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« Sorcerer » et « Body Double » : Deux films cultes déments en Blu-Ray et DVD

Cette semaine dans l’actu ciné de Lille La Nuit, nous ne nous penchons pas sur une sortie salle mais sur la parution en Blu-Ray de deux films emblématiques de William Friedkin et Brian De Palma - cinéastes appartenant à la génération de ceux qu'on appelait le Nouvel Hollywood : Scorsese, Spielberg, Hashby, Francis Ford Coppola, Lucas, Cimino... -

Le premier qui nous intéresse, Sorcerer (Le Convoi de la Peur en français) est édité par La Rabbia et distribué par Wild Side après avoir connu une sortie en salles  le 15 juillet dernier.

Début 2015 nous avons évoqué dans un large article l’autobiographie passionnante de William Friedkin, intitulée Friedkin Connection. Si vous ne l’avez pas lue, on ne peut que vous encourager à le faire tant l'ouvrage est incontournable quand on s’intéresse au cinéma - ce dernier  a d’ailleurs remporté en 2014 le prix du meilleur livre de cinéma étranger remis par le Prix du Syndicat français de la Critique de Cinéma -

Lorsqu’il se lance dans le projet Sorcerer, Friedkin est le roi du monde ! Rien ne peut lui être refusé. Le bonhomme, qui est très arrogant à cette époque, a raflé toute une série d’Oscars avec The French Connection l’un des polars les plus brillants des seventies (1971) - le film fait toujours autorité – avant de réaliser le premier blockbuster du cinéma d’épouvante : The Exorcist (1973). Ces deux longs-métrages propulsent Friedkin au firmament des réalisateurs stars à Hollywood.

Mais de l’arrogance à la mégalomanie il n’y a qu’un pas. Surtout lorsqu’on est courtisé comme le cinéaste l’est à l'époque. 1977, Friedkin se lance dans le projet de réaliser un remake du Salaire de la Peur, film de Henri-Georges Clouzot, qu’il vénère. Pourtant sceptique, Clouzot lui donne sa bénédiction quelques temps avant de mourir. Et c’est le début d’un cauchemar sans nom pour Friedkin qui lui fera perdre toute crédibilité auprès des Majors Company.

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William Friedkin (à gauche) sur le tournage de Sorcerer.

A vrai dire, Sorcerer n’est pas un remake du classique de Clouzot. Il s’agit d’une réinterprétation du roman de Georges Arnaud : politique, métaphysique, torturée, déglinguée, désenchantée, subversive… qui ressemble bien à cette Amérique post-Vietnam en perte de repères, qui a connu trois ans plus tôt (en 1974) la démission du président républicain Richard Nixon, à cause du scandale des écoutes du Watergate.

La production, le tournage, le montage de Sorcerer sont des cauchemars absolus. Quand le film sort, il est massacré par la presse. Pire : le public ne se déplace pas dans les salles. Car à l’époque, personne n’a vu venir un "petit" film de science-fiction qui va bouleverser la donne en matière de production et distribution cinématographiques : La Guerre des Étoiles ! C’est Star Wars que le monde entier veut voir sur grand écran. Pas le film crépusculaire de Friedkin.

Pourtant, le cinéaste a toujours avoué sa préférence pour ce long-métrage - parce qu’il est maudit ? -. Si on ne peut considérer Sorcerer comme le seul chef-d’œuvre de son auteur (il y en a d'autres comme Police Fédérale Los Angeles), il est sans conteste un film unique, un témoignage d’un cinéma qui a sans doute disparu à jamais. Sorcerer est peut-être le chant du cygne avec La Porte du Paradis (de Michael Cimino) d’un cinéma américain sombre et adulte, produit dans le cadre des grands studios. Même s'il demeure quelques « résistants » comme Michael Mann, Paul Thomas Anderson ou James Gray.

Aujourd’hui sort la version Director’s Cut du film, avec un montage supervisé par Friedkin en personne. Mais aussi des suppléments passionnants comme une conversation de 74 minutes entre Friedkin et Nicolas Winding Refn, Sorcerer par le critique Philippe Rouyer, des documents d’archives sur le tournage, des galeries de projets d’affiches, des bandes-annonces…

Et si vous optez pour l’édition limitée (plus chère mais après tout, c’est Noël) vous aurez en prime un livret de 50 pages et le script de 164 pages, annoté par William Friedkin en personne.

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La scène mythique du pont de Sorcerer : du 100 % garantie sans effets numériques.

Nous vous conseillons l’acquisition de Sorcerer car ce film est une pièce de maître à posséder dans sa filmothèque. Voilà du cinéma inépuisable, dont on redécouvre sans cesse les morceaux de bravoure comme la fameuse et terrifiante traversée du pont (réalisée évidement sans aucun effet numérique). Le sens du cadre et de l’espace de Friedkin, la photographie, la musique de Tangerine Dream, la splendeur des décors naturels, l’interprétation fiévreuse des acteurs - Roy Scheider en tête - concourent à faire de Sorcerer un putain de grand film !

L’autre merveille qui sort pour les fêtes est donc Body Double. Voilà un film que l’auteur de ces lignes a découvert en salle lors de sa sortie française. Pas peu fier le bonhomme car à l’époque ce De Palma était interdit aux moins de 13 ans (votre serviteur n’en était alors âgé que de douze). On ne peut imaginer le choc que constitue la vision d’un tel film quand on est un pré-adolescent, qui plus est dans une salle de cinéma et pas en VHS, comme de nombreux longs-métrages « déviants » de cette époque qu'on trépignait de voir.

Quelle joie de découvrir un film qui mêle à la fois l’épouvante, l’érotisme, le thriller, le gore, le sexe ! Quel plaisir d'écarquiller les yeux pour "mater" - le cinéma est un truc de voyeurs - la « bandante » Mélanie Griffith (avant sa monstrueuse chirurgie plastique) dans le rôle de Holly Body, une actrice de films pornographiques. Bref, Body Double est une madeleine qu’on ne cesse de voir et revoir lorsqu’on fait partie de la génération des quarantenaires.

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L'impeccable Craig Wasson craque pour Melanie Griffith dans Body Double. On le comprend !

Le film existait dans une version DVD correcte, éditée il y a plusieurs années. Mais rien ne nous laissait présager du choc que nous allions connaître en découvrant l’édition Blu-Ray éditée par Carlotta.

L’image est somptueuse, la colorimétrie parfaite. Le travail de restauration rend parfaitement justice au boulot effectué par De Palma et son équipe. Mais que vaut réellement Body Double lorsqu’on le regarde aujourd’hui avec ses yeux d’adulte, dans d'excellentes conditions ?

On se rend compte, tout simplement, qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre absolu du cinéma US des eighties. Réalisé en 1984, le film porte la marque de son époque. Mais loin de constituer un défaut, cette « empreinte » fait qu’on redécouvre à quel point Body Double est une œuvre qu’il serait bien difficile de réaliser en ces temps favorisant le puritanisme et le politiquement correct.

C’est peut-être la dernière fois que De Palma portait à ce point le niveau de perfection de sa mise en scène, dans un film influencé par son cinéaste fétiche : Alfred Hitchcock. Après Sœurs de Sang, Phantom of The Paradise et Pulsions (qui s’inspiraient en partie de Psychose), Obsession (qui rappelait Vertigo), Body Double permettait à De Palma de livrer une version « trash » à la fois de Vertigo et Fenêtre sur Cour. On y retrouve la même obsession du voyeurisme chère à Hitchcock et De Palma lui-même.

Mais De Palma c’est « Monsieur Plus » ! Un cinéaste qui - à l’image du Dario Argento de la grande époque - frôle le mauvais goût, la vulgarité (il y tombe parfois, mais après tout cela fait partie de son style) et ne cède jamais à la tiédeur. Body Double est un thriller chaud bouillant ! C'est ce qui fait qu'on ne peut en aucun cas considérer cette période faste de De Palma, comme un plagiat du cinéma hitchcockien. De Palma s'en inspire, certes, mais crée tout un univers qui lui est propre. C'est la marque des grands cinéastes !

La musique de Pino Donaggio - compositeur attitré du De Palma de cette époque - est sensuelle, la mise en scène est charnelle - ah, ce long baiser vertigineux filmé en travelling circulaire -, le récit nous mène dans l’industrie du cinéma pornographique. Les meurtres sont filmés comme des ballets chorégraphiés - celui, bien crado, perpétré à la perceuse électrique est un modèle du genre -. On retrouve même le groupe Frankies Goes To Hollywood interprétant le très Homo SM, Relax !

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Attention, dans quelques instants, ça va saigner ! Une scène choc de Body Double.

Pervers De Palma, l'est peut-être ! Mais quel cinéaste (du moins jusqu'à L'Impasse : son ultime chef-d’œuvre à ce jour) et quel amoureux du 7ème art ! Car Body Double est un chant d’amour au cinéma, une déclaration fiévreuse à tous les genres imaginables : le thriller, le polar, le film d’horreur, le mélodrame, le film porno, la série Z, la comédie...

De Palma fait feu de tout bois dans Body Double et c’est ce qui fait le prix de ce film qui n’a aucun équivalent dans l’histoire du cinéma.

Body Double sort aujourd’hui dans une version Ultra Collector numérotée à 3000 exemplaires comprenant le Blu-Ray, le double DVD, une préface du critique Samuel Blumenfeld (coauteur d'un ouvrage d'entretiens du cinéaste avec Laurent Vachaud), des documentaires avec entretiens, un visuel exclusif créé par l’artiste Jay Shaw et un livre Double De Palma : récit de tournage de 200 pages incluant 50 photos inédites. Pour les moins fortunés, Body Double existe également dans une version Blu-Ray plus « allégée ».

Sorcerer et Body Double sont dans notre liste de cadeaux de Noël pour cette année. Lille La Nuit tenait à revenir sur ces sorties afin de vous expliquer pourquoi, nous les avions mises en avant. C’est chose faite ! Allez, bons films : vous n’en regretterez pas l’acquisition !

Sorcerer - Le Convoi de La Peur - Edition Ultime Blu Ray et DVD : 36,19€  Sorcerer - Le Convoi de La Peur / Blu-ray Director's Cut : 22,99€

Affiche, photos et film-annonce de Sorcerer © Wild Side et La Rabbia

Body Double - Coffret ultra collector Blu Ray et DVD : 49, 99 € / Body Double - Blu Ray : 19,99€
Affiche, photos et film-annonce de Body Double © Carlotta

 

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