Puppetmastaz + Unno au Grand Mix – Les Paradis Artificiels 2012

Ce soir, c'est chaud. Ce soir, c'est Muppet. C'est Muppet Show.

Pour le lancement de la nouvelle édition, les Paradis Artificiels transforment le Grand Mix en cour de récréation. Avec la venue des Rappeurs les plus originaux de la planète: les Puppetmastaz. Des MC's d'un nouveau genre. Entièrement en latex et en chiffons. Des marionnettes issues de l'imagination débridée d'un collectif Berlinois désireux d'offrir une joyeuse alternative aux postures premier degré affichées par bon nombre d'artistes faits de chair et d'os du milieu Hip Hop.

De retour avec un cinquième album, 'Revolve And Step Up', cette fantasque troupe permet au festival Lillois de démarrer sur les chapeaux de roues, la date affichant sold out.

Ouvrir pour des pantins ne signifie nullement que l'on est soi-même un guignol. Bien au contraire. Maintes fois croisé sur les scènes de la région (sous les anciens patronymes de Jayfly Muzziq ou de Deefly And The SQ's), le groupe Unno confirme qu'il est une des formations Hip Hop les plus prometteuses du moment.

Et des plus atypiques. Dignes héritiers des Soulquarians ou des Native Tongues, François (chant et claviers), Joachim (MPC, claviers, programmation) et Abraham (batterie, beatbox) refusent les artifices et rangent l'esbroufe au placard. Leur créneau: cultiver le paradoxe. Leur musique se situe entre ombre et lumière. Mélange les textures. Met sur un même pied d'égalité les sonorités organiques et électroniques. Abstraites et charnelles. Mais avec une grande homogénéité. Et beaucoup de subtilités.

Les différentes compositions du groupe ('Voices', 'Lost Child', 'One', 'Lose It', 'This Kind Of',...) développent des ambiances qui s'imbriquent parfaitement les unes aux autres. Avec comme fil conducteur, le flow particulier de François. Ponctuant son phrasé d'inflexions qui soulignent les mots pour mieux leur donner corps, jouant sur les silences, alternant technicité vocale et sobriété, il s'impose, avec un naturel désarmant, comme un lyriciste d'une grande sensibilité.

Son storytelling, habité par un spleen urbain et mélancolique, est parfaitement mis en sons par ses deux acolytes. Rythmes tribaux, claviers hypnotiques, beats nerveux tout en déséquilibre et en énergie latente, Joachim et Abraham donnent vie aux obsessions du MC. Construisent des atmosphères incroyablement visuelles et enveloppantes. Collent le plus près possible aux ambiances requises. Donnent du relief à chaque sonorité. Elargissent les champs du possible par de multiples influences. En mariant, par exemple, la sensualité de la Soul à la froideur de l'Electro. Le groupe aime prendre des risques. En s'affranchissant des codes et des contraintes, Unno accouche, ainsi, d'un Hip Hop personnel, aux couleurs inédites. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il ait été sélectionné pour participer le 25 avril au Printemps de Bourges.

Place maintenant à la régression. Car comment appeler autrement le fait de s'exciter, de danser et de chanter face à de simples marionnettes ? Mais si les Puppetmastaz invitent à retomber en enfance, elles ne sont pas à mettre devant tous les regards. Plus proches des Feebles de Peter Jackson que de Kermit La Grenouille ou Peggy La Cochonne, ces marionnettes-là sont tout sauf mignonnes.

Affreuses, bêtes et méchantes, menées par Mr Maloke, une taupe à la tête d'étron, ces énergumènes sont, en effet, adeptes d'un humour trash et vachard. Qui ne peut que ravir les fans de South Park ou de Beavis And Butthead. Et consterner ceux qui pleurent à chaudes larmes devant la mort de la mère de Bambi.

Fort heureusement, pas d'âmes sensibles à recenser dans la salle. C'est devant un public hilare que se déroule cette Gloubi Boulga Night d'un nouveau genre. Plus proche, bien évidemment, d'un spectacle total que d'un simple concert. Caché derrière une estrade de près de deux mètres, le collectif Berlinois à l'origine de ce projet un feu fou (car oui, derrière les marionnettes se cachent des hommes) manipule les créatures sorties de leur imagination tout en assurant les différentes voix. Et elles sont nombreuses. Avec entre autres, celles de Wizard The Lizard, Rhyno, Snuggles ou Tango, l'oiseau jamaïcain au flow supersonique...

Des guest stars font leur apparition. Et pas des moindres: Maître Yoda et R2D2 en personnes. Venus aider nos héros à chercher « le son du futur ». Qui débarque, séquence époustouflante digne des effets spéciaux d'un film de Ed Wood, en vaisseau spatial sous la forme de Puppets à taille humaine (les marionnettistes grimés comme leurs personnages). Très très drôle.

Musicalement, le concert se révèle très inégal. A l'image du dernier album ainsi que de son prédécesseur ('The Takeover', sorti en 2008 et initialement prévu comme le dernier). Des disques décevants à l'aune des jouissifs 'Creature Funk' et 'Creature Shock Radio' du début. Faisant la part belle aux effets faciles et prévisibles, à une utilisation un peu trop putassière du Ragga et à une Electro bouncy peu inspirée. Malgré des bombes récentes comme 'Innerself Respect', c'est donc principalement avec les vieux morceaux que nos oreilles s'amusent réellement ('Midi Mighty Moe', 'The Bigger The Better', 'Do The Swamp').

Mais pas de quoi bouder son plaisir pour autant. Car ce qui compte, au final, c'est la mise en scène du spectacle, son visuel et la folie qui s'en dégage. La gouaille ravageuse des Puppetmastaz restant intacte et leurs aventures toujours aussi délirantes, les zygomatiques carburent à plein régime.

That all folks !

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