis parti dans cette aventure avec un mélange d’excitation… et surtout, une forme de protection. Car même si c’était angoissant de se lancer dans un tournage sept semaines plus tard, cette angoisse m’a protégé de la tristesse. Ça m’a permis, en quelque sorte, de commencer un processus de deuil. C’était presque l’idéal, en vérité. Aujourd’hui, je suis content qu’on ait pu mener tout cela à bien. Parce que l’alternative aurait été bien pire : si on avait tout arrêté, mis le scénario dans un tiroir… on aurait non seulement perdu le film, mais surtout perdu Laurent. Quand on n’a pas le choix, on résout les choses très vite, parce qu’on est confronté à un mur. Un peu comme le jeune Enzo dans le film : face au mur, on est obligés de construire.

...si on avait tout arrêté, mis le scénario dans un tiroir… on aurait non seulement perdu le film, mais surtout perdu Laurent.

Robin Campillo, réalisateur

Enzo a 16 ans, il s’interroge sur son avenir, ce qui, au fond, est assez classique.  Mais le film évite l’écueil de la crise d’adolescence banale. Quelles ont été les réflexions pour construire le personnage d'Enzo, pour qu'on n'ait pas l'impression que ce soit juste une crise d'ado basique ou peut-être un coming-out comme on en voit assez régulièrement ?

Robin Campillo : En réalité, le coming-out en lui-même n’est pas si central. Ce qui comptait pour nous, c’était davantage le fait qu’Enzo soit encore mineur, et surtout que cette révélation soit utilisée comme une arme contre son père, un peu comme un acte de provocation. C’est cet aspect-là qui nous intéressait. On n’a jamais voulu suggérer que les parents ou le frère étaient homophobes. Même du point de vue de Vlad, on aurait pu en faire un personnage plus marqué par son origine ukrainienne, en insistant sur une possible homophobie, mais on n’a pas du tout pris cette direction. Au contraire, Vlad est plutôt un personnage surpris par le désir qu’il suscite chez Enzo. Il ne comprend pas très bien ce qui se passe, il s’interroge, presque naïvement.

Concernant la figure de l’adolescent, on voulait s’éloigner des représentations classiques. On s’est rendu compte, au fil de l’écriture, que notre modèle n’était pas celui de l’ado qui fait la tête, qui s’oppose par principe. Ce qu’on cherchait, c’était un adolescent qui ne se sent pas appartenir au monde qui l’entoure, qui est dans une forme de désynchronisation, une arythmie, avec ce monde.On pensait beaucoup au personnage de Bartleby chez Herman Melville, celui qui dit : « Je préférerais ne pas ». C’était ça, notre point de départ. Lors du casting, la majorité des adolescents qu’on voyait ne correspondaient pas. Ils incarnaient plutôt le stéréotype du jeune rebelle, un peu buté, dans le registre du « je fais ce que je veux». Ce n’était pas ce qu’on voulait. Nous, on cherchait un adolescent plus lunaire, presque nocturne. Et quand on a rencontré Éloy, ça a été une évidence. Il dégageait quelque chose de très fort : il était taiseux, jamais en colère, mais extrêmement énigmatique. Et on s’est dit que l’adolescence, ce n’est pas forcément une crise vécue par l’adolescent, mais une crise que l’adolescent provoque autour de lui. Il devient comme un sphinx, une énigme. Pour nous, l’adolescent, c’est celui qui, en creux, pose cette question aux adultes : « Qu’avez-vous perdu au fil du temps ? Qu’est-il advenu de l’idéal que moi, je porte encore ? » C’est ce trouble-là qu’on voulait explorer. Ce jeune qui, sans forcément parler, crée une sorte de tension autour de lui.

Et on s’est dit que l’adolescence, ce n’est pas forcément une crise vécue par l’adolescent, mais une crise que l’adolescent provoque autour de lui.

Robin Campillo, réalisateur

Quand on a commencé à travailler avec Éloy, on lui a proposé un jeu très intérieur : parler comme s’il se parlait à lui-même, comme si les autres n’existaient pas autour. Ça a produit quelque chose de très particulier. Même les comédiens professionnels comme Élodie Bouchez et Pierfrancesco Favino, face à lui, se retrouvaient un peu décontenancés. Ils jouaient des parents sincèrement dépassés, se demandant presque : « Mais pourquoi il joue comme ça ? » Et ce trouble, nous, on le trouvait fascinant. Éloy donnait au personnage une dimension énigmatique, étrange, méditative. Son désir envers Vlad, par exemple, n’est pas simple ou purement sexuel. Il est composite : il touche à la guerre, à l’exil, à la fraternité. Avec Laurent, on parlait parfois d’un certain « masculinisme » latent, d'une fascination un peu dérangeante, comme lorsqu’il dessine des militaires torse nu. Ce n’est pas un fantasme très "sympathique", mais il a quelque chose d’authentique, de frontal.

Enzo, comme le dit son père dans le film, « c’est un petit bourge qui se raconte des histoires ». C’est sans doute vrai. Mais en même temps, il incarne une exigence propre à la jeunesse. Une forme de radicalité qu’on peut juger excessive, mais qui, pour eux, est normale.

Photo 2 - ENZO ©Les Films de Pierre

Même si le film échappe aux clichés, et d’ailleurs, tous les films sur les adolescents ne tombent pas dans ces travers, est-ce qu’on peut dire que, d’une certaine manière, il appartient au genre du teen movie ? Parce qu’on y retrouve plusieurs éléments typiques : le passage de l’adolescence à l’âge adulte, la naissance du désir, mais aussi la violence que ce désir peut provoquer.

Robin Campillo : C’est drôle, parce que j’ai toujours du mal à définir les films que je fais. Par exemple, dans ce cas précis, il y a à la fois la représentation des adolescents à l’écran, et puis il y a la manière dont les adolescents reçoivent, perçoivent le film, ce qui n’est pas du tout la même chose. Prenez 120 battements par minute : ce n’est pas un teen movie, parce que les personnages sont plus âgés, même s’il y a des jeunes dedans. Pourtant, c’est un film qui a énormément parlé aux adolescents. Donc ça complique un peu les catégories.

Pour celui-ci, je pense qu’il y a effectivement une dimension teen movie, et vous avez raison de dire qu’il ne faut pas avoir peur d’utiliser ce terme. On a choisi d’appeler le film Enzo parce qu’on n’a jamais trouvé de meilleur titre que le prénom du personnage. Et quand j’ai vu Eloy, j’ai même pensé que le film aurait pu s’appeler Eloy. Il y a quelque chose d’évident : c’est un film d’adolescent, mais pas dans le sens d’un portrait de « l’adolescence » en général. C’est comme si le film lui-même était adolescent. Il incarne l’adolescence, plutôt qu’il ne l’illustre.

Et au-delà de ça, je pense que le film est très ancré dans notre époque. Aujourd’hui, la question de l’adolescence se pose différemment. On traverse une période particulière en France, où la transition vers l’âge adulte est de plus en plus encadrée, presque étouffante. Quand on a retravaillé le scénario avec Laurent, c’est quelque chose qui nous préoccupait : ce « couloir » dans lequel on enferme les adolescents avec le système éducatif, Parcoursup, les choix de plus en plus précoces. On est même allés jusqu’à entendre une ministre proposer qu’on parle d’orientation dès la maternelle… On touche là à une forme d’absurdité.  Je trouve que tout ce système de Parcoursup, c’est vraiment une espèce de… Je me rappelle toujours cette phrase de Borges : « Il n’y a pas pire labyrinthe qu’un labyrinthe en ligne droite.» Pour moi, c’est exactement ça. Je ne pense pas que ça convienne aux ados. On sent très bien qu’il y a un énorme problème de santé mentale chez les jeunes aujourd’hui.

Parce qu’en fait, il faut faire une prépa dès qu’on sort du lycée, c’est du délire. Moi, je n’ai pas vécu ça. Dans les années 70, j’ai passé trois-quatre ans à faire n’importe quoi. Ce que je suis devenu, ce que j’ai créé aujourd’hui, c’est lié à cette période-là, c’est évident.

Mais là, on est dans un truc rigide, strict. Et en parallèle, on vit dans un monde qui est au bord du chaos, avec une guerre qui menace pour la première fois l’Europe de manière très réelle. On a Gaza, d’autres conflits, et tout ça, c’est très violent. Pour moi, il y a un hiatus entre ces deux réalités : ce couloir qu’on propose aux jeunes est une fausse protection face à un monde qui va très mal. On crée quelque chose de très rigide, parce qu’on sent que tout s’effondre. Je pense que la jeunesse et les adolescents vivent ça très fortement. Chez Enzo, sa peur, c’est une peur qu’il exprime en voulant se confronter directement à la réalité, comme s’il anticipait la peine aux armes, en se disant « il faut y aller ».

Il y a aussi une rêverie chez lui. Ça me fait penser au Camion de Duras. Quand j’étais gamin, dès que j’entendais une voiture ou un camion passer, je me disais que j’allais monter dedans, tomber amoureux d’un garçon et partir au bout de la nuit, s’évader de tout ça. Pour moi, Enzo a cette envie de partir. Mais en fait, ce qui le rassure presque, c’est de se lancer dans la bagarre plutôt que de rester dans ce confort qui ne paraît qu’un rideau fragile, prêt à s’écrouler à tout moment.

Photo 3 - ENZO ©Les Films de Pierre

Depuis des décennies, dans l’histoire du cinéma, certains réalisateurs font appel à des comédiens non professionnels. On pense à Pasolini, ou à Dumont. Pourtant, on continue à faire la distinction entre acteurs professionnels et non professionnels. Mais dès qu’ils sont devant une caméra, ce sont des acteurs, ce sont des comédiens.

Robin Campillo : Je suis tout à fait d’accord avec ça. Ce qu’on cherche, c’est justement parmi les non-professionnels des gens qui ont la fibre d’acteur. En fait, on ne choisit pas des personnes parce qu’elles sont mauvaises, mais parce qu’elles sont bonnes. Cette réflexion qui distingue professionnels et non-professionnels me semble absurde. Par exemple, il y a Jalil Lespert, que Laurent a découvert. Dès son premier court-métrage, Laurent l’a pris, mais je me souviens que c’était son père qui devait jouer le rôle. Il a amené son fils pour lui donner la réplique. Laurent m’a dit que ce jeune homme était super pour le rôle, plus que son père ! Et quand j’ai vu les images, je n’ai pas vu un non-professionnel, mais quelqu’un d’incroyable. On a eu la même expérience avec Eloy. Même s’il n’a pas fait de théâtre, ni suivi un cursus classique, il avait déjà ce désir d’acteur en lui. Ce n’est pas venu par hasard. Il est venu parce qu’il était intéressé, et il a une discipline de sportif, ce qui est essentiel pour être acteur. Il n’a aucun trac, car comme dans une compétition sportive, le trac serait un handicap. Il connaissait son texte par cœur, et il savait très bien quand il devait insister ou répéter une réplique.

Maksym, de son côté, est ouvrier mais a toujours voulu être mannequin, ce que je crois être une manière pour lui de dire qu’il voulait être comédien. Lorsqu’il a été confronté aux premières scènes avec de longs dialogues, on a pu voir cette envie et cette capacité se révéler. Moi, je l’ai poussé à exprimer un peu plus sa colère parce que je trouvais que c’était trop faible au début. En fait, ce sont ses premières prises qu’on voit dans le film, donc c’est vraiment son travail à lui à l’écran, pas le mien. Parce que moi, je me suis un peu planté, lui avait en fait travaillé sur quelque chose de beaucoup plus subtil.

Je suis d’accord avec vous : on trouve des non-professionnels, mais ce sont quand même des comédiens. C’est pareil pour 120 battements par minute. Ce qui est drôle, c’est que la moitié venait du conservatoire, et l’autre moitié, on les a trouvés sur Facebook. Personne ne se demande qui vient d’où, c’est impossible à repérer. D’ailleurs, à partir de combien de films devient-on un professionnel ? Ce qui me frappe, c’est que les gens reviennent beaucoup. Eloy, c’est évident qu’il joue très bien, mais même pour Vlad, on me dit souvent qu’il a une personnalité incroyable et un jeu formidable. C’est vrai qu’il parle encore mal français, il manque d’aisance et de facilité, mais ça va venir dans deux ou trois mois. Je l’ai vu quand il a revu le film à Cannes, il l’avait déjà vu avant, et il est venu me dire : « Oui, mais tu vois, cette scène, ce n’est pas exactement ce que je voulais faire. » Je trouve ça intéressant, il est déjà dans une vraie réflexion, ce n’est pas juste : « J’ai fait ce film, et maintenant c’est fini. »

Robin Campillo

Le terme d'acteur non professionnel, n'est-il pas bourgeois ou, disons, lié à une certaine classe sociale ? C'est assez méprisant.

Robin Campillo : Vous savez, il y avait eu un petit clash entre Laurent et un comédien assez connu. En fait, pour un rôle, Laurent avait fait un casting, souvent il préférait prendre des non-professionnels, des gens qu’on ne connaît pas. On appelle ça un « casting sauvage », ce qui peut paraître dévalorisant. Et là, il avait expliqué à cet acteur qu’il avait tendance à choisir des inconnus parce qu’ils ont plus de mystère, on ne sait pas d’où ils viennent, et ça crée quelque chose. Mais l’acteur lui avait répondu quelque chose que j’ai trouvé terrible : il disait que ce n’était pas bien parce que ça sort quelqu’un de son milieu, mais qu’après, cette personne y retournait, et que c’était très humiliant pour elle. Laurent ne voulait plus travailler avec lui après ça, et je trouvais que c’était un vrai mépris social.

Avec Laurent, on en discutait souvent : par exemple, le père qui jouait dans Ressources humaines était très fier d’avoir fait ce film, même s’il n’a pas fait carrière après. Ce film a eu un vrai impact pour lui. Je trouve qu’il y a vraiment un rapport de classe qui décide qui a le droit de jouer, et c’est complètement aberrant. Surtout que Laurent avait cette inspiration de Roberto Rossellini, qui abordait justement le mélange des classes. Quand Rossellini intègre Ingrid Bergman dans la société Rossellini est profondément sensible à ces questions de classes sociales. D’ailleurs, Hollywood n’a jamais pardonné à Ingrid Bergman de s’être engagée dans ce cinéma-là, qu’ils considéraient comme un cinéma « prolo ». Vous avez raison, je suis totalement d’accord.

Les infos sur Enzo

Enzo de Laurent Cantet et Robin Campillo
avec Eloy Pohu, Pierfrancesco Favino, Élodie Bouchez, Maksym Slivinskyi

Sortie le 18 juin 2025
Durée : 1h42

Synopsis : Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.

Entretien réalisé par Grégory Marouzé et Camille Baton
Retranscription de l'entretien par Camille Baton.

Affiche et film-annonce : Ad Vitam
Photos : Les Films de Pierre
Autres photos : tous droits réservés
Remerciements : Majestic Lille

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