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Gogo Penguin + Natashia Kelly à l’Aéronef

Apparue dans une très élégante robe de satin rouge, Natashia Kelly est entourée d'une magnifique contrebasse, tenue avec grâce par Brice Soniano et d'une Stratocaster fine et gracile toute aux mains de Jan Ghesquière. Tout est élégance et subtilité, c'est immédiat. Le groupe obtient d'ailleurs une qualité d'écoute excellente et un silence respectueux. La musique est exigeante, d'autant que les musiciens se promènent sur le fil sans appuis rythmiques traditionnels. Et puis Natashia chante, d'une voix surgie de nulle part, maniant des palettes sonores diverses et entrelacées, dans un registre totalement personnel et habité, qu'on aurait sans doute tort de réduire aux quatre lettres du mot jazz. C'est profond et déchirant, envoûtant et intense, dans une coloration qui marque une très forte personnalité musicale. On avait pu croiser le chant de Natashia sur le très bel album Earthsong du batteur Lionel Beuvens.

Les progressions mélodiques sont étonnantes, démarrées par exemple d'un claquement de mains sur un titre sidéral. On a l'impression de passer de Dead Can Dance (que Natashia Kelly confirmera ne pas connaître du tout après le concert) à quelques jolies visions d'Irlande avant même de revenir à une reprise incroyable de Ballad of a thin man de... Bob Dylan. Extrêmement intéressant, d'une sûreté vocale inouïe, passionnant et intrigant, un trio à suivre de très près. Un EP disponible à ce jour, sans doute en s'adressant directement à Natashia Kelly sur sa page Facebook. Just ask.

Aucun round d'observation en ce qui concerne la prestation live de GoGo Penguin, dès le deuxième morceau, Bardo, l'Aéronef vole la tête en bas et commence à  tripper à fond de train sur les rythmes de "La Rave selon Charlie Mingus" ou "Les Stone Roses chez ECM", pour résumer la tonalité du concert. C'est un mélange de pulsation tellurique, ancrée dans le sol, de groove mancunien venu des années Hacienda Madchester et de cette science incroyable pour tisser les liens entre électro jouée avec des instruments acoustiques et jazz classiques. C'est totalement étourdissant, explosant savamment toutes les frontières musicales. Moins d'un an après leur premier passage, ils ont pris une dimension supérieure, le public est encore plus nombreux et applaudit dans les toutes premières mesures de certains morceaux, connus par cœur. C'est parfois une mauvaise idée de revoir trop vite un groupe mais ce soir, on se demande ce qu'ils feront en mars 2019. On irait bien chaque année, tranquilles.

Depuis ce dernier concert, la palette s'est encore enrichie et on joue essentiellement A Humdrum star, le dernier album, excellent. On joue sur l'urgence et les tensions même si on sait aussi attendre et serpenter, sinuer un peu. La mécanique est d'une précision incroyable, notamment sur des unissons totalement réussis. Pas de temps morts, peu de discours, tout en français. L'impression est la même que l'an dernier, on se fait marcher dessus, le groupe gagne du terrain sur le public. La scène semble avancer, encore.

La cohésion, voire la symbiose entre les trois musiciens, est totale. On ne se passe pas du tout la balle sur une grille d'accords avec l'option tacite de ne pas faire de solos plus longs que le leader du groupe, on avance ensemble et on se rejoint dès qu'on peut. On se dit qu'ils ne peuvent faire cette musique là qu'à trois, eux seulement, et que tout changement orienterait forcément différemment le son du trio. Voilà ce qu'ils sont, une sorte de Power Trio décliné sur le mode jazz électro. Enfin, ils savent très bien gérer les attentes et les plages plus oniriques avant de lâcher les chevaux. Terrible. Nick Blacka pose une dernière fois avec amour sa contrebasse et on s'enfonce heureux dans le froid glacial de cette soirée, étonnamment propice au bonheur des pingouins et du nôtre. 

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