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Groundation + Nahko & Medecine For The People à l’Aéronef

Un Aéronef plein à craquer. Nahko & Medecine For The People ne pouvait rêver mieux pour un premier passage dans une salle française. Formé autour du chanteur d'origine amérindienne, Nahko Bear Parayno, le groupe bénéficie, parait-il, d'une solide réputation aux quatre coins des U.S.A. Et semble effectivement ne pas en être à ses premières armes.

Brassant différentes influences avec des chansons se situant aux frontières du Roots, de la Pop, de la Folk et de la musique ethnique, leur univers musical teinté de mysticisme, prônant l'amour et le retour à la terre, n'est pas sans rappeler ceux de Jack Johnson, de Xavier Rudd ou du John Butler Trio. Un héritage putatif qui malheureusement ne sort jamais des sentiers battus, reste bien trop conventionnel. Volontairement universelles, les compositions ensoleillées du groupe s'enfoncent dans les pires clichés World. Le mélange des genres, simpliste, pas assez aventureux se révèle bientôt aussi indigeste qu'un cocktail de club de vacances familial. Trop sucré, trop sirupeux et vite écoeurant. De la musique de carte postale en forme de pub Ushaïa.

Un manque d'authenticité et de fraîcheur renforcé par l'attitude scénique du groupe qui, dans sa quête de reconnaissance, s'enferme également dans les pires travers du show à l'américaine: gros son formaté et lisse, poses crâneuses et téléphonées, faussement séductrices avec tombage de chemise et moulinets de guitares totalement hors-sujet... Le pendant MTV de la spiritualité.

Quand les neufs musiciens de Groundation montent sur scène, une énorme vague d'ondes positives, comme par magie, vient frapper de plein fouet les spectateurs. Au son rond et bondissant de la basse, des notes d'orgue qui viennent s'égrainer en écho et de la guitare qui, discrètement donne le ton, l'assistance se mue instantanément, comme par réflexe naturel, en une masse chaloupante. Un mouvement, une marée qui ne s'interrompra à aucun moment.

Entre les mains de Groundation, les trois premières lettres du mot Jamaïque s'écrivent en lettres capitales. Le concert est articulé comme une longue Jam conceptuelle. Où la musique devient offrande. Ou mieux, une prière porteuse d'espoir et de sagesse. Dans la culture Rastafari, le terme Groundation désigne d'ailleurs une cérémonie au cours de laquelle des adeptes de Jah se réunissent autour d'instruments pour rendre hommage à leur créateur.

A l'image de la pensée Rasta, faite d'héritages africains, indiens et chrétiens puis recomposée, la formation californienne, portée par la voix incandescente de son chef d'orchestre charismatique, Harrison Stafford, irrigue sa musique de nombreuses colorations. Jazz principalement. Encore plus que sur leurs albums, les musiciens étirent leurs morceaux pour qu'ils atteignent une longueur inhabituelle dans le genre. En témoignent de nombreux passages instrumentaux, à la construction formelle complexe, centrés autour autour du claviériste Marcus Urani et d'interventions généreuses de la section cuivres (trompette et trombone). Des sonorités se mariant à merveille au jeu à contretemps de la guitare du leader. Dessinant une musique mutante et changeante, inventive et gracieuse jouée avec une précision et un sens du détail proprement ahurissants. Faut-il le rappeler, les membres de Groundation se sont rencontrés sur les bancs d'une école de... Jazz.

A Miracle, le dernier album en date, étant pensé comme une ode à la femme et à la maternité, une place importante est donnée aux voix féminines. Ainsi, très souvent, Harrison Stafford, s'efface derrière ses deux choristes, Kim Pommell et Sherida Sharpe, qui, à chaque fois, prennent le lead avec virtuosité. Sur des titres tels que 'Born Again', 'Liberation Call' ou 'Jah Defend The Music', leur voix charnues et soulful font des merveilles. Accentuant la délicatesse du propos et faisant monter irrésistiblement l'émotion.

Terminant leur concert par un hommage à Bob Marley, les Groundation confirment, une nouvelle fois, qu'ils font partie de ses plus singuliers et convaincants apôtres. Et s'imposent, il n'est pas permis d'en douter, comme la formation Reggae la plus importante du moment. Pas une surprise en soit. Avant de rencontrer le succès, Harrison Stafford fut un professeur universitaire émérite spécialisé dans la culture Jamaïcaine. Naturel qu'il continue de donner des leçons.

 

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