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Bazbaz + Fred au Centre Culturel Gérard Philipe de Calais

Temps de chien sur Calais en ce 18 mars 2011. Tant pis pour le projet de balade ensoleillée sur la plage. On se contentera du concert donné au Centre Culturel Gérard Philipe par Camille Bazbaz venu défendre dans la région, un an pile poil après sa sortie, son dernier album en date, intitulé La Chose. Et c'est déjà pas si mal...

Avant la tempête Bazbazienne, petit moment de détente avec un artiste méconnu de la scène française, malgré la sortie de deux albums salués par la critique (Sauter Du Nid en 2003, sur lequel a d'ailleurs collaboré Bazbaz, et Mes Graines en 2008), Frederic Metayer dit Fred. Une découverte pour une grande majorité de spectateurs présents ce soir-là dans la salle. Physique avantageux, voix proche de celle de De Palmas, on pourrait facilement le cataloguer comme chanteur pour midinettes, ce qui serait une grave erreur.

C'est dans une ambiance intimiste, simplement accompagné de sa guitare, électrique ou électro-acoustique selon les morceaux, et de pédales d'effets qu'il présente son univers singulier et personnel, à mi-chemin entre le Blues et le Folk. Au début, le chant et le phrasé irrégulier décontenancent. Fred semble courir après les paroles et les faire rentrer avec un chausse-pied dans les mélodies. Mais le charme, insidieusement, commence à agir. La voix est pénétrante, le jeu de guitare décalé. A la manière de Joseph Arthur, le chanteur-guitariste utilise un séquenceur pour créer des boucles hypnotiques et atmosphériques. Un morceau nous interpèle. Les paroles semblent familières: « Seul dans la pénombre / Avec mon passé/ Cherchant à me remémorer/ Les joies et les raisons / Pour lesquelles j'encaisse / La monotonie de cette vie... ». On sait qu'il s'agit d'une reprise. On trifouille dans notre mémoire et dans le répertoire Rock Français: Trust, Daran, Silmarils... Les noms s'entrechoquent dans notre esprit. Et on est surpris de reconnaître le « J'Appuie Sur La Gachette » du Suprême NTM dans une version entièrement revisitée et magistrale. Le texte n'a jamais semblé aussi fort et violent. Fred enchaîne avec un morceau écrit par Christophe Miossec qui travaille avec lui sur son prochain album: « Je Ris » (« Je ris du plus profond de mes entrailles / Je ris car j'ai bien fait la fête / Je n'ai pas laissé de restes / Rien dans mon assiette / Mais je ris d'avoir connu tant de tempête / Je ris d'avoir dévoré toute ma vie / A m'en arracher la tête... »). La poésie mélancolique du Breton est magnifiée par la voix sensible du chanteur et la collaboration entre les deux artistes augure d'un album qui s'annonce plus que prometteur. Suivent des morceaux plus anciens pétris d'humour tels que « L'Homme Bio », histoire, que l'on devine autobiographique, d'un homme désireux de se ressourcer à la campagne mais qui ne trouve que l'ennui, ou le reggae « Mister Cop » ainsi qu'une nouvelle reprise, le « A l'envers, A l'endroit » de Noir Désir qu'il réussit à s'accaparer et à sublimer. Un set exécuté dans une grande simplicité, devant un parterre de spectateurs assis sur le sol pour l'occasion, buvant les moindres mots et mélodies de l'artiste. Une seule envie après cet agréable moment: rattraper son retard et se plonger dans les deux albums de Fred pour prolonger le plaisir.

En quelques instants, en quelques notes, Camille Bazbaz, dégaine nonchalante, chemise noire ouverte sur son poitrail, barbe de deux semaines, casquette à carreaux vissée sur sa grosse touffe de cheveux, les yeux pétillants et légèrement embrumés, ainsi que ses musiciens font souffler un vent chaud et jamaïcain dans la salle. La musique que Bazbaz distille est, en effet, principalement influencée par le Reggae, avec de subtiles touches de Soul. Néanmoins les effluves qui s'en dégagent n'ont pas l'odeur caractéristiques de la marijuana. Elles sentent plutôt le sexe, le stupre et les draps sales. Bazbaz est un crooner qui se plaît à chanter les femmes. Il en fait le principal sujet de ses chansons. Mais aux histoires de coeur et aux balivernes sentimentalistes, il préfère les histoires de cul et s'intéresse à l'aspect physique de la chose. Car comme il le dit dans sa chanson éponyme: « La chose, c'est son truc ».

Le plaisir et la mécanique des corps constituent ainsi le principal axe de ses textes. Des paroles pleines d'humour, faussement simples et utilisant la langue française de façon extrêmement mélodique et musicale, jamais vulgaires et dont la naïveté lubrique n'est pas sans rappeler celle de Serge Gainsbourg, autre artiste français ayant avec talent métissé la chanson française avec le Reggae. En raison d'un public fortement familial ce soir-là, il était d'ailleurs assez cocasse d'observer les nombreux enfants siégeant aux premiers rangs danser et se déchaîner sur des paroles comme celles de « Con D'Homme » (« On peut le dire / Je ne suis qu'un con d'homme / Dans un con de femme »).

Le répertoire navigue habilement entre les cinq albums de l'artiste (Dubadelik, Une Envie De Chien, Sur Le Bout De La Langue, Le Bonheur Fantôme et La Chose »). Camille alterne passages derrière son orgue Hammond, dont les sonorités vintage s'accordent à merveille aux compositions, et d'autres sur le devant de la scène, micro à la main. Il s'exprime beaucoup, convie les adultes à s'éclater autant que les enfants, ouvre de plus en plus sa chemise en se caressant le torse. Le mec est d'une coolitude absolue et partage énormément avec son public. Il lance sa boisson orangée, que l'on devine ne pas être uniquement fruitée, dans l'assistance. Interceptée par un môme, Bazbaz conseille aux parents d'intervenir, ce qui confirme l'impression première. Un concert chaleureux et festif mené de main de maître par une des personnalités les plus attachantes de la scène française et qui sait s'entourer de musiciens de talent, jouant le reggae comme dans un bouge de Kingston: le formidable de dextérité Jérôme « Tchiky » Perez (au regard aussi embué que son comparse) à la guitare, la souriante Viryane Say à la basse, les impressionnants de groove et de feeling Fabrice Colombani aux percussions et Christiane Prince (soeur de Marco, ex-chanteur de FFF) à la batterie.

« J'ai sur le bout de la langue ton petit coeur qui tangue » chante Bazbaz dans l'une de ses chansons. Et c'est sans peine qu'il aura fait tanguer celui de son public, ainsi que son corps, ce vendredi soir qui ne s'annonçait pourtant pas aussi ensoleillé et exotique.

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