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« Je ne suis pas un salaud » : Nicolas Duvauchelle dans un polar social tourné à Lille

Synopsis : Lorsqu’il est violemment agressé dans la rue, Eddie désigne à tort Ahmed, coupable idéal qu’il avait aperçu quelques jours avant son agression. Alors que la machine judiciaire s’emballe pour Ahmed, Eddie tente de se relever auprès de sa femme et de son fils et grâce à un nouveau travail. Mais bientôt conscient de la gravité de son geste, Eddie va tout faire pour rétablir sa vérité. Quitte à tout perdre…

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Nicolas Duvauchelle : "Eddie est un personnage qui me touche beaucoup (...) Je voulais faire un constat de ce mec le plus neutre possible."


Critique :
Je ne suis pas un salaud voilà un film que nous attendions à Lille La Nuit. Pour son titre fort, qui sonne comme le refus d’une injustice. Et par conséquent, comme la promesse d’un film qui ne se laissera pas enfermer dans les carcans d’une production cinématographique bien pensante.

Il y a également l’envie de retrouver un cinéaste dont nous apprécions le travail depuis une bonne quinzaine d’année : Emmanuel Finkiel ! D’abord assistant réalisateur pour Godard ou Tavernier, Finkiel commet un coup d’éclat en 1999 avec un premier long-métrage exemplaire, incontournable : Voyages. Le film obtiendra les César des meilleurs premier film et montage.

Après Voyages, Finkiel ne redoute pas de signer quelques courts métrages - voici un auteur libre qui ne se sent pas dans l’obligation de ne réaliser que des longs - Il tourne aussi des documentaires. Un réalisateur discret, donc. Mais bien présent. Sur le qui-vive.

Alors, c’est comment, Je ne suis pas un Salaud ? Si le métrage aurait peut-être mérité d’être resserré de quelques minutes, on ne peut nier qu'il s'agit de l'un des films français les plus intéressants de ce début d’année.

Tourné à Lille et dans ses environs, on reconnait certains décors - Euralille, des écoles, rues aussi -. Mais le récit aurait pu se dérouler ailleurs en France. Car Finkiel raconte une histoire de notre époque. Qui concerne chacun d’entre nous. Où que nous vivions en France.

Je ne suis pas un Salaud est l’histoire à priori banale d’un type : Eddie. Il exerce un job qui ne lui plait pas. Se lève chaque matin pour gagner un salaire de misère. Il a une nana et un fils, vit dans une cité, une HLM comme il en existe des milliers. Il boit. Trop. Un type paumé mais un mec bien qui un jour rend un pauvre gars responsable de l’agression dont il fut la victime. Eddie va craquer… Eddie va s’acharner…

Nous n’en dirons pas davantage. On précisera juste que le sujet pourrait faire craindre le pire. Il n’en est rien. Car une fois de plus, il y a un cinéaste derrière la caméra. Qui fait des choix de mise en scène, rend les décors et la géographie du film autant oppressants pour les personnages que pour les spectateurs.

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Je ne suis pas un salaud : dire des choses sur la société, la politique, l'humain par le biais du polar.


Je ne suis pas un Salaud est un polar social. On retrouve une nouvelle fois cette idée que le cinéma policier peut nous en apprendre beaucoup sur notre société, la politique, les lieux dans lesquels nous vivons et, bien sûr, sur nous-mêmes. Et si la manière de faire n’est évidemment pas la même, on voit une certaine parenté entre le film Finkiel et le remarquable dernier long de Pierre Jolivet, Jamais de la Vie.

Je ne suis pas un Salaud fut présenté en avant-première en novembre 2015 lors du dernier Arras Film Festival (bonne idée d’avoir sélectionné le film) mais c’est à Lille que nous avons rencontré Emmanuel Finkiel et Nicolas Duvauchelle.

Nous nous sommes d’abord adressé au cinéaste car nous voulions savoir pourquoi, lui aussi, avait décidé de parler de notre époque par le biais du polar et du film noir qui font progresser la narration en crescendo jusqu’à l’inéluctable.

Emmanuel Finkiel : “L’exercice du genre nous indique qu’une tension se noue. Monte, monte et éclate ! Si vous pouvez la faire correspondre au mouvement intérieur d’un personnage hé bien oui, je pense que c’est un bon outil pour parler de choses plus profondes mais tout à fait simples. Les failles qu’il (Eddie) a  … alors effectivement il en a beaucoup, peut-être, au mètre carré chez lui… Mais moi je pars du principe - d’autres ne seront pas d’accord ou ne voudront pas être d’accord - qu’il y a beaucoup de ses failles qui sont les nôtres.”

Le cinéma de genre, donc, pour faire naître des émotions - fortes - chez le spectateur comme chez le personnage. C’est somme toute assez logique quand on sait que l’humain est au cœur du cinéma de Finkiel. Jusqu’à se retrouver dans le titre de ses deux derniers films, à la première personne : Je suis. Je ne suis pas

Mais justement, Il fallait trouver le bon acteur pour donner vie à Eddie. Concentration d’émotions exacerbées, de violence, d’humanité, de colère, de sentiments mélangés, qui auraient pu donner lieu à un personnage au mieux irréel, au pire caricatural. Nicolas Duvauchelle évite tous ces écueils. On avait été scotché par sa prestation dans Le Combat Ordinaire, d’après la BD de Manu Larcenet. Beau film passé inaperçu. Il progresse encore dans Je ne suis pas un Salaud. Son jeu s’affine, une ambiguïté s’installe. Un palier supplémentaire est franchi par l’acteur.

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Le jeu de Duvauchelle s’affine, une ambiguïté s’installe. De plus, l'acteur fait de bons choix de films.


Nicolas Duvauchelle :
“C’est très gentil ce que vous dites. Mais je ne sais pas si je suis vraiment conscient de ces choses-là. Moi j’ai appris sur beaucoup de tournages. On apprend tout le temps. Peut-être que ça me ressemblait pas mal, déjà ! Je n’avais pas envie de faire d’Eddie un salaud. J’ai peut-être fait des choses plus fines. C’est peut-être la mise en scène. La direction de Manu (Emmanuel Finkiel) aussi. On n’est pas tout seul. C’est vrai aussi que c’est un personnage qui me touche beaucoup. (…) Je ne voulais pas embellir les choses ou les rendre plus moches qu’elles le sont. Je voulais quelque chose d’authentique. Je voulais faire un constat de ce mec le plus neutre possible.”

Ce qui frappe aussi dans Je ne suis pas un salaud, c’est qu’on y retrouve également des acteurs amateurs. Nous voulions savoir comment le tournage s’est déroulé entre acteurs pros et ceux qui ne le sont pas.

Nicolas Duvauchelle : "Pour moi très bien. Même moi j’ai jamais fait de cours. J’ai jamais rien fait pour être acteur. Même si aujourd’hui je gagne ma vie avec ça, je me considère comme un acteur non-professionnel, on va dire. C’est pas comme certains qui veulent être acteurs depuis tout petit. T’en as qui font des cours depuis dix ans. Leur truc c’est d’être acteur, d’être acteur, d’être acteur ! C’est très bien. Mais moi j’ai jamais eu ce truc. C’est toujours assez confus dans ma tête. Pour moi, ces amateurs peuvent être acteurs. C’est pas plus compliqué que ça. Et après, souvent, c’est beaucoup plus vrai ! (…) Tu as des comédiens pro qui ont leur musique. Ils jouent pas du tout avec toi. C’est fou, quoi ! Tu vas dire les choques cinq fois différemment, ils vont te répondre de la même manière. Aucune interaction ! (…) Donc souvent avec des gens qui n’ont rien fait comme avec la juge ou le petit, il y a un vrai truc qui se passe, quoi !”

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Une fois de plus Mélanie Thierry surprend, étonne. Qu'on aime retrouver cette actrice au cinéma.


En tout cas l’alchimie passe entre Duvauchelle et sa partenaire Mélanie Thierry.
Elle aussi ne cesse d'étonner à force de choix courageux et audacieux (qui a vu l’intéressant L'Autre Vie de Richard Kemp ?). Dans Je ne suis pas un salaud, elle a même accepté de jouer sans aucun maquillage - peu d’actrices le font -. Elle n'en est que plus belle. Grâce à ces beaux acteurs et même s’il est souvent dur et douloureux, nous vous conseillons ce voyage au bout de la nuit auquel vous convie Finkiel.

Je ne suis pas un salaud d'Emmanuel FINKIEL
Producteurs Christine GOZLANDavid POIROT
Scénario original Emmanuel FINKIEL
Collaboration Julie Peyr
Musique Chloé
Produit par Thelma Films avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée Pictanovo avec le soutien de la Région Nord-Pas-de-Calais
En partenariat avec le CNC Avec la participation SOFITVCINE 2 et CINÉMAGE 9
Durée 1h51
Sortie le 24 février 2016
Photos, film-annonce et affiche © Bac Films

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