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Benjamin Biolay & Marie Warnant à l’Aéronef

Annulé à Bully les mines le 7 mai, déplacé du Splendid à l’Aéronef le 6 mai à Lille… La visite au nord de la France de Benjamin Biolay pouvait sembler chaotique. Au point qu’en première partie un plaisantin aurait pu imaginer proposer le groupe Rap La Rumeur.

« Tout ça me tourmente », pour commencer le concert, pouvait aussi sembler un message codé. En réalité, le spectacle total, jeudi soir, a rassuré la salle, vite conquise. Il ne restait guère de place dans l’Aéronef, où il fallait forcément voyager debout (succès de la billeterie oblige), à la mauvaise surprise de quelques-unes des moins jeunes de ses fans, espérant se laisser bercer par le romantisme tourmenté, confortablement installées.

Mais le confort, qui n’a pas franchement accompagné le lyonnais victime (et parfois complice) de hauts et de bas dans sa carrière d’éternel jeune premier, n’était pas de mise ce 6 mai. Pas seulement parce que l’acoustique épouvantable ne permettait pas toujours d’entendre distinctement les paroles du chanteur (un vrai massacre métallique grinçant sur 15 sept), mais surtout car Benjamin Biolay avait décidé de secouer le cocotier, délirant avec ses textes modifiés (il osa embarquer dans sa Merco Benz un Sarkobenz et même une Martinobentz – rire du public lillois), revisitant ses compositions, jusqu’à transformer, lors du premier rappel, une chanson douce comme A l’origine en apocalypse heavy métal, hurlant à genoux tel le chanteur d’Anthrax (ps : groupe de thrash métal dont le seul point commun jusqu’ici avec Biolay était d’avoir indirectement son nom précisément dans la chanson A l’origine).

En clair, c’est une version terriblement rock de son magistral double album La Superbe que Biolay a offerte à Lille, agrémentée des titres phares de ses précédents disques Trash Yéyé ou Rose Kennedy (déchirants Cerfs volants).

Seule exception, un interlude de trois chansons, à la moitié du concert, au piano solo, avec Dans mes nuits blanches, ou encore Les Lendemains qui chantent J’ai écrit cette chanson le 21 avril 2002 »).

En cette froide nuit de mai, on se réchauffait dans la moiteur de l’Aéronef, notant que chez Biolay, Audrey Blanchet la harpiste porte un pantalon moulant en cuir, secoue ses longs cheveux et sa frange en passant au violoncelle, et se substitue impeccablement à Jeanne Cherhal dans la longue chanson Brandt Rhapsodie, au réalisme conjugal cru, sur laquelle les concerts de sa tournée s’achèvent.

En paraphant son spectacle par cette note glaciale quant au devenir des couples, et en parsemant forcément la soirée de ses ritournelles sentimentales tristounettes, Biolay, sa veste et ses cheveux longs négligés, demeure dans son registre. Il ne mérite pas forcément pour autant une partie du public bobo qui claque dans ses mains, filles au premier rang. Il mérite mieux, une reconnaissance à la fois plus large et plus ciblée. Aujourd’hui, le bientôt quadra, en multiple rupture de bans, est encore dans un entre deux, ce qui explique qu’il ne joue pas au Zenith, mais se montre déjà l’étroit dans une salle comme l’Aéronef. Il n’est certainement pas dupe de sa situation. Mi-ironique mi-comique, lorsqu’il entame le deuxième rappel par Padam, Padam, jouant la star écartant les bras et embrassant le public : « Que le monde entier m’acclame, qu’il me déclare sa flamme dans une orgie haute gamme » ? Nous n’en sommes pas encore là, et l’ancien anonyme de Villefranche-sur-Saône le sait bien, qui se moque de son propre maniérisme, mais allume quand même une cigarette gainsbarrienne, au piano, pour La Superbe.

Demeure en Biolay le plus bouleversant mélodiste français des années 2000. Il s’est peut-être dispersé, offrant sa magie de compositeur à quelques privilégiés, dissimulant habillement par ses arrangements la médiocrité d’autres artistes, mais, depuis que sa maison de disque l’a viré pour recettes insuffisantes, il semble enfin utiliser pour lui même son talent. S’il y avait déjà de nombreuses pépites dans ses autres disques, La Superbe restera dans l’histoire de la chanson au même titre que les meilleurs albums concepts de Gainsbourg. Et ceux que son allure de dandy déchiré agace, ceux qui pouvaient ironiser sur les filles en pamoison jeudi, devaient admettre que Biolay et son groupe savent assurer un spectacle solide, au registre musical étendu. On n’en attendait pas moins d’un gars fétichiste pop de John Lennon.

  1. Axel

    Excellente critique ci dessus que je partage largement. Excellent Biolay hier soir à l'Aeronef ! La qualité du son était curieusement variable du tres bon au tres mauvais, mais soirée inoubliable pour moi ! j'en redemande ;) (qualifier "A l'origne" version studio de douce est peut être exagéré ;)

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