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« Les Innocentes » : Lors de la seconde guerre mondiale, des religieuses face à la barbarie

Synopsis : Pologne, décembre 1945. Mathilde Beaulieu, une jeune interne de la Croix-Rouge chargée de soigner les rescapés français avant leur rapatriement, est appelée au secours par une religieuse polonaise. D’abord réticente, Mathilde accepte de la suivre dans son couvent où trente Bénédictines vivent coupées du monde. Elle découvre que plusieurs d’entre elles, tombées enceintes dans des circonstances dramatiques, sont sur le point d’accoucher. Peu à peu, se nouent entre Mathilde, athée et rationaliste, et les religieuses, attachées aux règles de leur vocation, des relations complexes que le danger va aiguiser... C’est pourtant ensemble qu’elles retrouveront le chemin de la vie.

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En portant l’histoire de ces religieuses polonaises, Anne Fontaine fait quasi œuvre d’historienne.

Critique : Cette semaine, le choix de Lille La Nuit s’est porté sur Les Innocentes, le quinzième long-métrage de la scénariste et réalisatrice Anne Fontaine. Elle aime explorer différents genres. Elle s’est illustrée dans la comédie, le drame, le thriller, la chronique sociale, le biopic, l’adaptation d’un roman graphique. Quelques titres : Nettoyage à Sec, Comment j’ai tué mon père, Entre ses Mains, Perfect Mothers, Coco avant Chanel, Gemma Bovery

On peut trouver ses films inégaux, tiquer sur ses choix de mises en scène (qui frôlent parfois l’académisme) mais on ne peut nier son éclectisme et sa grande curiosité.

Disons le tout de suite, Les Innocentes est un bon cru. On peut même considérer qu’il s’agit de son meilleur film depuis Nettoyage à Sec et Comment j’ai tué mon père. Déjà, il y a le sujet des Innocentes, très fort. Un épisode tragique, douloureux, affreux de la seconde guerre mondiale que nous ne connaissions pas. En portant l’histoire de ces religieuses polonaises violées par des troupes de l’occupation allemande, Anne Fontaine fait quasi œuvre d’historienne. On est reconnaissant à la réalisatrice d’avoir sorti de l’oubli ce drame terrible et de nous le révéler.

Si on parle d’académisme pour certaines de ses réalisations, on ne peut en aucun cas lui en faire le reproche avec Les Innocentes. Sa mise en scène est classique, certes. Mais c’est le bon choix pour aborder un sujet extrêmement douloureux. Anne Fontaine livre un film tout en pudeur, très beau esthétiquement. La reconstitution est parfaite. Belle direction artistique (décors, costumes). Superbe lumière de Caroline Champetier (grande chef opératrice). Les paysages enneigés sont magnifiquement filmés. La nature est superbement éclairée. Tout comme les intérieurs qui semblent surgir de toiles de maitres comme Georges de La Tour ou Lubin Baugin.

Et puis, il y a les comédiens, tous épatants. On peut penser que la direction d’acteurs est un mythe. On peut se dire que si elle existe, elle passe avant tout par le bon choix des interprètes de votre film. Sur ce point, Anne Fontaine fait un sans faute. Lou de Laâge confirme après Respire de Mélanie Laurent, qu’elle est décidément une grande actrice en puissance. Forte et fragile à la fois, elle porte le personnage de Mathilde. Il est d’ailleurs impressionnant de constater lorsqu’on la rencontre dans la vie à quel point elle ressemble assez peu au personnage de ce film. Lou de Laâge est une jeune femme moderne qui semble assez réservée. Alors que dans Les Innocentes, on a l’impression de voir une actrice des années 40 qui affirme durant tout le long du métrage une belle présence têtue. Dès qu’elle apparaît à l’écran, on est scotché par son magnétisme, son charisme, sa beauté. Et bien sûr, la qualité de son interprétation. Lou de Laâge fait de Mathilde une « héroïne » contemporaine dans un monde d’hommes cruel. Et fait évoluer son personnage tout le long du film.

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Macaigne fait preuve d’invention dans le jeu et montre qu’il peut jouer autre chose au cinéma.

L’autre belle surprise c’est la présence de Vincent Macaigne qui interprète Samuel. S’il est un acteur et metteur en scène de théâtre inspiré, on ne peut pas dire que jusqu’à présent le cinéma lui ait vraiment offert des rôles très intéressants (à part dans Tonnerre, peut-être). A vrai dire, nous étions un peu agacés de le voir interpréter sempiternellement des rôles de braves gars romantiques un peu lunaires. On remercie Anne Fontaine de lui avoir offert ce rôle de chirurgien. Macaigne fait preuve d’une vraie invention dans le jeu et montre qu’il peut jouer autre chose au cinéma. Enfin ! Il fait de Samuel un personnage touchant, complexe, mystérieux.

On ne tarira pas d’éloges non plus sur les actrices polonaises du film : Joanna Kulig, Agata Kulesza et Agata Buzek. On vibre pour ces religieuses, on a peur pour elles, on est en empathie mais ces grandes comédiennes n’en font jamais des tonnes. Elles offrent le supplément d’âme et la crédibilité nécessaires à ce film qui trouve le ton juste.

Convaincu par Les Innocentes, nous tenions à rencontrer Anne Fontaine et Lou de Laâge lors de leur passage à Lille. La première question qui nous brûlait les lèvres était de savoir pourquoi la réalisatrice tenait à porter cette page de l'Histoire à l’écran.

Anne Fontaine : « Parce que cette histoire est très belle. Elle est très belle parce qu’elle est terrible. Et parce qu’elle est transcendée. C’était assez étonnant, j’ai eu vent de cette histoire par deux producteurs, Eric et Nicolas Altmayer, qui m’ont dit qu’ils avaient un sujet inspiré d’un journal de bord d’une jeune médecin - qui est le personnage qu’incarne Lou, Mathilde  -. Elle a écrit ce journal de bord sur ses activités médicales (c’était déjà très inédit à l’époque d’être femme médecin dans cette situation) et qui a eu cette rencontre avec des sœurs dans cet état-là. C’est raconté mais de manière très succincte. Ce n’est pas du tout comme un déploiement romanesque. Ce n’est pas du tout comme un roman. Mais c’est très net et c’est très fort car c’est la situation dramaturgique absolue. Quand ils m’ont fait cette proposition, j’ai été immédiatement bouleversée de me dire que j’allais pouvoir entrer dans cette histoire formidable et incroyable. Ça m’a envoûté. Et ensuite j’ai écrit. Tout le scénario est complètement véridique mais romanesque à la fois ».

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Dans Les Innocentes, Lou de Laâge confirme qu’elle est une grande actrice en puissance.

Durant la réponse d’Anne Fontaine nous avons été marqué par l’attention que Lou de Laâge portait aux propos de la réalisatrice. Elle était posée, attentive, semblant faire attention à tout ce qui se passait autour d’elle. En éveil permanent. C’était le moment de lui demander, elle qui est encore une jeune actrice, ce qu’elle avait trouvé de nouveau à explorer dans le personnage de Mathilde. De sa voix grave, elle répond.

Lou de Lâage : « Ce qu’elle a de différent par rapport à mes autres rôles. C’est simplement que je change de catégorie d’âge. Je commence à jouer des jeunes femmes là où j’avais toujours joué des adolescentes ou de très jeunes filles. Anne m’a offert mon premier rôle où je peux raconter autre chose, ce qui finalement est plus proche de mon âge. Parce que même au moment de Respire je jouais une ado mais je commençais à en sortir. Je considère qu’on se raconte aussi à travers un personnage. On met de sa sensibilité et de sa façon de voir les choses. »

Pour Lou de Laâge, donc -, l’interprétation des autres acteurs, la force du sujet et la réalisation de Anne Fontaine, nous vous conseillons Les Innocentes. Voilà un film qui, en plus de nous révéler une page d’Histoire inconnue aborde des questions actuelles - le viol des femmes perdure dans chaque conflit - éthiques, morales, religieuses et spirituelles passionnantes.

Les Innocentes, un film de Anne Fontaine
Scénariste Anne Fontaine Sabrina B. Karine Alice Vial
Sur une idée de Philippe Maynial
Dialoguiste Pascal Bonitzer
Adaptateur Anne Fontaine Pascal Bonitzer
Musique Grégoire Hetzel
Durée : 1h55
Copyright Photos : © 2015 MANDARIN CINEMA - AEROPLAN FILM - MARS FILMS / ANNA WLOCH Film-Annonce et affiche © MARS FILMS

  1. Camille

    Le problème ne vient pas de vous, mais des propos d'Anne Fontaine qui ment ouvertement sur la genèse du projet.

  2. GREGORY MAROUZE

    Bonjour ! Et merci de vos remarques. Comme pour tout auteur, j'ai crédité ces scénaristes en bas de l'article avec des liens qui renvoient à leurs fiches IMDB (comme cela on peut découvrir la filmographie de Sabrina Karine, Alice Vial et suivre leur travail à venir). Les noms et liens étaient présents dès la parution de l'article. Bonne journée à tous.

  3. Camille

    les scénaristes sont Sabrina Karine et Alice Vial... Et il n'y a jamais eu de journal de bord relatant ces faits pendant l'écriture. Pourquoi mentir? Pourquoi ne pas mettre en avant le travail de ces deux jeunes filles ?

  4. Pascal

    Pourquoi les réalisateurs veulent ils toujours s'approprier le travail des scénaristes????????? bon travail de psychotérapeute.....

  5. Nathalie

    "Et ensuite j’ai écrit tout le scénario qui est complètement véridique mais romanesque à la fois "........Le scénario a été écrit par Sabrina Karine et Alice Vial.....
    http://www.legroupeouest.com/sortie-en-salles-des-innocentes-groupe-ouest-2011

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