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« Cogan »: Brad Pitt est un killer !

Lorsqu’une partie de poker illégale est braquée, c’est tout le monde des bas-fonds de la pègre qui est menacé. Les caïds de la Mafia font appel à Jackie Cogan (Brad Pitt) pour trouver les coupables. Mais entre des commanditaires indécis, des escrocs à la petite semaine, des assassins fatigués et ceux qui ont fomenté le coup, Cogan va avoir du mal à garder le contrôle d’une situation qui dégénère…

© Metropolitan Filmexport

Quel drôle de film que ce « Cogan » ("Killing Them Softly") ! Etrange, peu aimable, au rythme volontairement lent, traversé d’éclairs de violence, à l’humour dérangeant et qui balade son spleen tout au long du métrage. Sûr que certains ne goûteront que fort peu la dernière livraison de Andrew Dominik, réalisateur du génial « L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford ».

Il n’en reste pas moins que « Cogan » est un film absolument passionnant. Une fois de plus, un grand cinéaste (Andrew Dominik l’est assurément) utilise le cinéma de genre comme « véhicule » pour parler de politique et de notre société. Ici, il est avant tout question de losers, de laissés pour compte, de pauvres mecs noyés dans la came, le sang et le vomi. Bonjour le portrait de l’Amérique ! Dominik utilise donc le film noir pour nous dresser un état des lieux sans concession d’un pays au bord du gouffre et de l’explosion.

D’ailleurs tout au long du film, on verra sur des écrans de TV, on entendra à la radio, des allocutions de Barack Obama et George Bush. Chacun y allant de son petit couplet sur la toute puissance des Etats-Unis, son peuple fort et uni. Petit problème, dans « Cogan», plus personne ne semble croire à leurs belles paroles. C’est tout juste si on les écoute encore. Normal, en Amérique aussi c’est la crise. Les partis démocrate et républicain en prennent pour leur grade et sont logés à la même enseigne.

Pourtant, il n’y a point de cynisme de la part de Andrew Dominik (nous ne sommes pas chez Quentin Tarantino). On sent qu’il aime profondément son pays d'adoption. Il suffit de voir comment Dominik filme ses décors. La plupart sont déprimants, c’est vrai. Des terrains vagues les plus craspecs aux motels les plus sordides. Mais il les magnifie.

Le film noir est donc un « véhicule » mais jamais il ne devient un prétexte pour le metteur en scène. Il a trop de respect pour le cinéma de genre. Et pour ses glorieux aînés comme Michael Cimino, Martin Scorsese (notons ce superbe clin d’œil aux « Affranchis » grâce à la prestation de Ray Liotta) ou Monte Hellman.

Et puis il y a cette galerie de personnages tous plus largués les uns que les autres. Des mafieux, qui ne comprennent sans doute plus tout à fait l’Amérique dans laquelle ils ont grandi, ou des “morts-vivants” qui évoluent sur une B.O. d’enfer (du Velvet Underground à Johnny Cash). Aujourd’hui, les tueurs sont des pieds nickelés qui semblent tout droit sortis du « Fargo » des frères Coen. Ils tuent comme on exercerait n’importe quel autre job. Mais, encore une fois, c’est la crise. Il n’y a sans doute plus de travail à l’usine. Tous les personnages sont à l’avenant. Pour s’en convaincre, il suffit de voir James Gandolfini, l’ex-Soprano, magnifiquement effrayant en tueur lessivé, accro au sexe et à l’alcool.

© Metropolitan Filmexport

Et Brad Pitt dans tout ça? Il est une sorte de vague descendant du Jesse James qu’il a interprété pour Dominik. Un tueur à gages qui n’éprouve aucune haine pour les types qu’il doit dézinguer. Non, là aussi, il s’agit juste d’effectuer un travail. Il faut bien gagner sa vie. Cogan est sans doute le personnage le plus désabusé du film. En faire de nos jours le « héros » d’un film américain tient carrément de l’exploit !
Dans ce rôle, Pitt est magnifique. Il joue « juste », se met au service de son personnage et ne tire jamais la couverture sur lui au détriment de ses petits camarades. Pourtant la tentation devait être belle car il produit également le film.
Il confirme donc dans « Cogan » qu’il est l’un des acteurs les plus doués de sa génération. En plus d’avoir l’intelligence de faire une totale confiance au metteur en scène qui le dirige.

© Metropolitan Filmexport

Avec ce troisième long-métrage, « Cogan » confirme tout le talent de Andrew Dominik. Voilà un cinéaste qui s’inscrit dans la droite lignée de ces metteurs en scène immigrés aux Etats-Unis (Dominik est australien) qui nous ont offert quelques-uns des plus beaux portraits de l’Amérique. Ils s’appelaient Fritz Lang, Douglas Sirk, Billy Wilder, …
Et si Andrew Dominik n’a pas encore tout à fait leur envergure, il peut en prendre le chemin. On attend donc son prochain film avec une réelle impatience.

Affiche et film-annonce © Metropolitan Filmexport

Film interdit aux - de 12 ans.

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