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Aloe Blacc & Ty au Grand Mix

La Motown a allégrement dépassé les 50 ans, des légendes de la Funk et de la Soul ( Solomon Burke, Marvin Isley de The Isley Brothers) ont récemment rejoint le paradis du groove mais pourtant la Black Music demeure toujours aussi vaillante et reste la plus sexy des MILF (Music I Like To Feel). Une cougar impétueuse qui attire dans ses filets de plus en plus de petits jeunes désireux de se glisser dans ses draps en satin aux forts relents de stupre pour découvrir ses secrets les plus intimes. Rendant d'autant plus d'actualité cette phrase issue du hautement recommandable documentaire Standing In The Shadows Of Motown: « Depuis des années et des années, des musiciens et des producteurs s'échinent à recréer le son magique de la Motown, comme s'il s'agissait d'une formule secrète ». Ainsi a-t-elle, entre autre, comme jeunes amants les frenchys Ben L'Oncle Soul ou Shaolin Temple Defenders, la finlandaise Nicole Willis, les anglais Alice Russel ou Jamie Lidell ou les américains Eli Paperboy Reed ou Sharon Jones (qui a, il est vrai, quelques années au compteur, mais bon, seulement quatre albums enregistrés font d'elle encore une « jeune » artiste). A cette liste exhaustive de prétendants vénérant et préservant l'héritage de cette dame lubrique qu'est la Soul, on peut rajouter Aloe Blacc. Loin d'être puceau, le gaillard a déjà vécu de nombreuses expériences. Principalement dans le Hip Hop avec son groupe Emanon fondé avec DJ Exile ou à travers diverses collaborations (Connie Price & The Keystones). Mais c'est avec son second album solo, le bien nommé Good Things (encensé par les critiques) qu'il crée l'excitation et le buzz avec son single, un classique instantané, « I Need a Dollar » qui devient le générique de la série How To Make It America. C'est donc avec une certaine effervescence que Le Grand Mix se remplit en ce soir du 15 octobre 2010.

 

Le britannique Ty d'origine nigériane fait patienter tout ce beau monde en se chargeant de la première partie. Tout comme Aloe Blacc, il est loin d'être un petit nouveau dans le circuit musical. Signé chez Big Dada, label indépendant anglais et sous-division Hip Hop du mythique label electro Ninja Tune, il enchaîne depuis 10 ans les albums (Upwards, Closer ou le récent Special Kind Of Fool) et les collaborations (on le retrouve ainsi sur le dernier album des français Hocus Pocus, 73 Touches). Prônant un Rap 100 % old-school, peace and love et organique (il est pour l'occasion accompagné d'un batteur, d'un bassiste, d'un clavier et de deux choristes), il livre une prestation certes sans grand génie, le flow et la construction des morceaux sont assez répétitifs, mais néanmoins enthousiaste et généreuse, interprétant ses efficaces « Wait a Minute » ou « Don't Watch That ». Rodé à l'exercice de la scène de par son activisme Hip Hop, Ty communique énormément, fait chanter et participer le public, très réceptif, et s'en tire avec les honneurs.

Une fois les troupes remontées à bloc, les musiciens de Aloe Blacc, un guitariste, un bassiste, un clavier, un batteur et un saxophoniste, font leur apparition et font monter une pression pourtant déjà bien élevée (l'excitation est plus que palpable dans la salle) en jammant méchamment et en faisant retentir ensuite les premières notes de « I Need A Dollar ». Classieux dans son costume vintage à carreaux, Aloe surgit sur scène, souriant et enjoué sous une salve d'applaudissements et de cris de joie. Et à la grande surprise des spectateurs, Mister Blacc et ses musiciens entament « Hey Brother ». Une manière de dire que ce soir, tout le monde sera frère. Ce qui sera le cas, le concert faisant l'unanimité dans le public.

Le Rappeur converti aux délices de la Soul ne déçoit nullement et prouve que le buzz dont il bénéficie est amplement mérité. La voix est suave, chaleureuse, incroyablement subtile. A l'image des grands chanteurs des sixties (Sam Cooke, Otis Redding...) Aloe Blacc incarne plus qu'il n'interprète les paroles de ses chansons, qu'elles soient le reflet de ses sentiments ou celui de ses préoccupations sociales ou politiques. A l'image de ce fameux « I Need A Dollar » dont les paroles désabusées font référence à la crise économique actuelle. Un morceau qui, en live, est transfiguré, emprunte des chemins de traverse. Fidèle à son passé de rappeur, Aloe utilise des lignes mélodiques issues du « No Woman No Cry » de Bob Marley ou du « Walking On The Moon » de The Police. A l'exception qu'ici, ces références ne sont pas samplées mais jouées par le groupe et intégrées dans le morceau, de même que des influences purement latines. A l'instar du génial groupe The Roots, Aloe Blacc et ses compagnons ne se contentent pas de se recopier les codes de la musique noire américaine. Ils les pervertissent, les modernisent, les confrontent à des univers musicaux différents (le Rock, le Reggae, la Salsa...). Ce travail qui était déjà perceptible sur l'album l'est encore plus en live où sont livrées des versions dantesques toutes en variations de « Loving You Is Killing Me », « Miss Fortune », « Take Me Back ». Et se ressent d'autant plus fort dans la manière dont il reprend, se réapproprie et sublime des compositions qui ne sont pas de son cru: le « Femme Fatale » du Velvet Underground, le « California Dreaming » des Mamas & The Papas, le « Billie Jean » de Michael Jackson ou le surprenant « Basket Case » de Green Day réarrangé dans un style Free Jazz du plus bel effet. La performance d'Aloe Blacc (et de ses musiciens) est en un mot époustouflante. Non content de se montrer un talentueux chanteur, il se révèle également être un incroyable performer enchaînant les pas de danse, faisant preuve d'un grand charisme et d'une présence indéniable sur scène, s'amusant avec le public, le faisant s'écarter pour créer une piste de danse improvisée afin de laisser de la marge à un spectateur des plus expressifs et ainsi placé sous les feux de la rampe, et d'une gentillesse et d'une disponibilité rare n'hésitant pas à jeter des T-shirts dans le public et à venir signer des autographes à la fin du concert au rayon merchandising.

En fait, en ce soir du 15 octobre, on ne pouvait s'empêcher d'éprouver un sentiment précieux: celui de voir naître sous nos yeux un monument. Et pas seulement de la Soul Music mais de la musique contemporaine en général, de par la facilité avec laquelle Aloe Blacc a démontré sa capacité à s'adapter à tous les styles et registres musicaux et de son incroyable aisance vocale. « A Good Thing », vraiment!

 

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