Joey Starr Egomaniac Tour
Bon, Joey Rre-sta a tout cramé. C'était à peu près gagné, mais il l'a quand même fait. Et Lille a apparemment la bonne place dans son classement des dates de la tournée. Reprenons dans l'ordre, maintenant que le suspens est tombé. La soirée renifle la tension du côté de la sécurité, qui s'attend à une horde sauvages venus cracher du lyrics avec la staRR. Le public, nombreux, est en réalité assez sage, en moyenne dans sa troisième décennie, et surtout manifestement pas plus branché hip-hop que ça.
La première partie est quand même suivie avec attention, ce qui est assez marrant, vu qu'il est difficile de découvrir un rapper en live si le son n'est pas nickel (ce qui était bien évidemment le cas). De ce qui était audible, on retiendra que Dragon Davy et FDY Phenomen parlent de hip-hop, de bizness et de gonzesses. Bon c'est pas que c'est pas nouveau mais quand même. D'ailleurs, le gimmick "phenomène au mic", scandé entre chaque chanson, Lord Kossity l'avait déjà fait, et quand Lord Ko fait quelque chose, tu peux avoir la décence de ne pas le rappeler à l'auditeur. Les mecs ne sont pas mauvais techniquement mais ne connaissent rien du live, surtout comparé à ce qui va suivre : aucun enchaînement entre les titres, de la communication facile ("tout le monde la main en l'air"), ça ne transpire pas beaucoup. Heureusement pour eux qu'on était pas dans une Mjc en 85, les mecs se seraient fait bouffer.
Alors bien sûr, quand Joey Starr arrive, en plus d'être la tête d'affiche, il a la comparaison flatteuse. Mais ça n'a quand même rien à voir. Lui ne balance pas un timide "la main en l'air", il te le marbre tout le temps dans le crâne, et vu qu'on ne dit pas non à Jaguarr Gorgone, hé bah toute la fosse s'est retrouvé à lever le bras et à jumper et à "Fouté Bordel" du début à la fin. Tout le monde sur les rotules à la sortie.
On va innover et parler des points négatifs tout de suite : Joey Starr fait un peu le Selecta plus que le MC, il anime sa soirée. Bon il le fait très très bien, mais ça ne chante pas des masses quand même. Entre les deux poses pour laisser les Dj s'exprimer, le medley des refrains des tubes de Nicomouk, les deux solos de son side-kick et les interludes instrumentaux pour faire sauter tout le monde en rythme, bah ça passe vite.
Mais bon, Joey Rre-sta a tout cramé. Sur ses trois premiers morceaux, il a réussi à s'engueuler avec son ingé son retour (au point d'aller lui-même monter les pistes en coulisse), à détruire un mec du public qui filmait ("J'sais pas combien cher tu l'as payée ta place, mais si c'est pour voir le show à travers un écran pour le mettre en ligne avec un son pourri pour des mecs qui auraient dû venir, tu t'es fait avoir"), et surtout à chauffer la salle, et pas qu'un peu. Les deux singles de son nouvel album envoyés, il est passé à du plus vieux, et donc à des nostalgies NTMiennes. Mais il aurait pu jouer absolument n'importe quoi, ce qui compte c'est que chaque personne présente à l'Aéro a vu un vrai concert. Joey Starr c'est le plus grand rockeur de France, sauf qu'il ne le sait pas. Outre la voix qui fout ta téci dans tous ses états et les démêlés avec la justice, l'expert de la maison mère c'est un putain de renard de la scène, avec un instinct et un groove qui explosent de partout, tout au feeling, au bon geste au bon moment. Alors bien sûr, on peut regretter Kool Shen, on peut regretter les samples old school, on peut déplorer le côté formule qui sourd malgré tout ("mon ego vertigineux", si on l'a pas entendu 5 fois ça, c'est qu'on a pas regardé d'interview pour Egomaniac), mais on a quand même vu un vrai live, ce qui n'arrive que rarement.
Un mot sur ses lieutenants pour finir : son side-kick, Nathy Boss est d'une efficacité à toute épreuve. Depuis qu'il est gamin, il traîne avec Joey, donc la gestuelle se retrouve, la voix aussi. Un Jaguarr plus gentil et plus jeune. Dommage qu'il fasse de la musique tout seul. Et les trois Djs ! Kimfu, qui a produit l'album, pas mauvais. Et surtout, voir Naughty J et Cut Killer sur scène, c'est un grand moment à vivre.
Même si Joey Rre-sta est en train de se muséifier et qu'on a eu ce que le mec moyen qui a connu NTM via les guignols pouvait attendre - les spliffs sur scène, les refrains mythiques, les consignes de votes - la sincérité du Double R continue de se mesurer à sa sueur. Et comme il a tout cramé...