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Ugly Kid Joe à l’Aeronef

Ah, le début des 90's. Toute une époque. Les Simpsons n'en étaient qu'à leurs premières saisons. Fox Mulder invitait le monde à croire aux extraterrestres. Terminator 2 et Jurassic Park redéfinissaient le cinéma à grand spectacle par la modernité de leurs effets spéciaux. À la maison, les films se regardaient en VHS alors que les consoles de jeux, elles, n'en étaient qu'à leur 5e génération, celle des 32 et 64 bits.
MTV, pour quelques bonnes et d'autres terribles raisons, représentait alors un véritable bouleversement culturel, un média tout autant source de prescription et de contre-culture que d'uniformisation et de conformisme. Le Hard FM permanenté avec ses guitaristes en cycliste vivait ses derniers instants. Le Hip Hop commençait à toucher un public beaucoup plus large et plus blanc tandis que le Rock se faisait volontiers fusion. Kurt Cobain, pour son plus grand malheur, était perçu comme un messie tandis que la vague Grunge déferlait sur le monde avec son cortège de jean's troués, de cheveux filasses et de chemises à carreaux XXL. Le briquet détrônait toujours le téléphone portable en concert, on mangeait des Raiders plutôt que des Twix et les hipsters n'étaient encore qu'un très lointain cauchemar...

Une époque pas si lointaine mais déjà révolue dont Ugly Kid Joe représente un indéniable jalon. Un groupe marqué par son terrible hit de 1992, le mythique 'Everything About You'. Un tube survenu tellement tôt qu'il a quelque peu phagocyté le reste d’une carrière pourtant parfaitement honorable avec deux albums d'excellente facture, Menace To Sobriety en 1995 et Motel California en 1996. Un peu à l'image des Spin Doctors (qui se souvient ?) avec leur fameux 'Two Princes' ou des Presidents Of United States Of America avec leur single 'Lump'. L'exemple type du groupe générationnel. Entamant un retour en 2012 avec l’EP Starway To Hell et le concrétisant en 2015 avec l'album Uglier That They Used Ta Be, entièrement financés par Crowdfunding. Des essais musicalement réussis mais, faute d'une réelle médiatisation, passés relativement inaperçus, particulièrement auprès des plus jeunes. Comme on peut le constater, en arrivant à L'Aéronef où l'influence est quelque peu décevante en ce soir du 16 juin .

Le public montre une quarantaine bien tassée. Peu de kids à l'horizon. Un fort vent de nostalgie souffle sur la salle lilloise. Qui, comme pour enfoncer le clou, a programmé en première partie la projection du film Wayne's World dont l'humour potache et débile et les multiples références autant musicales que télévisuelles renvoient à tout un pan de la sous-culture du début des années 90.

C'est donc sur la modeste scène du Club qu'Ugly Kid Joe fait son apparition. Mais le groupe semble parfaitement heureux d'être là. Totalement à son aise et ravi de jouer dans ces conditions intimistes. On est d'ailleurs frappé par la simplicité de leur entrée sur scène et par leur manière de gérer le show. Peu de lumières, pas de mise en scène tape à l’œil mettant en avant une gloire passée et, surtout, un son « modeste ». Alors que bon nombre de groupes de Hard-Rock jouent à un niveau sonore excessivement élevé, souvent au détriment du rendu musical, Ugly Kid Joe ne cherche en effet à aucun moment à exploser l'échelle des décibels et préfère privilégier l'énergie naturelle de son répertoire.

De la grande époque, on retrouve Whitfield Crane au chant, les guitaristes Klaus Eichstadt et Dave Fortman et le bassiste Cordell Crockett. Frais comme des jeunes premiers, malgré l'approche de la cinquantaine, le sourire aux lèvres et le sens de la déconnade toujours présent avec un batteur, le petit nouveau Zac Morris, simplement vêtu d'un slip, le groupe n’a en fait pas besoin d’en faire des tonnes pour en imposer et emmener avec lui des spectateurs conquis d’avance. Leur Hard-Rock US biberonné à la culture Skate et à l’humour très satirique fonctionne toujours à plein régime. Agit sur l’ensemble du public comme une cure de jouvence. Même si les jumps se révèlent très vite nettement moins vigoureux que dans le temps.

Les musiciens dégagent une grande facilité. La mécanique est parfaitement huilée. Les guitares avancent telles de grosses locomotives lancées à plein régime. Le son est rond. Les riffs tranchants, incisifs et accrocheurs. Font preuve d’inventivité en n’hésitant pas à développer des ambiances Funk et groovy, parfaitement relayées par les rythmiques survitaminées du bassiste et du batteur. Que ce soit en terme de technique pure ou de feeling, on se rend compte, en les voyant sur scène, à quel point Ugly Kid Joe est un groupe trop largement sous-estimé. Et Whitfield Crane un frontman d’exception.

Malgré un bras en écharpe, le chanteur assure le spectacle. Se dépense sans compter. Conscient qu’un bon concert se donne autant sur scène que dans la salle, il fait attention aux moindres détails. Il plaisante avec le public, créé facilement avec lui une saine proximité en l’invitant à reprendre certaines paroles, à imiter certaines chorégraphies ou en le remerciant, le plus sincèrement du monde, d’être venu. Vocalement, il prouve qu’il n’a rien perdu de son superbe grain de voix. Le guitariste du groupe de Trash-Metal Anthrax, Scott Ian, ami avec lui, avait d’ailleurs un jour déclaré que Whitfield Crane pouvait absolument tout chanter. Impossible de le contredire. Tellement le chanteur se montre à son aise dans différents registres, des plus Heavy (‘Neighbor’, ‘VIP’, ‘Goddamn Devil’, ‘Dialogue’…) aux plus légers (‘Cats In The Cradle’) ou Funky, comme sur ‘Funky Fresh Country Club’ où le chant se fait vaguement Hip Hop.

Groupe en grande forme, absence totale de démagogie, attitude fun et old-school, set-list catchy en forme de best-of parfaitement pensé, le retour d’Ugly Kid Joe aux affaires fait réellement plaisir à voir. Seul petit bémol, l’absence de jeunes dans la salle en ce soir précis. Car si la musique du groupe porte indéniablement l’empreinte des 90’s, elle ne paraît pour autant jamais datée. Et à l’heure où un certain nombre d’adolescents (ré)arborent des T-shirts à l’effigie de groupes tels que Guns N’Roses, Skid Row, Motorhead, AC/DC ou Aerosmith, Ugly Kid Joe a naturellement une place à reconquérir car il s’inscrit parfaitement dans cette lignée.

Un état de fait qu’aura sûrement su corriger le groupe en jouant les deux jours suivants au Hellfest à Clisson et au Graspop Metal Meeting à Dessel devant un auditoire beaucoup plus large et hétéroclite.

  1. Karokeman

    Bon article dans l'ensemble qui traduit bien le concert de Lille. Attention "Affluence" et non "influence" pour le nombre de participants (pauvre, il est vrai, faute de pub à l'avance). Je suis d'accord sur tout sauf:

    1)"Ugly Kid Joe ne cherche en effet à aucun moment à exploser l'échelle des décibels". Ils avaient vraiment un son pourris à faire sauter les tympans, d'accord pour le terme matos modeste qui pour moi était vraiment de la daube,enregistrement impossible.

    2) c'est effectivement un setlist "best of" car rien de Uglier ce qui est très décevant depuis 2015.

    Le groupe a tout pour cartonner mais repasse une soupe réchauffé depuis 2010 qui ne satisfait plus que les fans qui n'ont presque jamais l'occasion de les voir ou de les écouter. honnêtement si le setlist ne change pas radicalement à la prochaine tournée, Lille sera le dernier concert où je me serai déplacé les voir.

    Sinon l'article est très bien écrit dans l'ensemble bravo!

  2. Vh

    L absence de jeune mince alors à 35 ans ont des vieux lol

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