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Detroit + George Sound au Zenith

Aller voir Détroit en concert semble relever du dilemme. Parce que dans Détroit, il y a Cantat. Et parce que Cantat implique un passé qui, aux yeux des Français, ne se limite plus désormais à l’histoire d’un groupe. Noir Désir, s’il fallait le préciser. On ne rentrera pas dans la polémique (s’il y en a encore une), on n’est pas là pour ça. On parlera plutôt Musique.
Certains pourront se vanter de retrouvailles ; d’autres parleront de découvertes ; et d’autres encore aspirent à vibrer un peu à l’évocation sonore d’un passé glorieux. Ce soir, le Nord entre une nouvelle fois dans le détroit de Détroit après un passage à l’Aéronef en mai et au Main Square en juillet. Il paraît qu’on en sort - et plutôt bien - même quand on ne sait pas naviguer.

Avant de rencontrer Pascal Humbert et Bertrand Cantat (aka le duo Détroit), le Zénith accueille Georges Sound. La tâche n’est, à l’évidence, pas facile pour une première partie : précéder une icône du rock français, attendue par un melting pot de vieux brisquards barbus et grisonnants, d’anciens jeunes rockeurs ou punks devenus parents, de jeunes adultes qui veulent un revival de Noir Déz’ en live et de quelques fans de Détroit. Pourtant, les cinq membres de Georges Sound s’en sortent tant bien que mal et avec beaucoup d’humilité. L’ambiance est plutôt sombre, voire désenchantée, mais en même temps on sait qu’on n’est pas venu pour rire à gorge déployée : Détroit donne dans ce brouillard froid.
On regrette que le public ne soit pas plus attentif, même si on peut le comprendre. Certes la voix de George Damien est un peu monotone, mais le sound n’est pas à jeter comme un vulgaire brouillon. Les bordelais oscillent entre slam et spoken word, entre No One Is Innocent et Prohom (ou des groupes plus confidentiels comme Coyote & Co et Mendelson). L’assemblée, dans son ensemble, apprécie et applaudit chaleureusement à chaque morceau. Georges s’en amuse : « Vous pouvez déstresser, c’est le dernier morceau. Merci pour votre patience ! » Avec ses textes bien écrits et sa musique, le groupe aura sûrement trouvé quelques nouveaux fans parmi les spectateurs.

On ne va pas se mentir : dans un concert de Détroit, il y a du Noir Désir. Même si Bertrand Cantat se fait seul héritier de cette époque passée, on ne peut pas en vouloir au groupe devant nous ce soir de jouir de cette ancienneté. Le concert aura plusieurs visages. D’abord l’entrée sur scène : quelle arrivée ! En courant, en souriant, en sautillant. Aux côtés de Bertrand (chant, guitare, harmonica) et Pascal (basse, violoncelle, chœurs), on trouve Bruno Green (guitare, claviers), Niko Boyer (guitare) et Guillaume Perron à la batterie. Un groupe quoi. Un groupe de rock des années 2010.

Toute la première partie du set, on regarde, on tatillonne. Ma Muse ouvre le bal vers l’Horizon, mais c’est Ernestine qui aura les clameurs du public. Ce sont des retrouvailles, qui viennent de longue date. On s’est impatienté ; maintenant on s’apprivoise. Dès que 666.667 Club - l’album culte de Noir Désir - est dans les parages, il est plus facile de chanter ces paroles qu’on connaît bien. Une osmose se (re)crée petit à petit. Au point que le Zénith arrive à surprendre et se faire approuver par Cantat quand il reprend en chœur À Ton Étoile, sans qu’on ne lui ait rien demandé. S’ensuit une ovation.
Dans cette première partie, le navire oscille entre Détroit, Noir Désir et une première reprise : Gimme Danger des Stooges. « Détroit, nous venons tous de là * » lance Cantat. Le plaisir sur scène transparaît, même si le chanteur tient à le souligner : « Merci beaucoup ! Vous êtes bien ? Comme nous on est bien de vous revoir… On prend notre pied ! Au cas où ça ne se verrait pas… » La setlist est plutôt bien équilibrée, entre terrain conquis et découverte. Après Null & Void, le groupe s’éclipse…

Démarre alors un autre concert : celui où on se lâche ! L’entame se fait sur un tabouret, en duo, en acoustique, avec deux faisceaux de lumière blanche. Le Zénith prend son envol, Droit Dans Le Soleil. Puis les autres membres reviennent, enfourchent leur instrument, et c’est parti pour un rodéo d’une grosse demi-heure. Entre autres : Sa Majesté (avec Georges Sound pour un bel effet), Un Jour En France (qui résonne toujours autant, 18 ans après) et le très attendu Tostaky, final en apothéose qui s’étire en longueur, pour le plus grand bonheur de tous. La fosse est survoltée, les gradins debout, ça jumpe de partout. Certains ont retrouvé les vibrations d’avant, leur énergie d’adolescent. On sourit à côté de ce quadra qui pogote comme il ne l’avait plus fait depuis longtemps visiblement.

De retour pour le rappel, comme des gosses sur scène, les Détroit nous remercient chaleureusement avant de jouer Le Vent Nous Portera, « une chanson qui passait à la radio (rires). C’est de la démagogie, mais on a le cœur gros comme ça les amis, merci infiniment ! ». On a oublié l’heure qu’il était : on a retrouvé des amis et on veut passer la nuit avec eux. Se rappeler encore tous ces souvenirs. Mais voilà la fin, Comme Elle Vient. Alors, même quand le groupe a fini de jouer et qu’il court de gauche à droite pour remercier tout le monde, le Zénith chante encore, acclame toujours, ovationne pendant de longues minutes jusqu’à obtenir son sésame : un troisième « Encore ».

Comme le disait notre ami Yann récemment, le terme anglais « Encore » a parfois des allures de petit tour de piste obligatoire après une fausse sortie toute calibrée. Celle-ci n’était pas ratée, mais on en a redemandé. C’était bien la moindre des choses. Détroit a donc invité un dernier Monsieur : Neil Young, pour Hey Hey, My My. C’était beau, on était enfin rassasié.
On est sorti du détroit, on ne savait toujours pas naviguer, mais s’il le faut on y retournera.

*The Stooges sont originaires de Detroit, USA.

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