L’adaptation de l’Avare de Molière par Ludovic Lagarde est résolument moderne.
Moderne tout d’abord par son décor. On est loin de la maison bourgeoise suggérée par le texte : on se retrouve désormais dans un entrepôt surchargé de caisses, d’étagères, Harpagon est aujourd’hui un commerçant en import-export, qui circule au milieu de ses marchandises. Ce décor modulable évolue donc au gré des besoins, et parfois aussi, semble-t-il, de manière un peu gratuite.
Moderne aussi par les costumes des personnages. Finis les costumes du XVIIème siècle, Harpagon (Laurent Poitrenaux), Valère (Alexandre Pallu), Cléante (Tom Politano) sont des hommes de notre époque, qui questionnent notre rapport à l’argent, à l’amour.
Moderne enfin, et surtout, par l’orientation tragique que prend le spectacle à partir du cinquième acte. Si le texte de Molière est scrupuleusement respecté tout au long de la représentation, la fin s’éloigne du projet de l’auteur. En effet, chez Molière, nous avions un dénouement classique de comédie, une fin convenue même pourrions-nous dire : le père se réconciliait avec ses enfants, deux mariages se profilaient… Rien de cela dans le choix de Lagarde qui termine la pièce sur la solitude tragique d’Harpagon avec son or. Il va même jusqu’à s’enfermer avec lui. Si le dispositif scénique de ce moment est magnifique, avec des jeux de lumière dorée et un rétrécissement de l’espace pour souligner l’éloignement d’Harpagon de la communauté des hommes, on peut tout de même s’étonner de voir l’œuvre se clore ainsi…
Dans ce final tragique, le comique est essentiellement porté au cœur du spectacle par Christèle Tual (alias Frosine), dont la performance a ravi le public à chacune de ses apparitions sur la scène. Cette entremetteuse, véritable femme d’affaire moderne, arrive sur la scène en tirant sa valise à roulette, vêtue d’un tailleur noir, et perchée sur ses talons aiguilles. Sensuelle dans son rôle de marieuse, elle entraîne avec elle les autres personnages de la pièce pour des moments de rire sincères.
