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DJ Shadow au Grand Mix

Il y a 20 ans sortait Endtroducing, l'un des albums les plus importants des années 90 et, disons-le tout net, du siècle dernier. Entré dans l'Histoire comme le premier disque uniquement composé de samples, ce projet artistique révolutionnaire a su transcender ce qui n'aurait pu être qu'un exercice de style ou un simple tour de force technique. Possédant la force des grandes œuvres littéraires et se présentant comme un voyage initiatique à l'intérieur d'un cerveau totalement obsédé par le son, Endtroducing fait partie de ces disques qui ont su dessiné un autre monde en inventant leur propre langage et des formes narratives inédites. Un monument à l'architecture arachnéenne, une cathédrale aux stupéfiantes mosaïques sonores et aux multiples passerelles qui a instantanément renouvelé l'art du sampling en créant un genre à part entière, l'abstract Hip Hop. Et a, pour beaucoup de musiciens ou de mélomanes, totalement redéfini la manière de concevoir ou de percevoir la musique. Une œuvre séminale marquant à la fois la fin d'un siècle et le début d'une nouvelle ère.

Deux décennies plus tard, Endtroducing exerce toujours ce même pouvoir de fascination. Cannibalisant la carrière de son géniteur, DJ Shadow. 99,99 % des articles qui lui sont consacrés font référence à cet album, le premier de sa discographie. Et chacune de ses nouvelles sorties est jugée, souvent négativement, à l'aune de ce coup de maître. C'est ce qui arrive quand on modifie seul le cours de l'histoire. Plutôt injuste pour le platiniste, profondément agacé par cet état de fait. "Refaire Endtroducing encore et encore ? Ça n'a jamais fait partie du plan. Fuck that. Je pense qu'il est temps que certains fans décident s'ils sont fans de l'album ou de l'artiste". Un artiste progressiste, en constante évolution, toujours à la recherche de nouveaux sons et expérimentant sans cesse. Comme le prouve The Mountain Will Fall (titre ô combien ironique), dernier album en date, le voyant s'essayer à de nouvelles technologies telles qu'Ableton Live et tenter des collaborations inattendues, avec le Jazzman Matthew Halsall ou le musicien néo-classique Nils Frahm. Un album moins froidement accueilli par la critique que les précédents, une fois n'est pas coutume.

Fraîchement sorti la veille, The Mountain Will Fall sera naturellement au centre de la prestation du turntablist, devant un Grand Mix plein à craquer. Un set immersif dont le DJ a le secret. A mi-chemin de la performance sonore, visuelle et expérimentale. Et devant lequel l'artiste culte, seul derrière ses platines, son laptop et une mini-batterie électronique fait le choix de s'effacer progressivement. Masqué par une toile translucide sur laquelle sont projetés des effets 3D venant enrichir les visuels projetés sur les écrans emplissant le fond de scène. Ne devenant ainsi qu'une ombre fantomatique. Une manière de laisser le public se détacher de la personne au profit de l'univers déployé.

Amateur d'atmosphères cinématographiques, le californien construit son set comme une succession de tableaux dynamiques, pilotant des boucles sonores auxquelles vient répondre un pertinent travail d'illustration. Un exercice de haute voltige à la précision millimétrée et d'une acuité hors du commun. Le son est d'une pureté prodigieuse et le spectacle est à la fois lancinant, rythmé et hypnotique. Beats massifs, scratchs experts et longues pièces instrumentales contemplatives s'enchaînent avec fluidité. Les retours sur les productions plus anciennes (dont le projet UNKLE co-piloté à l'époque par James Lavelle) créent la surprise en s'éloignant des sonorités des albums d'origine. Tout comme l'étonnante reprise du "Norf Norf" de Vince Staples (la jeune pousse la plus prometteuse du rap U.S. actuel), dans une version totalement hallucinée, qui amplifie à l'extrême ses aspects les plus anxiogènes et enfumés.

Une leçon de deejaying. Tout simplement. Qui a osé dire que le DJ n'était plus que l'ombre de lui-même ?

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