Fat Freddy’s Drop à L’Aéronef

Tâche ardue que de raconter un concert de Fat Freddy's Drop sans verser dans le dithyrambe. Captivant, surprenant, époustouflant, bluffant, bouillonnant, flamboyant, incendiaire... Les mots manquent presque à l'appel et on ne sait pas par lequel commencer. Avec seulement quatre albums en quinze ans d’existence et deux disques enregistrés en public, les Néo-Zélandais demeurent fondamentalement un groupe qui gagne à être vu en live.

Avec une science de la scène et du public consommée, les sept musiciens du collectif de Wellington prouvent, sur les planches de L'Aéronef, que leur réputation de bêtes de scène, acquise au fil de plus de 800 concerts donnés de par le monde, n'est pas usurpée. Des costumes à l'agencement de la set-list, rien ne semble avoir été laissé au hasard. Le son, roulant sur la foule tel des remous océaniques, est un véritable tour de force : chaud, enveloppant, limpide, savamment dosé. Réussissant l'exploit de donner une véritable dimension organique aux sonorités les plus électroniques. Il est même assez décontenançant de voir comment les beats du DJ du groupe, DJ Fitchie, une référence dans son pays, remplacent avec un naturel saisissant la présence physique d'un réel batteur pour se suffire à eux-mêmes.

Une bonne partie des morceaux du groupe débute par de longues plages introductives, quasi méditatives. Des invitations à la rêverie portées par la voix douce, presque Soulful, de Joe Dukie. Des fausses pistes à chaque fois interrompues, sans que l'on s'y attende, par un élément perturbateur : une envolée de guitare psychédélique, un solo de saxophone lorgnant vers le Free Jazz, un clavier tutoyant le Funk vintage des 70's, une incursion déroutante vers une Techno progressive... Les écarts musicaux sont légion. Ils décollent avec force la réductrice étiquette 'Reggae' qui a pu être apposée au groupe. On ne sait pas sur quel pied danser. Mais pourtant on danse.

Visiblement peu intéressé par les étiquettes, Fat Freddy's Drop met ainsi du Funk dans son Reggae, de l'Électro dans son Funk, du Jazz dans son Électro et de la spiritualité dans son Jazz... Il ne recule pas devant les ruptures de ton au sein d'un même morceau. Avec un trio de cuivres tonitruant, un clavier qui cavale à en perdre les touches, un beatmaker inspiré et multidirectionnel, un guitariste au jeu hybride et un chanteur d'une grande sensualité, le groupe passe de contemplations jamaïcaines à des ambiances hallucinogènes, escalade divers reliefs musicaux tout en restant d'une incroyable cohérence. Développe, à travers de longues Jams improvisées, une vibration, une ondulation d'une grande richesse culturelle devant laquelle il est impossible de rester insensible.

L'alchimie entre la scène et le public est prégnante. Il se dégage des musiciens un fort magnétisme. Un mélange de professionnalisme et de fantaisie faisant du Fat Freddy's Drop une imposante machine de guerre pacifique. Un groupe soudé, à la complicité non feinte, portée par une joie et un sens du partage hautement communicatifs. On y sent un vrai et grand plaisir de jouer. Chaque musicien est impressionnant de maîtrise et de précision, quel que soit l'univers musical abordé. Apportant sa petite touche personnelle et ses propres influences. N'hésitant pas à s'effacer ou à laisser sa place pour mieux rebondir sur ce qui a été improvisé par un autre. Composée d'individualités complémentaires, le collectif est vraiment une mécanique d'exception. Derrière son trombone, Joe 'Hopepa' Lindsay marque néanmoins les esprits. Laissant tomber le costume trois pièces pour une tenue plus « légère » (caleçon blanc à paillettes, maillot de corps blanc moulant et chaussettes blanches de tennisman remontées jusqu'au genou), il fait le spectacle. Remuant fièrement sa bedaine. Se démenant comme un diable de Tazmanie (version Tex Avery) derrière son instrument qu'il échange à de rares moments contre un tuba ou un harmonica. Ou dansant, comme en état transe, sur les interventions inspirées de ses camarades.

Pendant plus de deux heures, Fat Freddy's Drop captive, ensorcelle, surprend, fait danser. En met plein les yeux et les oreilles. Met sur les rotules. Rappelle ce que se doit d'être un concert. Un embrasement sans aucune faiblesse ou baisse de tension. Un pur moment de communion porté par un constant sentiment de jubilation. Tout simplement merveilleux.

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